La série d’ouvrages (monographies ou recueils d’articles) Imagines – Classical Receptions in the Visual and Performing Arts publiée chez Bloomsbury s’intéresse à tous les thèmes en lien avec la réception de l’Antiquité dans la culture populaire contemporaine des XXe et XXIe s. Il y est question de comprendre « les mécanismes d’appropriation de l’Antiquité, ses processus de remédiatisation et ses chaînes complexes de réceptions ». Les supports déjà étudiés concernent à l’heure actuelle, l’art contemporain, la musique (heavy metal) ou les parcs d’attraction. C’est là une tendance très actuelle où chaque éditeur anglo-saxon se fait spécialiste d’un médium particulier comme la série Screening Antiquity, aux Presses Universitaires d’Edimbourg, qui comme son nom l’indique, s’intéresse plutôt au cinéma et à la télévision ou encore la série Metaforms chez Brill, ouverte à toutes formes de réception.
Bien sûr, ce champ de recherche n’est pas limité à la littérature anglo-saxonne dans la mesure où l’on observe une volonté française de s’engager dans ce type d’édition, comme la série Scripta Receptoria chez Ausonius Éditions, mais en France l’édition spécialisée reste tout de même à la marge, cantonnée à des revues comme Anabases.
Cinéma, séries télévisées, littérature, bandes dessinées constituent les objets d’étude majeurs des chercheurs en réception de l’Antiquité, dans les mondes anglo-saxons et francophones[1]. Publiés jusqu’alors dans des revues spécialisées en game studies[2], les articles sur l’Antiquité dans les jeux vidéo commencent aujourd’hui à intégrer ce cercle restreint de médias étudiés dans leur ensemble et non plus de manière ponctuelle et éparpillés.
En dehors des projets transversaux sur d’autres médias[3], la question de la réception de l’Antiquité dans les jeux vidéo en France est encore balbutiante alors que des chercheurs émergent dans cet axe d’étude, comme Romain Vincent, Julien Lalu[4] ou encore Paul-Antoine Colombani. C’est pourquoi, il n’existe aucune publication de l’ampleur de celles citées en exemples sur l’audiovisuel ou le domaine littéraire en français. Il fallait donc que ce soit à la communauté anglophone, bien plus en avance sur le déverrouillage psychologique des « supports sérieux de recherche universitaire »[5], de prendre l’initiative.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ouvrage proposé par C. Rollinger, une des premières propositions de synthèse en matière de jeux vidéo et d’Antiquité, fait de ce média un objet d’étude des plus sérieux. D’autres publications se sont intéressées au passé dans les jeux vidéo bien sûr, mais avec d’autres démarches réflexives comme l’apprentissage scolaire[6] et la santé[7], l’Histoire de manière générale dans sa relation avec le jeu vidéo[8] mais aussi dans la pensée moderne[9] et les nouvelles technologies[10]. D’une certaine manière, l’ouvrage édité par C. Rollinger présente un digest de ces thèmes.
Christian Rollinger, de l’université de Trier en Allemagne, expert sur ce thème, réunit douze articles dans ce volume de presque trois cents pages et quatre parties. S’ajoutent un prologue, une longue introduction sur le sujet, un épilogue, une bibliographie très fournie de 29 pages, une médiographie et une ludographie, un glossaire des termes du jeu vidéo et un index. Enfin, 27 images en noir et blanc illustrent ponctuellement les articles. Notons dès à présent que l’une des forces de l’ouvrage est de recourir à la contribution de spécialistes de l’Antiquité (archéologues, historiens, linguistes) ou de sa réception, à des chercheurs en media studies ou game studies mais aussi à des professionnels du jeu vidéo, qu’ils soient artistes ou game designers. Cependant, et alors que la question du genre se pose en termes d’études dans l’ouvrage, on regrettera que seules trois femmes en soient les autrices. Peut-être faut-il y voir à la fois un état de la professionnalisation de la recherche mais aussi de la représentation des femmes dans l’univers du jeu vidéo, qu’elles soient gameuses ou techniciennes…
La préface et le prologue de Christian Rollinger expliquent la genèse du projet, consistant à « cerner les champs de recherches sur le jeu vidéo » et n’est en aucune façon « une approche théorique ou une introduction pratique ». Son but est donc de « stimuler l’intérêt sur le jeu vidéo historique à l’intérieur des disciplines de l’Antiquité ». Cette approche peut paraître novatrice chez les chercheurs francophones tant la question de la réception de l’Histoire, et a fortiori, de l’Antiquité dans les média contemporains semble encore délimitée au cinéma ou à la bande dessinée[11]. Il précise, et c’est bien là une des faiblesses du titre, comme la grande majorité des publications actuelles sur la réception, que l’ouvrage n’est pas un livre théorique ou méthodologique, ce qui est dommage car un ou deux articles sur la question auraient été les bienvenus.
Une fois cette présentation faite, l’éditeur continue sa démonstration grâce à une longue introduction définissant les origines de l’Histoire dans le jeu vidéo, les différents types de jeux ou encore la présence de l’Antiquité dans les jeux vidéo selon les types de jeux (simulation, construction, stratégie et action-aventure).
La première partie, intitulée « A Brave Old World : Re-Figurations of Ancient Cultures », est composée de trois articles. Elle s’intéresse à la « question de l’esthétique du jeu vidéo », au concept « d’authenticité » et mène une réflexion sur la représentation du genre dans le jeu vidéo.
Tout d’abord, D. S. Lozano interroge l’influence du cinéma, notamment le néo-péplum, sur la représentation de l’Antiquité dans le jeu vidéo. Sa démonstration fait mouche et aurait mérité un développement supplémentaire. En effet, l’auteur défend l’idée que l’authenticité, concept clé des games studies, est recherchée et modelée tant par les développeurs que par les joueurs. Dans des jeux à « l’opulence graphique hypermédiatique» comme Assassin’s Creed Origins et Odyssey, les choix de dialogue (implication psychologique du joueur) et la modification de l’environnement antique virtuel par les pratiques de craft et loot d’armes et d’armures permettent à chaque joueur de créer sa propre expérience et de choisir ce qui lui semble le plus esthétique et/ou « authentique ».
Tristan French et Andrew Gardner, à travers l’étude du jeu RYSE : Son of Rome, s’intéressent eux-aussi à ce concept d’authenticité, entre adaptation, prise de liberté et représentation historique. Les auteurs s’attachent en partie à expliciter la distorsion entre réalité historique et représentation vidéoludique dans RYSE, en prenant pour exemple les personnages et situations dans le jeu et en insistant sur leurs liens avec le cinéma[12]. Pour les auteurs, le contre-exemple du jeu est la série des jeux Assassin’s Creed, notamment dans l’approche de création et de représentation de l’Antiquité et l’intégration d’archéologues reconnus, comme Jean-Claude Golvin architecte et créateur de centaines d’aquarelles qu’il qualifie de « restitution dessinée »[13], dans le processus de création et d’accompagnement architectural. Si ces éléments sont précieux à la fois pour les développeurs et les joueurs, il faut rappeler que leurs visions de ces mondes anciens sont, elles-aussi, une médiatisation personnalisée de son auteur : « (…) L’image doit être le résultat d’un travail de hiérarchisation des signes, la synthèse d’une réflexion, d’un travail de composition, de la recherche d’un mode d’expression. (…) Oui, il faut savoir déformer le vrai (l’image réaliste au premier degré) pour finalement faire plus vrai que le vrai. »[14]
Enfin, Sian Beavers expose la question de la représentation féminine dans le jeu déjà cité, RYSE. Elle explique les tropes en action dans les jeux vidéo, comme celui de la « demoiselle en détresse », proche de celui que l’on retrouve dans le péplum, ou encore celui de la femme comme objet sexuel, associé à des éléments de violence. En bref, l’auteure réaffirme que la stéréotypisation de la femme dans le jeu vidéo à histoire antique est proche de celle du cinéma et qu’elle est ancrée tant dans les mentalités des joueurs que celles des joueuses. Cet article trouve d’ailleurs un écho très particulier dans l’actualité du jeu vidéo, notamment dans le cadre d’actes de harcèlement[15] mais aussi de sexisme avérés dans ces jeux et en particulier dans Assassin’s Creed[16]. Une partie de son analyse s’appuie aussi sur la question sociétale du jeu vidéo, à savoir que les jeux violents (qu’il faudrait d’ailleurs parvenir à définir…) sont en majorité l’apanage des joueurs masculins, en utilisant deux études, l’une de 2010 et l’autre de 1998… Si l’on pouvait éventuellement tirer de telles conclusions il y a 20 ans, il est difficile de les soutenir actuellement, ne serait-ce que parce que la moitié des joueurs aujourd’hui sont des gameuses[17], bien que cela n’enlève rien à la démonstration sur l’image de la femme dans le jeu vidéo.
La deuxième partie « A World at War : Martial Re-Presentations of the Ancient World » présente grâce à deux articles la question du conflit et de la construction d’un empire dans le jeu vidéo.
Celui de D. Machado prend pour exemple la série des Total War, une des séries les plus populaires en matière de stratégie au tour par tour, et notamment Total War : Rome II. Si l’auteur ne présente pas le jeu, il fait l’exégèse des cutscenes, cinématiques non jouables, permettant l’immersion du joueur et la recontextualisation de l’Antiquité. Ainsi, il s’intéresse notamment à la bataille de Teutobourg et à l’image d’Arminius[18], barbare moderne réinventé. Cette représentation du barbare (peau de loup, à cheval…) n’est pas nouvelle et n’est pas près de se terminer car elle fait partie du phénomène de réception depuis l’Antiquité déjà[19]. Sa réflexion se conclut d’ailleurs par un point très important qu’il faut engager avec force : les choix de narration et les procédés narratifs posent aussi la question du discours que tiennent les jeux vidéo. En représentant Arminius comme libérateur du peuple germain face à l’Empire, le jeu défend une propagande idéologique (inconsciente ?) facilement récupérée par des groupes nationalistes[20].
L’article de J. McCall, quant à lui, s’intéresse à la manière dont les jeux vidéo de stratégie (Total War ou Field of Glory 2) peuvent permettre au chercheur de questionner la façon dont les batailles se déroulaient dans l’Antiquité. En d’autres termes, les possibilités infinies de résolutions des batailles dans le jeu vidéo peuvent-elles éclairer le déroulement des batailles historiques ? L’utilisation du jeu vidéo serait un moyen de saisir les dynamiques et manœuvres des soldats dans la réalité historique antique, ou, en tout cas, fournirait des données allant dans ce sens. Il est alors question d’espace physique dans le monde virtuel, du nombre d’éléments (unités ou soldats) utilisables et de la stratégie idoine pour atteindre le but initial. Dans cette perspective, le jeu vidéo devient un outil d’analyse et non plus un modèle d’étude sur la réception.
La troisième partie, intitulée « Digital Epics : Role-Playing in the Ancient World » et organisée en trois articles, montre les liens entre la tradition épique antique et les jeux de rôle (RPG) ou les jeux de rôle en ligne (MMORPG).
R. Travis, tout d’abord, démontre comment l’univers des jeux de la compagnie américaine Bethesda intègre les éléments-clés des récits épiques homériques dans certains titres comme The Elder Scrolls Morrowind, Oblivion et Skyrim, ou Fallout : exploration, progression par la performance et affiliation à une communauté. Les jeux en présence ne sont pas des jeux à sujet antique à proprement parler. Il s’agit, dans la démonstration, de comparer les mécaniques narratives entre ces jeux et les textes épiques homériques. La même démarche aurait pu être appliquée, par exemple, au jeu Horizon. Zero Dawn (2017, Guerrilla Games, Sony). Ceci n’est pas un problème en soi mais marque tout de même un temps faible dans la lecture de l’ouvrage.
Ross Clare, quant à lui, montre comment Nethergate et Titan Quest réinterprètent la colonisation d’Est en Ouest ou de l’Occident vers l’Orient, avec son lot d’interprétations et de fantasmes[21]. Sa démonstration cherche donc à identifier les « pratiques postcoloniales, thèmes et idéologies » à travers ces deux jeux : la relation Romains/Celtes d’un côté et Grèce/Orient de l’autre dans le développement du jeu lui-même, mais aussi dans les choix que le joueur est amené à faire dans chacun d’eux. Dans ce cas, les résultats sont autant d’univers alternatifs qui mettent en lumière l’approche colonialiste. L’auteur indique que Nethergate permet d’explorer les conséquences d’une occupation impériale dans une antiquité fantastique. En cela, il aurait été intéressant de le comparer à The Witcher III : Wild Hunt (2015, CD Projekt RED) qui lui aussi propose cette ambiance narrative mais dans un univers médiéval fantastique[22].
Enfin, N. Nolden explore l’univers du jeu MMORPG The Secret World. Les mondes dans lesquels évoluent les joueurs permettent une interconnexion sans commune mesure entre participants : le jeu favorise la coopération des joueurs en communautés et la recherche d’éléments historiques en dehors du jeu pour mieux résoudre certaines énigmes. En bref, le jeu crée une immense toile de connaissances et d’interactions à l’intérieur et à l’extérieur de la narration. Pour le montrer, il applique l’approche qu’il a développée : le « Historical Knowledge System » (Système de connaissances historiques) qui examine tour à tour les objets et la culture matérielle, les réseaux narratifs, les modèles macro-historiques et les concepts de monde micro-historiques. Et de conclure que le chercheur sur les MMORPG doit constamment courir derrière les nombreuses mises à jour et nouvelles quêtes de peur que les données in-game ne soient perdues.
La dernière partie, intitulée « Building an ancient world : Re-imagining antiquity », donne la parole aux concepteurs et développeurs de jeux vidéo historiques grâce à quatre articles[23].
N. Morley présente dans un jeu d’aventure basé sur le texte qu’il a créé, les résultats de ses recherches sur le « dialogue mélien », afin d’en saisir les éléments contrefactuels pouvant émerger du récit de Thucydide. Le joueur (ou dans ce cas l’historien) choisit son camp (athénien ou mélien) et révèle une situation finale différente selon le chemin qu’il adopte, sans qu’un but précis ne lui soit donné au début du jeu. Sa démarche expose donc une réflexion sur la façon dont on peut contourner le fameux dialogue de Thucydide : alors que celui-ci est construit et l’issue déterminée à l’avance par les Athéniens[24], le jeu permet de s’en émanciper et d’engager de multiples résultats contrefactuels. Mais l’auteur, dans l’introduction de sa présentation, explicite le problème inhérent à ce type de jeu : comment apprendre l’Histoire dans un jeu qui n’est pas historique ? Il nous semble que c’est là un point plus qu’important qu’il faut extrapoler : d’une façon ou d’une autre, apprend-on réellement l’Histoire en jouant à un jeu vidéo, quel que soit son gameplay ?[25]
M. Paprocki, quant à lui, raconte son expérience en tant que consultant en mythologie pour le jeu indépendant Apotheon. Sa présentation examine une nécessité double dans son rôle : rendre la mythologie abordable pour le plus grand nombre tout en s’inscrivant dans les problématiques internes au jeu vidéo : la narration et le game design. Plus précisément, il explique comment les concepteurs du jeu et lui-même ont pu intégrer la question du déicide dans l’Antiquité comme miroir d’une anxiété post-moderne mais aussi la question de la représentation de dieux jeunes alors que les représentations cinématographiques en font plutôt des personnages âgés[26]. L’idée du déicide est d’ailleurs déjà bien présente dans de nombreux jeux comme God of War (Playstation – Sony) par exemple, et on se demande bien pourquoi ce jeu n’est pas cité en comparaison et, de manière générale, pourquoi aucun article de l’ouvrage ne l’utilise comme objet d’étude. D’autant que la dimension mythopoétique de ce jeu s’est développée dans l’univers nordique[27].
Dans l’avant dernier article, A. Flegler, game designer pour la série de jeu mondialement reconnue Age of Empire, explique comment fonctionne l’Histoire dans ce jeu : il développe alors deux concepts, les « récits intégrés » et des « récits émergents ». Ainsi il démontre que le jeu ne peut être lu comme le reflet de l’Histoire car il y a beaucoup de paramètres que le joueur peut restreindre ou améliorer (un but précis à remplir pour gagner, un temps de retard pour développer ses unités, etc.). Quant à l’authenticité historique, elle s’opère grâce à la mécanique du jeu, soit l’arbre technologique à développer pendant une partie. En conséquence de quoi, « dans les jeux de type Age of Empire, il n’est pas juste de dire que l’histoire apparaît inévitablement comme un processus structurel et non comme un résultat des décisions et des actions du joueur ». C’est l’une des difficultés contre lesquelles se bat le jeu : accorder l’Histoire avec le gameplay.
Enfin, le trio de chercheurs E. Holter, U. U. Schäfer et S. Schwesinger présente dans leur article les résultats de leur étude sur des reconstitutions en 3D de bâtiments antiques comme la Pnyx d’Athènes, à l’aide des moteurs graphiques habituellement usités par les jeux vidéo. Ils démontrent que l’expérience qu’ils mènent permet de comprendre certains éléments qui ne peuvent plus être mesurés aujourd’hui (l’acoustique par exemple) alors que d’autres plus environnementaux sont perdus à jamais (la météo, les sons ambiants). Il ne s’agit pas pour eux de rendre un environnement numérique « historique » mais de tirer des algorithmes et des analyses statistiques permettant de questionner ces « milieux archéologiques ». Ce type de recherches n’est pas une première et connaît depuis quelques années maintenant un engouement partagé par de multiples institutions privées comme publiques : en effet de nombreux musées par exemple n’hésitent plus à faire entrer la reconstitution archéologique en réalité virtuelle (ou 3D) ou réalité augmentée[28]. Cette approche constitue donc un point majeur du développement de l’archéologie dans le futur[29].
Dans l’épilogue de l’ouvrage, le spécialiste des game studies A. Chapman s’étonne du nombre croissant de jeux vidéo à caractère historique et il se réjouit que le présent livre fasse se rencontrer les « Historical game studies et la réception de l’Antiquité ». Il rappelle très justement que lorsque l’on étudie les jeux vidéo utilisant l’Histoire, il faut plutôt observer son rôle dans la production et la réception de la signification historique, que les récits historiques utilisés. En clair, comprendre la forme avant le fond. Une fois cela fait, il convient de s’intéresser à la façon dont l’Histoire, ici l’Antiquité, est utilisée, et ses perspectives d’application : elle n’est pas objective. Ainsi l’Antiquité n’est pas celle du passé mais celle qui est représentée aujourd’hui. Aussi, pour mener l’étude plus loin, il faudrait développer les recherches non plus sur les jeux mais sur les joueurs et les développeurs. Enfin, et selon les arguments développés tout au long de l’ouvrage, il faudrait appliquer les mêmes focales d’études au jeu vidéo que celles pratiquées pour le cinéma par exemple.
À l’issue de ce compte rendu, il faut dire que Classical Antiquity in Video Games constitue un ouvrage de référence sur le sujet. Les quelques critiques émises n’ont d’autre utilité que de prolonger cette dynamique de recherches à plus long terme sur le rapport entre Antiquité et jeu vidéo. Dès lors, rappeler l’intérêt d’étudier ce médium dans le cadre d’un travail de réception est futile, l’ouvrage le démontre aisément. Il ouvre des fenêtres d’opportunités immenses qui serviront, sans nul doute, de terrain de « jeu » pour les chercheurs francophones.
Mathieu Scapin, Docteur en Sciences de l’Antiquité., Musée Saint-Raymond, Musée d’Archéologie de Toulouse
Publié dans le fascicule 1 tome 123, 2021, p. 385-391
[1]. On peut mentionner, à la marge, des chercheurs asiatiques qui s’inscrivent aussi dans cette démarche, comme Takashi Minamikawa. Sur cette question voir aussi, Receptions of Greek and Roman Antiquity in East Asia, A.-B. Renger, X. Fan éds., Leyde 2018.
[2]. Citons par exemple la série Video Games and Humanities aux éditions De Gruyter, les Routledge Advances in Games Studies chez Routledge ou encore Approaches to Digital Games Studies chez Bloomsbury.
[3]. Voir par exemple, L’Antiquité imaginée. les références antiques dans les œuvres de fictions (XXe – XXIe siècle), C. Giovénal, V. Krings, A. Massé, M. Soler, C. Valenti éds., Bordeaux 2019 ou encore Age of Classics ! L’Antiquité dans la culture pop, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 2019.
[4]. J. Lalu, Le jeu vidéo, un médium qui donne une vision du monde : L’exemple des représentations du passé, Éditions universitaires européennes 2016.
[5]. J’entends par là que, pour beaucoup de chercheurs en Histoire encore aujourd’hui, le jeu vidéo n’est pas toujours vu comme un domaine de recherche digne d’intérêt. Rappelons qu’il en était de même pour la bd il y a quelques années. Sur cette question en France voir S. Rufat, H.T. Minassian, « Introduction » dans S. Rufat, H.T. Minassian éds., Les jeux vidéo comme objet de recherche, Paris 2011.
[6]. J. Mc Call, Gaming the Past. Using Video Games to Teach Secondary History, New York 2011 ; Learning, Education and Games. Two volumes, K. Schrier éd., Pittsburgh 2014-2016.
[7]. A. M. Bean, Working with Video Games and Games in Therapy. A Clinician’s Guide, New York 2018.
[8]. Playing with the Past. Digital Games and the Simulation of History, M.W. Kapell, A. B. R. Elliott éds., Londres-New York 2013.
[9]. Early Modernity and Video Games, T. Winnerling, F. Kerschbaumer éds., Cambridge 2014.
[10]. E. Champion, Critical Gaming : Interactive History and Virtual Heritage, Londres-New York 2015 ; The Interactive Past. Archaeology, Heritage and Video Games, A.A.A. Mol, C.E. Ariese-Vandemeulebroucke, K.H.J. Boom, A. Politopoulos éds., Leyde 2017.
[11]. On peut citer, à titre d’exemple : C. Aziza, Guide de l’Antiquité imaginaire : roman, cinéma, bande dessinée, Paris 2008 ; H. Dumont, L’Antiquité au cinéma. Vérités, Légendes, Manipulations, Lausanne-Paris 2009; La bande dessinée historique. Premier cycle : L’Antiquité, J. Gallego éd., Pau 2015.
[12]. Notons d’ailleurs que la recherche des différences entre réalité et fiction est totalement inutile puisque comme le relève S. Beavers dans l’article suivant : « Ryse is an alternative history of the events taking place in Rome and Britannia (…) » (p.77).
[13]. J.-C. Golvin, « L’ordinateur et la main » dans Age of Classics ! L’Antiquité dans la culture pop, Toulouse 2019, Musée Saint-Raymond, p.75.
[14]. Ibid.
[15] .https://www.liberation.fr/futurs/2020/07/10/harcelement-sexuel-a-ubisoft-on-savait_1793985. Consulté le 16/11/20.
[16]. https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-07-21/ubisoft-sexual-misconduct-scandal-harassment-sexism-and-abuse. Consulté le 16/11/20.
[17]. En France par exemple voir S. Rufat, H.T. Minassa, S. Coavoux, « Jouer aux jeux vidéo en France. Géographie sociale d’une pratique culturelle » dans L’espace géographique, 43-4, 2014, p. 315 et https://www.afjv.com/news/9310_les-francais-et-le-jeu-video-en-2018-sondage-ifop.htm. Consulté le 13/11/20. Pour le Canada francophone, voir l’exemple à petite échelle donné par T. Karsenti, « Apprendre l’histoire en jouant à des jeux vidéo ? » dans Traces. Revue de la société des professeurs d’Histoire du Québec, 57-2, 2019 p. 39-44.
[18]. Réinterprétation que l’on peut aussi visionner actuellement sur la plateforme Netflix grâce à la série allemande Barbares (A. Heckmann, A. Nolting, J.-M. Scharf 2020).
[19]. L. Barthet, M. Scapin, « Le Wisigoth. Un barbare comme les autres ? » dans Wisigoths. Rois de Toulouse, catalogue de l’exposition, Toulouse 2020, p.355-360.
[20]. Voir par exemple, L. Kienzl, K. Trattner, « Introduction » dans Gamevironments 11, 2019, p.1-22. Et plus généralement le numéro spécial de Gamevironments 11, 2019.
[21]. Cet article est en partie tiré de la thèse de l’auteur soutenue en 2018 à l’Université de Liverpool : Ancient Greece and Rome in Videogames : Representations, Player Processes, and the Transmedial Connections.
[22]. D. Fewster, « The Witcher 3. A wild and Modern Hunt to Medievalise Eastern and Northern Europe » dans Gamevironments 2, 2015, p.159-180. Pour d’autres chercheurs, il est tout autant question de la période médiévale de l’Europe occidentale que de la période contemporaine polonaise. Voir : https://www.youtube.com/watch?list=PL-W4j349SQZSEE5YLSeR-6f8FXAi9CCPE&v=Odzyc1dwrkc. Consulté le 16/11/20.
[23]. Notons par ailleurs la parution en 2020 d’un ouvrage dont le sujet traite de la production des jeux vidéos : « Les mondes de production du jeu vidéo » dans Réseaux 224-6, 2020, 288 p.
[24]. A. Romain, « Le choix de la forme du dialogue : le dialogue des Athéniens et des Méliens (Thucydide, V, 85-113) », DHA 33-1, 2007, p.9-22.
[25]. C’est la question principale de ce type de recherche. Les étudiants/élèves peuvent-ils apprendre l’Histoire en jouant à un jeu vidéo ou n’est-ce qu’un médium qu’il faut, comme toute source historique, décortiquer et réinterpréter à la lumière des historiens ? Sur ce point, Romain Vincent (doctorant et professeur d’Histoire) tente d’en comprendre les mécaniques dans de nombreuses interventions sur son compte Twitter et ses retours d’expériences en salle de classe.
[26]. Exceptions faites pour certains péplums depuis les années 2000 comme Immortals (Tarsem Singh, 2011), Le choc des Titans (Louis Leterrier, 2010) ou La Colère des Titans (Jonathan Liebesman, 2012) ou bien dans la série télévisée Troie : La Chute d’une cité (David Farr, 2018). Sur les représentations des dieux à l’écran, voir L. Maurice, Screening Divinity, Edinburg 2019.
[27]. C’est le cas du dernier jeu God of War (2018, Sony, PS4) qui se déroule à Midgard et se base sur la mythologie nordique.
[28]. En France, c’est le cas notamment au musée Saint-Raymond à Toulouse, au musée de Javols en Lozère, le projet de reconstitution 3D du mur de scène du théâtre de Vendeuil-Caply dans l’Oise ou le site archéologique du camp de la Première Guerre mondiale du Borrieswalde en Lorraine. On peut citer par ailleurs la reconstitution d’une plantation de cannes à sucre à Loyola en Guyane. Voir J.-B. Barreau et al., « 3D Reconstitution of the Loyola Sugar Plantation and Virtual Reality Applications » dans Proceedings Computer Applications & Quantitative Methods in Archaeology, Sienne 2015, p.117-124. À l’étranger, on peut citer la Villa de Diomède à Pompéi en Italie ou Thèbes et sa montagne en Grèce.
[29]. Voir à ce sujet par exemple la thèse de J.‑B. Barreau, Techniques de production, d’exploration et d’analyse d’environnements archéologiques virtuels, Rennes 2017.