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Intégré au corpus galénique bien qu’il fût rédigé, comme le montre l’analyse minutieuse du vocabulaire, par un médecin anonyme contemporain de Galien (129 – 216), tout comme le traité intitulé Thériaque à Pison, ce court écrit (26 pages), dédié à un haut dignitaire romain, complète, en prose, une série de livres de recettes de panacées en vogue à la fin du IIe et au début du IIIe siècle de notre ère. Le médecin de Pergame avait, de son côté, noté, dans le premier livre de son recueil intitulé Antidotes, plusieurs de ces thériaques, remèdes qui passaient pour guérir l’ensemble des morsures, piqûres et empoisonnements divers.

Le texte, après une dédicace à Pamphilianos (1), propose quatre brefs chapitres. Le chapitre II loue les bienfaits de la thériaque, le troisième insiste sur l’âge de la préparation en lien avec l’usage souhaité, le quatrième et le plus long, énumère les différents maux que guérit une thériaque bien utilisée ; le cinquième fournit enfin les ingrédients.

Le succès des recettes de panacées justifie la multiplicité de tels traités. Celui-ci met en avant que ce breuvage permet, à titre prophylactique, de conserver la santé, jusqu’à une « belle vieillesse » (II, 4), car il améliore la qualité du sang. Il est donc recommandé d’en emporter une quantité suffisante lorsque l’on voyage dans des régions malsaines (II, 7). La thériaque guérit et prévient même des pestilences (III, 1-3). Le patient doit toutefois veiller à l’âge de la potion, à adapter selon les maux  (IV) et le préparateur doit se préoccuper de la qualité des ingrédients tout autant que de leur dosage (V).

 L’originalité de ce texte réside en bonne partie dans la mention de l’usage de la thériaque à l’occasion des pestilences, surtout avant l’arrivée de la maladie mais aussi, avec moins de succès, alors que les patients sont atteints par l’épidémie. L’auteur est aussi le seul à conseiller la prise de sa potion lors d’une douleur au thorax (IV, 5), contre les extinctions de voix (IV, 13) ou pour l’expulsion d’un fœtus mort (IV, 10). Le rédacteur de ce court traité se révèle en tout cas un médecin cultivé et compétent qui a compris pleinement l’importance que revêt, parmi les gouvernants et les élites du IIIe siècle, une thériaque, devenue non seulement un « succès de librairie » mais aussi un enjeu politique.

Une notice fort claire et complète de 147 pages ainsi que quarante pages de notes fournissent au lecteur toutes les informations souhaitées sur de telles préparations et contribuent à la qualité de ce volume.

 

Evelyne Samama, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines

Publié en ligne le 17 janvier 2023.