Ce livre est un recueil d’articles autour de Sparte à l’aube de son histoire, mais consacré à Sparte et aux composantes de la société spartiate (hors conquêtes et autre colonisation). Celui-ci se compose de 11 articles. L’editeur/auteur L. Thommen se charge de l’introduction, pour rappeler l’importance que les Allemands ont toujours accordée à la Sparte archaïque, et l’ouvrage se termine sur un chapitre historiographique, dû au spécialiste allemand de la discipline. Il est terminé par un index et chaque article est accompagné d’une bibliographie. L’ouvrage ne comporte pas de carte, alors même que le premier article est consacré par Lukas Thommen aux problèmes d’expansion territoriale, p. 15-28 (Das Territorium des Frühen Sparta in Mythos, Epos, und Forschung). On ne voit pas trop ce qu’apporte, à notre connaissance, ce genre d’article, d’autant plus que les propositions avancées laissent parfois pantois. En quoi le fait que les Rois aient des propriétés dans la périoikis montre que ces cités avaient été conquises ? (p. 16). Le problème est que, que si l’on peut voir à Sparte comment le mythe crée l’histoire, la façon dont l’histoire peut surgir du mythe reste bien confuse. En fait le mythe nous raconte finalement surtout l’histoire de son temps. Le temps du mythe, c’est toujours le temps présent. L’article suivant dû à K.-W. Welwei, p. 29-42, sur les débuts de l’hilotisme, pose des problèmes du même genre, c’est-à-dire que rien n’apparaît des travaux récents s’interrogeant sur les « invasions doriennes ». Et le fait que le système de l’hilotisme ait eu des corrélats en Crète, en Argolide, en Thessalie, n’est jamais abordé. Pourtant ce phénomène permet de douter de la conclusion (Au départ seraient des douloi, l’hilotisme serait un sous-produit de la conquête de la Messénie, il n’y aurait aucune « propriété » collective). M. Dreher, p. 43-62, se penche, lui, sur les premiers aspects de la constitution spartiate, en étudiant l’Eunomia de Tyrtée et la grande Rhètra. Il établit une analogie entre demotas andras et plèthos. Le peuple citoyen serait donc l’assemblée de tous les hommes susceptibles de combattre sans distinction de fortune – mais appartenant à la catégorie des hommes libres. Et la Rhètra aurait pour objet de préciser que l’élément dirimant est la gerousia dont les membres sont désormais au nombre de 30 (avec les basileis) (M. Dreher s’oppose donc à la proposition qu’avait faite L. Thommen d’y voir la création de l’assemblée). A. Maffi étudie le problème du droit et de la justice à Sparte, p. 63-72. A. Luther, p. 73-88, reprend l’étude du nom de l’assemblée du peuple à Sparte et réunit commodément (pour le lecteur) tous les passages qui en parlent. Il apparaît évident que les écrivains (essentiellement athéniens) utilisent de préférence le mot ekklèsia, alors que le choix plutarchéen d’Apella a été retenu dans l’historiographie moderne. L’auteur estime, qu’à part les grandes apellai annuelles où l’on élisait les éphores, le terme était ekklèsia ; mais… aucun écrivain n’est spartiate. Hérodote, cosmopolite, utilise les termes Halia, Agora, ce qui laisse supposer que le terme utilisé par les Lacédémoniens était autre qu’ekklèsia. Or les Rois sacrifiaient à Apollon le 1 et le 7 de chaque mois (Hérod., VI, 57). Ne peut-on supposer que ces sacrifices publics, importants, s’accompagnaient de la réunion rituelle de l’assemblée, qui était donc, à la fois, une assemblée et une apella, où tout le monde était censé être présent, les autres assemblées étant les réunions appelées de façon occasionnelle ? Karnéien, Amykléen, Pythien, Thornax, Maléatas,… les figures d’Apollon sont innombrables, ses sanctuaires couvrent tout le territoire, et partout les jeunes hommes courent en son honneur. Les rassembler lorsque le Roi sacrifie en l’honneur du Dieu semble aller de soi. Les deux articles suivants portent sur la communication et l’image. W. Schmitz, p. 89‑112, » Die Macht über die Sprache » utilise les quelques exemples d’échanges verbaux laconiens (ou présentés comme tels) pour montrer leur caractère spécifique. M. Meier, p. 112-124, revient sur le moment où se conçoit l’idéal de l’homoios. Pour lui ce serait un idéal aristocratique à mettre en relation avec la fin de la seconde guerre de Messénie, qui permettrait de marquer la différence entre les Spartiates (quelle que soit leur fortune ) et les autres ; autrement dit une égalité aristocratique. Ce point me semble effectif, mais la date du concept est à affiner Nous avons ensuite un article de H. Van Wees (en anglais), p. 125-164, sur le serment du bataillon (intéressante vision de Sparte comme modèle pour les Grecs). E. Baltrusch, p. 165‑192, étudie le rapport entre polis et hospitalité. Il pense voir une fermeture à Sparte avec repli sur le Péloponnèse au moment de Cléomène I. Le dernier article, de St. Rebenich, est un article d’historiographie. L’historiographie allemande concernant Léonidas et les Thermopyles depuis 1750, article qui s’inscrit dans toute une série du même auteur, réflexion très intéressante pour qui veut connaître l’historiographie allemande.
Au total d’ailleurs, pour le lecteur français, l’intérêt majeur de l’ouvrage est sans doute là, (car les articles sont souvent rapides) donner une bibliographie des travaux en allemand sur Sparte actuellement.
Jacqueline Christien