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Ce petit livre (288 p.), au format de 17, 5 x 25 cm, est centré sur les représentations de Bacchus à Pompéi, et n’inclue pas les villes voisines, par exemple Herculanum, Stabies ou Oplontis, bien que l’A. n’hésite pas à faire des comparaisons avec des œuvres de ces sites. La liste finale comprend 184 exemples de peintures murales et mosaïques pompéiennes, conservées, endommagées ou disparues, et 128 sculptures et objets sur pierre, marbre, bronze terre cuite ou verre. Quant aux figures, elles ne sont pas numérotées, car elles portent les numéros de leur catalogue, et nous en avons compté 202, avec parfois deux images sous le même numéro, comprenant une photo et un dessin. L’enquête est donc très importante et l’emploi du terme « portrayal » exprime le rôle particulier, de portrait quasi théâtral, de Bacchus.

Le plan de l’ouvrage comprend neuf chapitres, le premier, d’introduction, résume la recherche antérieure, l’histoire religieuse, le culte à Pompéi, l’iconographie des peintures, mosaïques et sculptures, le nom de la divinité dans la recherche et enfin les méthodes et les questions que va se poser l’auteur. Si Dionysos-Liber-Bacchus est si populaire, l’emploi du nom est variable, le mot Dionysos étant le plus souvent utilisé dans la littérature scientifique. L’A. nous propose une revue des études sur les cultes, et les rapports entre le vieux Liber romain et le Dionysos grec importé en citant les principaux chercheurs-auteurs. Puis un focus sur le culte à Pompéi où le rôle des images de Bacchus serait plus important dans les maisons que dans les lieux publics, mentionnant au passage les nombreuses études sur les laraires mais aussi le temple de Sant’Abbondio. L’A. passe en revue ensuite les études sur l’iconographie des peintures, mosaïques et sculptures, en s’attardant sur la fameuse scène de la villa des Mystères … qui reste mystérieuse ! C’est K. Schefold qui le premier s’est interrogé sur les types de décors choisis en fonction des types de pièces, discuté par d’autres chercheurs qui le conteste. Enfin, sont signalées les études sur les mosaïques, les sculptures, dont beaucoup de statues qui n’ont jamais été publiées.

Le chapitre 2 examine les étapes dans l’arrivée de Bacchus, avec une chronologie, citant par exemple la tombe de Cumes, du milieu du Ve siècle av. J.-C., où figure une épitaphe à Bacchos. Puis sont évoquées les lois qui restreignent le culte, celle de 213 av. J.-C., de 186 av. J.-C. contre les Bacchanales, avec condamnations et persécutions. Mais l’art dionysiaque hellénistique est importé, ainsi à Rome, dans le temple de Cérès, Liber et Libera, l’artiste grec Aristide peint une scène de Bacchus et Ariane. D’autres cas sont cités, dont les thèmes bachiques qui abondent à Pompéi, et le culte qui progresse dans la vie privée des Romains.

Le chapitre 3 est consacré au nom de la divinité et aux sources latines. Beaucoup de textes d’auteurs latins sont cités où les différents noms de la divinité sont expliqués, pour la plupart traduits en note de bas de page, mais pas pour les citations courtes. Ces noms, employés en littérature, sont souvent mélangés. A noter qu’Auguste stigmatise Marc Antoine se donnant en spectacle en Dionysos, exemple de désir luxueux oriental immoral. L’utilisation du mot Bacchus lui est préféré.

Le chapitre 4 étudie les inscriptions de Bacchus à Pompéi ; deux portent le nom de Liber : un graffiti lié à une représentation du dieu sur une peinture disparue, une autre provenant d’un sacellum, et une inscription au nom de Bacche dans la maison des Vettii.

Dans le chapitre 5, après avoir mentionné plusieurs inscriptions de Campanie et du Latium et ailleurs du monde gréco-romain, l’A. cite celles du temple de Sant’Abbondio, qui remonte au VIe siècle av. J.-C. d’après les plus anciens tessons de poterie retrouvés, et fait le point des recherches. Le temple est situé à l’extérieur de Pompéi, non loin du fleuve Sarno, où le fronton sculpté avec la figure du dieu tenant un canthare et une grappe de raisin a été exhumé. Le plan de l’édifice et des deux triclinia et de la schola construits à côté sont décrits et la présence de vignes identifiées lors des fouilles de 1990. Les trois inscriptions retrouvées sont en osque, dont deux d’entre elles datables du début du IIe siècle av. J.-C., d’après le nom de l’édile mentionné qui a rénové le vieux temple, ce qui prouve que le culte était contrôlé par les autorités de Pompéi. La troisième a sans doute été apposée après la prohibition de 186 av. J.-C., par la famille des Epidii, et est à relier à leurs maisons pompéiennes qui montrent des sujets bachiques sculptés, celle de Marcus Epidius Rufus (IX,1,20), et celle de Marcus Epidius Sabinus (IX,1,22). Le culte de Bacchus est donc bien établi et très ancien à Pompéi.

Dans le chapitre 6, l’A. fait le tour des principaux types iconographiques dans l’espace hellénistique oriental, en citant les classifications faites par le LIMC du nom de Dionysos, qui en comprend dix, et pour le monde romain les onze types de Bacchus. En résumé, il s’agit de Bacchus aux différents âges de la vie : Bacchus barbu qui est la plus ancienne représentation dans l’art archaïque et qui peut se confondre avec Zeus ou Poséidon s’il manque des attributs ; puis Bacchus jeune, dont le type apparaît vers le milieu du Ve siècle av. J.-C., et qui peut être confondu avec Apollon. Son attribut principal est le thyrse qui, au début, est une branche à feuilles de vigne ou de lierre et il peut être accompagné par toutes sortes d’animaux, depuis le bœuf ou le taureau et d’autres animaux de la vie pastorale, jusqu’à la panthère.

Avec le chapitre 7, l’A. nous propose son catalogue des peintures et des mosaïques, classées selon des types iconographiques inspirés des études anciennes citées précédemment ; ils sont numérotés de A à G, (p. 69 à 203), et pour les sculptures et arts mineurs numéroté en H (p. 204-227). En étudiant de plus près l’emplacement de ces types, nous avons essayé de noter dans quel type de pièce ils se trouvaient, bien que certains ne soient pas assignés à une pièce précise.

Le type A rassemble les images de Bacchus âgé et barbu, présenté comme une statue, dont treize exemples dans divers types de pièce, dont nous en avons compté quatre à cinq fois dans un triclinium et deux fois dans un tablinum, soit la moitié dans des pièces de représentation, le triclinium étant la pièce où l’on consomme évidemment du vin.  Six exemples sont attribués au IIIe style pompéien, sept au IVe style et une mosaïque du IIe style.

Le type B concerne Bacchus jeune, seul, debout ou assis, avec un thyrse, un canthare, une grappe de raisin. Vingt exemples sont décrits, dont on note cinq dans un œcus, quatre dans une exèdre, trois dans un triclinium, donc une majorité dans des pièces d’apparat, et trois dans un cubiculum.  La plupart sont du IVe style pompéien et deux seraient peut-être à attribuer au IIIe style.

Le type C est Bacchus accompagné de sa panthère, le type le plus représentés avec vingt-quatre images où Bacchus est figuré dans deux positions, sur pied ou monté sur la panthère. On trouve cette représentation en façade ou dans un local commercial dans au moins six cas, sur un laraire trois fois, comme dans un triclinium, et quatre fois dans un atrium. Seize décors sont du IVe style et huit du IIIe style.

Le type D est Bacchus jeune accompagné d’une jeune femme et de compagnons, et seize exemples nous sont détaillés, avec parfois Ariane bien identifiable. Les lieux où ce tableau est peint sont très divers : façade de boutique (2), laraire (1), caupona (2), mais aussi cubiculum (2), et comme déjà vu, exèdre et tablinum (1 chacun),  œcus (2), triclinium (2), où devrait figurer celui de la villa des Mystères, dont l’auteur ne donne pas d’attribution (p. 136-137). Une mosaïque nouvellement trouvée de la région V, 6, liée à une fontaine, et qui vient tout juste d’être publiée est bien recensée. Là encore, à part un exemple du IIe style, et trois du IIIe style, c’est le IVe style qui est majoritaire dans onze exemples.

Le type E est Bacchus découvrant Ariane endormie dans l’île de Naxos, et vingt exemples nous sont détaillés, dans différentes scènes avec des acteurs, dont pas moins de cinq exemples dans des cubicula, et des triclinia, et presque autant dans des œci. On retrouve à peu près les mêmes proportions  que dans les types précédents pour les datations, un exemple du IIe style, quatre du IIIe style et seize du IVe style.

Le type F nous présente Bacchus avec d’autres compagnons, et il s’agit un peu d’un melting-pot de trente-trois images, où l’on reconnaît des membres du thiase, des divinités et des figures mythologiques diverses dans des scènes très différentes les unes des autres. A part un exemple du IIe style, et trois du IIIe style, vingt-huit se rattachent au IVe style pompéien.

Le type G nous présente Bacchus enfant, selon trois types de scènes.  Dans le premier type, il est très jeune et porté à l’épaule ou à la taille par un personnage, dans le deuxième, par une ménade, un Silène ou d’autres figures, et le troisième type est unique, Bacchus enfant, assis, est acompagné par deux femmes qui le regardent. Il y a vingt exemples et l’A. note qu’un tiers de ces images proviennent des cubicula ce qui fait référence à l’usage de ces espaces pour les femmes et les enfants selon lui. Cinq exemples sont à dater du IIIe style et dix-sept du IVe style.

L’appendice 1 donne la liste rassemblée quasi complète des peintures et mosaïques, de la région I à la région IX et les villas, à laquelle nous pouvons ajouter une variante aux trois existantes par trois dessinateurs du tableau issu de la pièce dite des « prêtres », du temple d’Apollon (VII,7,1), où Dionysos-Bacchus et Silène jouant de la lyre sont représentés (F 13, p. 168-169), à savoir  la présence d’un petit Amour au lieu de la panthère qui y est peinte (voir  dans   PPM VII, p. 304, fig. 31).  Ajoutons aussi que l’A. n’a pas retenu le masque de Dionysos-Bacchus de la maison des Chapiteaux peints (VII,4,51 ex 31) de l’atrium 2, (reproduit dans PPM VI, p.1001, fig. 5), alors que les autres mentions du dieu avec Ariane en tableau sont bien indiquées (voir E 11 et E 17).

Le chapitre 8 donne le catalogue des sculptures et d’objet d’arts mineurs qui est très hétérogène. Il y a le fronton du temple de Sant’Abbondio, puis des pilastres, des statues en marbre ou en calcaire, dont une dans la cella du temple d’Isis, un oscillum, le relief d’une gouttière en terre cuite, et des figurines. Plusieurs statues en bronze dont l’A. signale une intention religieuse, même si l’emplacement est très variable : cubiculum, laraire, atrium, boutique, jardin de péristyle. Enfin, il y a le camée blanc et bleu avec cinq figures avec Bacchus et Ariane allongée, un satyre et deux petits Amours volant.

Le chapitre 9 présente la conclusion de cette vaste enquête et en résume les acquis, ainsi sur l’apparence physique du dieu, son insertion en statue dans les compositions picturales avec paysages sacrés, scènes mythologiques ou jardins. Sur une seule mosaïque de sol la statue de Bacchus apparaît dans un paysage sacré, avec lion et Amours, qui suppose le pouvoir de l’amour et du vin dans ce triclinium. Le vêtement sur un corps demi-nu montre plusieurs variantes, la coiffure aussi. Ses attributs sont nombreux, de même ses compagnons humains ou animaliers, avec la présence du dieu Mercure dans des espaces commerciaux ou des laraires. Le mythe principal représenté est, comme on l’a vu, celui de la découverte d’Ariane. Il y a toutefois le triomphe indien de Bacchus. Un thème rare est celui de Bacchus enfant dans les bras d’Hercule, que l’on retrouve dans un tableau d’Herculanum. L’emplacement des peintures et sculptures à thème bachique est résumé, à savoir que c’est le triclinium qui est l’espace agréable préféré, soit dans un tiers des cas, et l’A. détaille ensuite les autres lieux.  La question des peintres et des cahiers de modèles est évoquée, et l’A. pense que les peintres ont cherché le plus souvent à copier une œuvre célèbre d’un peintre grec et cite les livres écrits par le sculpteur Pasitélès, pour les Romains, à l’époque de Jules César, d’après Pline (Hist.Nat. 36, 39). Bien entendu les aspects religieux de ces œuvres sont rappelés et, en dernier lieu, l’A. justifie les choix qu’il a fait, comme de ne pas inclure les hermès sculptés nombreux et répétitifs, et résume les acquis que nous avons exposés.

Alix Barbet, Alix Barbet, Directrice de recherche honoraire du CNRS

Publié en ligne le 17 janvier 2023.