La bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg qui conserve de nombreux fonds documentaires inédits a entrepris récemment de les publier. Les travaux réalisés en Grèce et en Asie Mineure par le voyageur Carl Haller von Hallerstein entre 1808 et 1817 constituent le tout premier volume de la collection « Savoirs collectés ».
Car Haller von Hallerstein, né en 1774 près de Nuremberg, architecte et dessinateur a constitué au cours de ses voyages, en moins d’une dizaine d’années, un dossier considérable dont la BNU de Strasbourg possède une partie conséquente : un journal de voyage très détaillé, une correspondance avec divers personnages dont le roi Louis Ier de Bavière, 21 carnets de dessins et 72 chemises contenant 1391 feuillets de dessins.
L’ouvrage collectif édité par les Presses Universitaires de Strasbourg, après plusieurs chapitres destinés à présenter Haller, le destin de ses travaux après sa mort prématurée en 1817, et l’intérêt qu’ils représentent pour les archéologues et les chercheurs, décrit, reproductions à l’appui, un choix de quatre-vingt-neuf dessins du voyageur réalisés en Italie, Grèce et Asie Mineure. Cinq cartes permettent de connaître ses itinéraires dans ces différents pays, suivies de notices biographiques de ses compagnons et collaborateurs de voyage.
Au fil des images, on se rend compte de l’intérêt d’Haller pour les paysages, dont beaucoup de panoramiques, pour les habitants rencontrés et pour les monuments aux fouilles de certains desquels il a participé, comme les temples d’Égine ou de Bassae. Ces dessins, exécutés pour la plupart au crayon, sans doute sur un papier qui a jauni, souffrent malheureusement en outre, pour la plupart d’entre eux, d’une visibilité médiocre, faute de contraste, que le choix d’un papier sur fond crème pour la publication aggrave considérablement. Ceci est d’autant plus dommage que le talent de l’artiste est réel (on peut en juger sur les rares planches à l’encre et aquarellées) et que l’on a là le témoignage d’un paysage encore préservé des transformations ultérieures. On s’étonne toutefois de ne trouver aucune copie d’inscriptions grecques (sont-elles dans des feuillets non publiés ?) dont il a peut-être vu des inédits, à la différence de ce qu’avait fait, à la même époque, l’Anglais William John Bankes lors de ses voyages en Grèce et au Proche-Orient.
Les auteurs se plaisent à souligner l’apport d’Haller à l’archéologie pour laquelle il suggère des méthodes nouvelles (références aux sources, comparatisme, analyses chronologiques et typologiques, constitutions des carnets de fouilles), son enthousiasme pour le patrimoine grec qui le conduit à fonder le « Xeineion », association internationale d’archéologues et réunis autour de la notion de philhellénisme, destinée à contribuer à la connaissance des monuments anciens et à leur préservation. Mais ils n’occultent pas non plus des agissements plus contestables et contradictoires qui conduisent Haller à prélever et vendre au plus offrant les sculptures venues d’Égine ou de Bassae et à exporter des objets de collection ; pratiques hélas courantes au XIXe siècle.
L’ouvrage démontre que ces archives des voyageurs dessinateurs érudits méritent d’être portés à la connaissance du public, car elles contiennent souvent des informations très utiles, surtout quand le temps ou les conflits ont pu faire disparaître des monuments et affecter gravement les paysages (nous sommes à la veille de la guerre d’indépendance de la Grèce). La mise en ligne de l’intégralité des documents de Haller, évoquée par les auteurs, est grandement souhaitée, ce qui permettra sans doute d’améliorer les images et rendre plus évident encore les talents du dessinateur.
Annie Sartre-Fauriat, CHEHS, université d’Artois, HiSoMa, université de Lyon