Qui, comme moi, a fait partie des étudiants de P. Cambronne le retrouve ici tout entier tel qu’il apparaissait dans ses cours. C’est sa voix qui résonne à l’oreille lorsqu’on lit ces formules associatives de modestie qui lui sont chères quand il rappelle certains faits : « on sait que… » — souvent pour des points que la plupart des gens de culture moyenne ignorent ! —, ou les nombreuses exclamations, ou encore les multiples incises et parenthèses qui sont autant de pistes de recherche lancées sans vouloir s’imposer mais qui ouvrent des perspectives séduisantes ; c’est sa présence devant le tableau d’une salle qui surgit lorsqu’on voit les multiples schémas qui éclairent ce livre et les divisions et subdivisions qui mettent son plan en lumière et permettent de suivre facilement. On sent que cet ouvrage est non seulement le produit de longues méditations, mais surtout qu’il est issu d’un enseignement de nombreuses années et de multiples conférences ; c’est ce qui rend son style si vivant (sans jamais de relâchement cependant), et sa lecture si agréable malgré l’énorme érudition qu’il contient. Car le livre qui nous est présenté est d’une richesse inouïe. Il s’agit du premier tome d’un ouvrage prévu pour en comporter trois, une introduction à la lecture de la Cité de Dieu. Logiquement P. Cambronne commence par éclairer les circonstances de la composition de cette oeuvre, ce qu’on appelle le « Sac de Rome » par Alaric, le 24 août 410, qu’il replace dans le contexte de l’histoire des Goths en remontant aux origines indo-européennes pour expliquer les mouvements de populations. L’affirmation de certains contemporains qu’il s’agissait d’une punition divine fut le déclic qui poussa Augustin à écrire ces vingt-deux livres auxquels il pensait depuis longtemps. Notre collègue en donne le plan et consacre la suite de cette étude à la première partie (livres I – X) qui contient des « réfutations des objections des impies ». Pour ce faire, l’évêque d’Hippone reprend en les commentant les épisodes les plus célèbres et les figures les plus illustres de l’histoire de Rome, en remontant jusqu’à ses origines légendaires. C’est pourquoi P. Cambronne commence par présenter de façon analytique événements et personnages de l’Vrbs au cours des siècles en suivant l’ordre chronologique et en rapportant ce qu’on sait d’eux ; après cela, chaque fois, il fait apparaître les choix du Père de l’Église, avant de revoir le tout à la fin de manière synthétique pour mettre en évidence les caractéristiques de l’apologétique augustinienne. Il n’omet pas de situer celle-ci dans le contexte politique, philosophique et religieux. Notre confrère nous offre là une somme ; comme on l’a vu, il brasse énormément de matière et pour chaque point évoqué, il donne un état de la question. Les notes sont très denses et pour éclairer les allusions du texte fournissent des exposés très complets et très variés (par exemple, on trouve dans une d’elles un développement sur Nigidius Figulus, dans une autre une histoire du lien entre astrologie et idée de destin, dans une autre toute la théorie de l’harmonie des sphères, etc.). Les hypothèses et interprétations personnelles sont toujours proposées avec beaucoup de modestie.
L’ouvrage est préfacé par Carlos Lévy et commence par un avant-propos de G. Peylet.
Le lecteur regrettera l’absence de bibliographie et d’index, mais pour pouvoir en disposer il devra sans doute se montrer patient et attendre le dernier volume. En tout cas, quel que soit son niveau de connaissances au départ, ce livre lui plaira et il le refermera avec le sentiment de s’être intellectuellement enrichi.
Lucienne Deschamps