Ashley Carter vise un lectorat de jeunes anglais de ce qui correspond au secondaire français et au début de l’université en publiant cette anthologie de la première moitié de l’Énéide virgilienne (dont il annonce qu’elle sera suivie par un volume similaire pour la seconde moitié). Il s’adresse à des « apprenants » qui n’ont encore que peu d’années d’étude du latin ; le but est de les entraîner à la traduction tout en leur faisant connaître un des chefs-d’œuvre de la Romanité. Ce livre peut être utilisé avec profit pour de jeunes français dans le même cas.
Après une carte permettant de suivre le voyage d’Énée depuis Troie jusqu’en Italie, l’Introduction replace tout d’abord le poème dans son contexte historique et littéraire ; cette section d’une cinquantaine de lignes, même si elle dit l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour comprendre le texte, est forcément très rapide et un peu approximative ; cependant les commentaires d’un enseignant ou des ouvrages plus approfondis pallieront ce handicap. Vient ensuite, un résumé extrêmement succinct de chacun des six premiers chants. Puis une page et demie donne les renseignements de prosodie et de métrique utiles au lecteur. Après une demi page traitant de l’ordre des mots dans ces vers, on trouve des remarques stylistiques comportant la définition des principales figures. À la fin, une liste des noms de personnes et de lieux avec une ligne d’explication environ pour chacun précède une très courte bibliographie d’une dizaine de titres, (naturellement très basique et uniquement en anglais vu le public ciblé).
Chacun des chapitres suivants est consacré à un chant dont il contient des extraits. Chacun offre plusieurs passages uniquement en version originale, pour un total d’environ 250 vers. Le texte retenu est celui de l’édition de R.D. Williams, Bristol 1972 (avec transformation en -es de la désinence -is des accusatifs pluriels). Quelques lignes en italique font le lien entre chaque citation indiquant en anglais ce qui est nécessaire à la compréhension. Sur chaque page de gauche, au-dessous du texte latin figure un glossaire fournissant pour chaque mot, selon l’ordre d’apparition, le sens qu’il a dans le contexte considéré. Si le mot réapparaît par la suite dans le même chapitre, sa signification n’est pas donnée de nouveau sauf si elle est différente. Au cas où un lecteur ne se la rappellerait pas, une liste alphabétique de tout ce vocabulaire accompagné des diverses traductions possibles se trouve en fin de volume. En face du texte latin, sur la page de droite, il y a des notes renseignant sur les personnages, les lieux, les événements auxquels il est fait allusion, là encore d’une manière très laconique. Ces notes apportent également une aide à la traduction par des indications grammaticales, voire en indiquant la « construction ». Elles attirent aussi l’attention sur des particularités stylistiques ou sur certains détails de la versification. Chaque page de droite se clôt par un encadré comprenant cinq ou six questions de niveau scolaire destinées à vérifier si le lecteur a bien compris le texte. Un index général termine le livre.
Une sélection est toujours un peu subjective et arbitraire, — surtout lorsqu’on ne retient, comme on l’a vu, que 250 vers dans chaque chant — ; aussi pourra-t-on regretter certaines absences, par exemple l’évocation du jeune Marcellus (VI 860-886) qui fit s’évanouir sa mère Octavie, la sœur d’Auguste ; néanmoins, les passages choisis font partie des « incontournables ». D’ailleurs il n’aurait pas été mauvais que chaque extrait portât un titre.
On relève ça et là quelques affirmations trop tranchées ou simplificatrices, telle que la mention pour Créüse, première épouse d’Énée et mère d’Ascagne, p. 12 : « killed fleeing from Troy ». Or, ainsi que l’indique P. Grimal[1], les traditions qui concernent cette fille de Priam et d’Hécube sont très diverses : parfois on la fait figurer parmi les captives troyennes, parfois elle évite ce sort. « Dans la version virgilienne », écrit-il, « Créüse est enlevée par Aphrodite (ou Cybèle) pendant qu’Énée quitte la ville avec Anchise et Ascagne ». J. Perret[2] est encore plus précis : « En fait, Créüse a été enlevée par le cortège de la Mère des dieux ; les boucliers étincelants que le vieil Anchise avait cru voir (v. 734) n’étaient pas ceux des Grecs, mais ceux des Curètes – Corybantes (cf. Georg., 4, 151), de même que le piétinement qui s’était fait entendre ».
Ce sont quelquefois de petites incohérences qui frappent ; ainsi, la liste des noms propres de l’Introduction mentionne Rhea Silvia (p.15) en précisant : « mother of Romulus and Remus » et c’est tout ; or le nom de Rhea Silvia ne se lit pas dans les six premiers chants de l’Énéide (il n’apparaît qu’en VII 659) ; en revanche ni dans la liste de l’Introduction ni dans l’index général ne se trouve Ilia, que l’on rencontre pourtant en I 274 (p. 26-27) avec cette explication : « the reference is to Ilia, a descendant of Aeneas, better known as Rhea Silvia. By Mars she was the mother of Romulus and Remus ».
La présentation très aérée et très claire en fait un excellent livre d’exercices[3].
Lucienne Deschamps, Université Bordeaux Montaigne, UMR 5607 – Institut Ausonius
Publié en ligne le 15 juillet 2021
[1] Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris 19582, p. 103.
[2] Virgile. Énéide. Livres I-IV. Texte établi et traduit par J. Perret, Paris 1977, p. 167.
[3] On corrigera p. 16 : « W.A. Camps, An Introduction to Virgil » en « An Introduction to Virgil’s Aeneid » et p. 26 (I 281) « refert » en « referet ».