Cet ouvrage collectif présente une synthèse des résultats des six premières années de travaux menés par la mission française sur le site de Bouto/Tell el Faracîn. Ce site, dont l’occupation s’échelonne entre la première moitié du IVe millénaire av. J.-C. et le VIIe siècle apr. J.-C., est localisé dans la partie nord-ouest du delta du Nil à une quinzaine de kilomètres à l’est de la branche de Rosette. Des recherches archéologiques sur les périodes anciennes, tout particulièrement les périodes pré et protodynastiques (IVe et IIIe millénaires av. J.-C.), y sont menées depuis 1983 par le Deutsches Archäologisches Institut du Caire. Depuis 2001, la Mission Française de Bouto dirigée par Pascale Ballet (Université de Poitiers, puis Université de Paris Nanterre) s’intéresse, quant à elle, aux phases les plus tardives de l’occupation du site, depuis la fin de la Basse Époque jusqu’au début de l’époque islamique. Ces occupations sont notamment caractérisées par la présence de plusieurs ateliers de potiers en activité aux périodes hellénistique et romaine. Ce volume s’inscrit dans continuité des ouvrages monographiques sur le site de Bouto publiés par l’Institut allemand. Il s’agit, par ailleurs, de la première monographie de la mission française faisant suite à la publication régulière d’articles et de rapports sur ses travaux.
L’ouvrage, préfacé par Ulrich Hartung (p. 9), directeur de la mission allemande de 1999 à 2019, comprend une bibliographie d’une vingtaine de pages (p. 11-31), 257 pages de texte (p. 33-290), une annexe de 43 pages, suivies d’une liste des contextes, d’un index, d’une liste des figures et de 60 planches illustratives. Les quatre parties qui composent le texte, hors introduction et conclusion, comprennent également 99 figures et 51 tableaux. D’une manière générale, les illustrations de l’ensemble du volume (plans, dessins, photographies) sont abondantes et de qualité.
Après une présentation générale du site, l’introduction (p. 33-39) retrace les différents travaux menés à Bouto depuis son identification par William M. F. Petrie en 1886, et dont certains furent à l’origine de la création de la mission française (p. 34-36). Elle contient également une note onomastique signée par Åke Engsheden (p. 37-39).
Dans la première partie (p. 41-51), les auteurs (Pascale Ballet, Anne Schmitt et Tomasz Herbich) exposent les prospections pédestres et géophysiques menées sur le site et qui, se fondant entre autres sur les premières observations effectuées lors des fouilles anglaises de l’Egypt Exploration Society à la toute fin des années 1960, ont permis la localisation d’ateliers de potiers et de dépotoirs associés. Les prospections pédestres furent d’abord extensives en 1999 et 2000, puis se centrèrent en 2001 sur les secteurs identifiés au préalable dans le but d’en caractériser les productions (p. 41-48). La même année, les prospections géophysiques réalisées par Tomasz Herbich (Université de Varsovie) révèlent la présence d’anomalies circulaires correspondant à des fours à l’emplacement des secteurs délimités lors des prospections pédestres (p. 48). Les résultats ainsi obtenus ont déterminé l’implantation des premiers sondages.
La seconde partie (p. 53-183), qui est de loin la plus conséquente, traite des fouilles des sondages implantés sur le versant septentrional de l’un des kôms (kôm A) lors des campagnes de 2002 à 2004 (secteurs P1, P1K, P2, P3 et P4). Ces fouilles ont permis la découverte de plusieurs fours et de leur production associée : des céramiques fines – bols, plats, cratères, assiettes, cruches et flacons – à engobe rouge plus ou moins brillant et datées entre la seconde moitié du Ier et le début du IIe siècle apr. J.-C. (secteurs P1 et P1K, p. 53-134) et des céramiques communes (pichets, gargoulettes, vaisselle de table et récipients de stockage) et culinaires (marmites et plats de cuisson), datées de la seconde moitié du IIe au milieu du IIIe siècle apr. J.-C. (secteur P3, p. 150-153). Ainsi, pour chaque secteur, les données archéologiques et le matériel céramique associé sont présentés par les différents intervenants (Pascale Ballet, Fréderic Béguin, Patrice Georges, Valérie Le Provost, Guy Lecuyot, Anne Schmitt).
La troisième partie (p. 185-198) aborde de manière plus spécifique les aspects techniques des productions céramiques de Bouto à travers l’étude réalisée par Anne Schmitt. Y sont traitées les questions des fours, des modes de cuisson (p.185-190) et des pâtes (p. 190) pour les trois productions attestées à ce jour sur le site de Bouto : les céramiques communes rouges, les céramiques noires imitant les productions attiques à vernis noir, et enfin les céramiques fines à engobe rouge orangé, dont la cuisson dans des fours à tubulures s’inspire d’un procédé utilisé pour les productions occidentales. À cette étude très détaillée vient s’ajouter celle de Pascale Ballet, portant sur le matériel associé aux fours et, d’une manière plus générale aux ateliers, tels que les tubulures, séparateurs, conduits de ventilation et disques en terre cuite (p. 191-198).
Enfin, une quatrième et dernière partie (p. 199-285) regroupe plusieurs études de mobilier sous la plume de différents spécialistes. Le matériel archéologique mis au jour lors des fouilles de la mission y est présenté par grande catégorie : les amphores égyptiennes (Delphine Dixneuf, p. 199-230), les amphores importées (Ahmet Kaan Şenol, p. 230-246) et les timbres amphoriques (Gonca CandardeŞ-Şenol, p. 246-250), les faïences et le verre (Marie-Dominique Nenna, p. 250-271), les objets en pierre, terre cuite, matière dure animale ou encore en métal (Pascale Ballet, p. 271-285).
La conclusion (p. 287-290) dresse la synthèse de l’avancement des recherches de la mission française sur le site de Bouto en insistant particulièrement sur les spécificités des trois types de productions céramiques attestés sur le site et la place que devait tenir celui-ci dans les réseaux économiques et commerciaux d’époque impériale. Elle ouvre également sur de nouvelles perspectives de recherche.
Cet ouvrage constitue l’aboutissement de plusieurs années de recherches archéologiques et d’études spécialisées sur le site de Bouto/Tell el Faracîn. Fruit du travail d’une équipe pluridisciplinaire réunie par Pascale Ballet, ce premier volume est, comme son titre l’indique, particulièrement centré sur l’étude des ateliers de potiers. Il apporte des données nouvelles nécessaires à la compréhension de l’artisanat céramique d’époque impériale dans une région au sein de laquelle peu d’ateliers ont été reconnus à ce jour.
La Mission Française de Bouto poursuit, depuis 2007, ses recherches sur les ateliers de potiers et leur insertion dans le tissu urbain de la ville gréco-romaine, tout en s’efforçant d’élargir son champ de recherche à d’autres périodes ou secteurs de l’occupation du site. On ne peut donc que souhaiter la parution prochaine d’un second volume sur les récents travaux menés par l’équipe française.
Aude Simony, Centre d’Etudes Alexandrines (CEAlex)
Publié en ligne le 29 janvier 2021