Comme l’indique le sous-titre, F. Prescendi ne traite pas de la procédure sacrificielle en soi, mais elle s’intéresse aux réflexions des Romains sur leur propre pratique du sacrifice. C’est pourquoi l’ouvrage relève de l’analyse historiographique plutôt que du genre historique. La première partie vise à définir le sacrifice, en en détaillant les éléments (acteurs, objets, modes, phases, établissement et description d’un modèle) et elle s’achève par la présentation de quelques descriptions littéraires. La deuxième partie examine les exégèses des gestes et des ingrédients du rituel, à la fois les rites qui précèdent le sacrifice, la consécration elle-même et l’offrande et elle présente en fin les mythes autour des exta. La troisième et dernière partie étudie les mythes et les interprétations du sacrifice, d’abord la substitution du sacrifice humain, puis l’origine du sacrifice sanglant, le rapprochement ancien entre sacrifice et exécution capitale. L’auteur aboutit à l’idée qu’il n’existe pas de cadre unitaire pour toutes ces réflexions : les spécialistes discutent entre eux de points de détail en fonction des préoccupations du moment et de leur patrimoine culturel. Elle précise aussi les concepts d’identité, d’« accroissement » des dieux, de symbolique sacrificielle et de pouvoir qui se font jour dans les interprétations du sacrifice. Enfin, elle met l’accent sur la mise en scène d’un ordre hiérarchique dans le sacrifice. Si l’on peut regretter les multiples fautes d’orthographe qui émaillent le texte – parfois plusieurs par page, comme p. 14, 49, 100, 136, 252 – et quelques manques bibliographiques – notamment les articles de D. Briquel sur les hostiae animales –, on ne peut qu’apprécier l’attention scrupuleuse portée par l’auteur à la littérature antiquaire, souvent citée, rarement analysée. Ainsi, la description du sacrifice romain par Denys d’Halicarnasse (7, 72, 15‑18) est examinée par le biais de l’influence de Fabius Pictor et de la contamination des ludi saeculares et elle est replacée dans son contexte d’élaboration. Le cas des animaux sacres est étudié avec soin et compris comme celui des animaux qui ont l’âge requis pour entrer en contact avec la sphère de la sacralité. Dans le passage consacré aux mythes autour des exta, les différences entre épisodes sont soulignées, mais plutôt que de rapprocher ces mythes avec celui des chasseurs Vogules-Ostjakes, l’auteur préfère avec raison insister sur la valeur de l’offrande sacrificielle et mettre l’accent sur le lien avec le proverbe inter caesa et porrecta. La substitution du sacrifice humain est analysée par le biais des Argei, que l’auteur met non seulement en relation, comme cela a été fait avant elle, avec la depontatio des sexagenarii, mais aussi avec le sénatusconsulte de 97 avant J.-C. sur l’abolition des sacrifices humains. Ces analyses détaillées donnent au livre une grande valeur et posent les bases de futures études sur ce que révèlent les réflexions des antiquaires de leur propre temps.
Marie-Laurence Haack