La couverture, ni le titre, ne font ni le livre, ni sa qualité. Que le lecteur ou la lectrice ne se trompe donc pas, l’ouvrage de Philippe Lafargue est un livre d’histoire ancienne, profond et ambitieux, nourri par de réelles considérations sur le métier d’historien.ne, plus académique et scientifique qu’il n’y paraît donc, sans jamais abandonner pour autant un style clair, agréable et accessible, parfois même littéraire[1]. En ce sens, il est tout autant un livre d’histoire qu’un livre sur l’écriture de l’histoire. S’il est intitulé La bataille de Pylos, il n’est pas une tentative pour renouveler un genre, celui de l’histoire‑bataille qui a connu ses heures de gloire avec le Dimanche de Bouvines de Georges Duby, mais une proposition particulière, une écriture historienne qui se réfléchit dans une interrogation sur ce qu’est un événement[2]. Philippe Lafargue entend en effet dépasser le cadre dans lequel la bataille de Pylos est pris, cadre monumental s’il en est, Thucydide, celui qui « a constitué ou institué la guerre du Péloponnèse en tant qu’histoire », celui qui « l’a inventée, au sens archéologique du terme, ou, comme dirait Paul Veyne, [qui] l’a mise en récit, en intrigue »[3]. De ce fait, ce livre peut être considéré comme un face-à-face entre deux historiens, engagés dans une discussion sur ce qu’est l’histoire.
Dans ce débat, Philippe Lafargue a un redoutable avantage sur son prestigieux devancier, celui de définir ce qu’est l’histoire, c’est-à-dire le point de vue à partir duquel la réflexion est menée. L’histoire est une « ‘science’ sociale du passé », affirme-t-il, « une discipline littéraire », « une littérature du vrai, laissant à l’historien, à l’intérieur du cadre de sa méthode, de nombreux choix d’écriture »[4]. La singularité d’un historien ou d’une historienne se saisirait donc dans sa manière personnelle d’écrire dans un choix qui se traduit par la fabrique d’un récit. Mais alors, de quelle vérité est-il possible de se prévaloir ? La vérité historique doit-elle être reconduite à la vérité littéraire, non scientique donc ? Et si oui, qu’est-ce qu’une vérité littéraire ? À cette question, la philosophe Martha Nussbaum apportait la réponse suivante : « La littérature est une extension de la vie non seulement horizontalement, mettant le lecteur en contact avec des événements ou des lieux ou des personnes ou des problèmes qu’il n’a pas rencontrés en dehors de cela, mais également, pour ainsi dire, verticalement, donnant au lecteur une expérience qui est plus profonde, plus aiguë et plus précise qu’une bonne partie des choses qui se passent dans la vie »[5]. À la réalité, l’écrivain ajouterait une touche personnelle, qui est une connaissance comme le rappelle Hilary Putnam : « être conscient d’une nouvelle interprétation des faits, aussi repoussante qu’elle puisse être, d’une construction qui peut – je le vois à présent – être mise sur les faits, même si c’est de façon perverse, est une espèce de connaissance. C’est la connaissance d’une possibilité [i.e. il parle du Voyage au bout de la nuit]. C’est une connaissance conceptuelle »[6]. Suivant Jacques Bouveresse, il apparaît que le débat ne doit pas être reconduit à la mise en intrigue ou en récit, comme si l’histoire était une affaire de style, sans négliger par ailleurs le fait que les questions de forme que les écrivains ont à régler sont contextuelles et non structurelles[7]. En outre, ces considérations ne sont pas sans rappeler la distinction que Michel Foucault a mise en lumière, entre réalité et vérité, et sa prévention contre toute reconduite de la seconde à la première. L’interrogation foucaldienne mérite d’être prolongée pour expliciter ce qu’une lecture de Thucydide implique : « pourquoi y a-t-il, en plus du réel, du vrai ? Qu’est-ce que c’est que ce supplément dont le réel ne peut en lui-même jamais tout à fait rendre compte, et qui est que le vrai vient jouer à la surface du réel, vient jouer à l’intérieur du réel, vient jouer jusque dans la profondeur du réel – non pas par une logique ou une nécessité internes à ce réel lui-même à l’intérieur duquel cette vérité vient jouer, mais par quelque chose d’autre qui est le supplément de vérité au réel du monde ? Le réel du monde n’est pas à lui-même sa propre vérité »[8].
S’agit-il alors simplement de distinguer le fait étudié, la bataille de Pylos, de la construction, certes cognitive, que Thucydide met sur elle ? Cette question est à l’évidence l’un des thèmes que Philippe Lafargue traite dans son livre, en particulier dans les chapitres 2 à 4[9]. Ainsi lorsqu’il évoque l’échec des négociations entreprises après que plusieurs centaines de combattants lacédémoniens ont été pris au piège sur l’îlot de Sphactérie, il discute de la responsabilité éventuelle de Cléon et, ce faisant de la position que Thucydide avait à ce sujet[10]. La situation est la suivante. Une trêve ayant été décidée, des ambassadeurs spartiates se rendent à Athènes[11]. Leurs propositions de paix sont rejetées par l’assemblée athénienne qui étaient alors sous l’influence de Cléon selon le récit thucydidéen. Comme le souligne Philippe Lafargue, si Thucydide rapporte au style direct le discours spartiate, les débats athéniens sont passés sous silence, alors même qu’Aristophane témoigne de leur existence, et les arguments qui convainquent les Athéniens tiennent en quelques phrases. Pourquoi une telle dissymétrie ? Il faudrait y voir la marque de Thucydide, favorable à la paix, bénéficiant par ailleurs d’un regard rétrospectif, postérieur à 403 et à la défaite[12]. Cherchant la réalité derrière le cadre thucydidéen, Philippe Lafargue préfère insister sur les bonnes raisons qui alimentaient la réflexion de Cléon. Que Thucydide fût un partisan rétrospectif de la paix en 425 ne permet toutefois nullement de conclure que celle-ci aurait été « fragile », « sans réel lendemain »[13]. Derrière le témoignage thucydidéen, il n’y a rien d’autre qu’un débat autour des possibles à une date donnée, un débat politique qui prend manifestement un tour particulier après la défaite. Autrement dit, Thucydide défend une thèse, dont l’écho doit être apprécié à l’aune de la situation athénienne postérieure à 403, dont il décrit les manifestations dans les différents événements qui composent son récit.
La même observation peut être faite au sujet d’un autre épisode de la bataille de Pylos[14]. Peu après l’échec de la fin de la trêve, des Athéniens débarquent sur l’îlot de Sphactérie. Un incendie se déclenche bientôt, « par mégarde » selon Thucydide. Qui en est à l’origine, un Lacédémonien ou un Athénien ? Si le grec autorise les deux possibilités, la seconde paraît plus vraisemblable. Selon Philippe Lafargue, « une fois de plus, on peut se poser la question de savoir s’il s’agissait d’un feu réellement accidentel : là où Thucydide voit un coup de pouce du destin se cache peut‑être une intention préméditée, d’autant que cet incendie va jouer un rôle important dans la victoire finale »[15]. Pour contester la thèse thucydidéenne de l’incendie fortuit, l’auteur convoque d’une part la topographie et la végétation de l’îlot et d’autre part l’expérience acquise par Démosthène, l’un des stratèges athéniens. Il n’en conclut pas pour autant que Thucydide mentait à dessein, laissant ouverte la possibilité de son ignorance de ce détail[16]. S’il n’est pas possible de trancher ce point, il illustre la lecture qu’engage Philippe Lafargue, en particulier la position qu’il cherche à occuper par rapport au texte qu’il commente. La précision thucydidéenne complétée éventuellement par d’autres sources et par un raisonnement logique permet de dépasser le cadre délimité par le récit de Thucydide. S’agit‑il néanmoins de négliger la vérité qu’expose l’historien de la guerre du Péloponnèse au profit de la seule réalité des faits qui compose celle‑ci ?
Tout le mérite de Philippe Lafargue est de ne pas en rester à cette négligence fréquente chez les historiennes et les historiens, toujours pressés de prétendre rabattre leur discours sur l’exactitude, aux incertitudes près, des faits. Il consacre la deuxième partie de son ouvrage à commenter ce que signifiait la qualification que Thucydide apportait à la bataille de Pylos, « l’événement le plus inattendu de la guerre »[17]. En attirant l’attention sur cette formule, il engage une réflexion sur l’écriture thucydidéenne mais aussi sur ce qu’est un événement. À juste titre, il souligne un paradoxe. Alors qu’un tiers du livre IV, le livre le plus long, est consacré au déroulement de la bataille, l’historien athénien ne dit rien des conséquences de la victoire pour les Athéniens, pourtant particulièrement célébrée à Athènes, pas plus qu’il ne mentionne les débats sur le devenir de l’empire dont témoignent notamment les Guêpes d’Aristophane. Faut-il alors y deviner une « volonté de minimiser la portée de l’événement »[18] ? Dans son raisonnement, Philippe Lafargue se laisse ici peut-être entraîner par la réhabilitation historiographique de Cléon qu’il a justement proposée dans son précédent livre[19]. Il n’en est pas moins soucieux de rendre compte du raisonnement mené par Thucydide. Pour ce dernier en effet, l’inattendu est para gnômên, c’est-à-dire que nul logos ne peut prétendre rendre compte du succès athénien sans reconnaître une place à la tuchê[20]. Ce problème est posé par Archidamos qui affirme : « les événements de la fortune ne se laissent pas mettre à jour par le raisonnement (logôi) »[21]. Périclès lui répond implicitement dans son premier discours : « Il est possible que la tournure des événements ne soit pas moins incompréhensible que l’issue des plans humains »[22]. Peu avant, les Corinthiens avaient eux-mêmes observé : « beaucoup de décisions mauvaises sont couronnées de succès parce qu’elles trouvent l’ennemi plus malavisé (qu’on ne l’est soi-même), et encore plus nombreuses sont les décisions apparemment bonnes qui aboutissent lamentablement au résultat contraire »[23]. Comme le souligne Gauthier Liberman, « Périclès explique qu’il faut rester constant et fidèle à sa résolution, au plan qu’on a arrêté, même si l’on connaît des échecs » ; ce à quoi il convient d’ajouter, même si l’on connaît des succès[24].
Si Thucydide dénonce la pleonexia athénienne, sa dénonciation n’est en rien morale ; elle est politique, même si elle a une portée universelle[25]. La démonstration thucydidéenne est la suivante. L’eutuchia que connaissent les Athéniens les conduit à un espoir para logon, une situation qui contraste avec l’espoir péricléen[26]. Est-ce pour autant l’effet d’une nature humaine implacable ? Non, car la tuchê n’est qu’une épreuve pour la gnômê. Le logos qui en résulte, c’est-à-dire en l’occurrence le vote de l’assemblée, témoigne ou non de la juste saisie du réel[27]. Si Thucydide consacre un si long développement à la bataille de Pylos, c’est pour y déployer les différentes manifestations de la tuchê à l’origine de la victoire, tuchê qui n’autorise nullement à rompre avec le logos péricléen, présenté dans le premier discours du stratège athénien[28]. L’historien ne cherche pas à en faire un « non-événement » ou un « semi‑événement »[29]. Bien au contraire, il modifie la portée de la victoire athénienne de 425 en révélant l’événement qu’elle aurait pu être et en proposant d’expliquer pourquoi il fut autre. Le récit de la bataille de Pylos peut ainsi être lu à l’aune du projet d’ensemble de Thucydide qui entend jouer de son double regard, celui de l’Athénien qu’il est et celui de l’exilé qu’il fut[30]. Il ne se place pas à distance des faits, il connaît les différents logoi que les protagonistes ont produit au moment de décider des erga à accomplir, il les cite et en estime la valeur avant d’en produire un autre lui-même ; s’il l’estime nécessaire.
Dès lors, la lecture de Thucydide implique de ne pas s’en tenir à la distinction aristotélicienne entre histoire et poésie[31]. Dans la Poétique, Aristote affirmait : « L’historien et le poète ne se différencient pas en ce qu’ils s’expriment en vers ou en prose ; on pourrait mettre les livres d’Hérodote en vers : ils n’en seraient pas moins de l’histoire qu’en prose. Ils se différencient bien plutôt en ce que le premier raconte ce qui est effectivement arrivé, tandis que le second raconte les événements tels qu’ils pourraient arriver. C’est pourquoi la poésie est plus philosophique et a plus de valeur que l’histoire. En effet, la poésie raconte les événements davantage dans leur généralité ; l’histoire, les événements dans leur particularité »[32]. Il est significatif que Thucydide ait éprouvé la nécessité de se démarquer des poètes et des logographes, ce qui témoigne qu’il pouvait être lu comme s’il était un poète et qu’il le fasse dans un passage immédiatement suivi du chapitre méthodologique qui défend la vérité de son histoire, des discours et des faits[33]. Au-delà des multiples péripéties qui le composent, le récit thucydidéen de la bataille de Pylos contient également un indéniable contenu philosophique, engageant une réflexion d’ampleur sur la tuchê et la capacité à l’analyser[34]. En ce sens, l’œuvre est bien un ktêma es aiei, un acquis permanent. Le logos thucydidéen s’institue raison dernière, logos des logoi, et dépasse de ce fait la seule bataille de Pylos en faisant surgir en son sein une vérité distincte du fait lui-même[35]. Si, comme Philippe Lafargue le rappelle, l’expédition est conforme à la stratégie définie par Périclès, la victoire qui s’ensuit n’a pas été interprétée selon les termes du logos péricléen par les Athéniens[36]. Telle est la thèse que défend Thucydide : « Pylos et l’expédition de Sicile, comme faits particuliers, ne sont pas nécessaires, mais la croissance d’Athènes jusqu’à son renversement l’est : dès lors, ces événements répondent bien à une raison et ont en eux-mêmes une forme de nécessité »[37]. Là où les Athéniens ont vu leur force, l’historien invite à identifier la chance ; tout comme lors du départ de la flotte athénienne pour la Sicile, ils virent leur puissance quand ils auraient dû s’inquiéter de leur ruine[38].
La bataille de Pylos révèle alors son sens véritable pour Thucydide. Elle est d’abord et avant tout une occasion manquée de faire la paix[39]. Elle est aussi un élément conduisant à l’expédition de Sicile et au désastre final[40]. De ce point de vue, il n’était pas nécessaire d’insister sur la célébration de la victoire à Athènes et sur ses conséquences politiques, en particulier au sujet de l’empire[41]. Placé devant une situation analogue, Diodote n’avait-il pas rappelé aux Athéniens que « la fortune peut elle aussi contribuer puissament à nous exalter » et qu’ « il arrive qu’elle nous favorise d’une façon inespérée et nous amène ainsi à affronter les risques d’une entreprise au-dessus de nos forces »[42] ? Il avait su convaincre ses concitoyens aux dépens de Cléon, un succès électoral qui ne fut obtenu qu’avec une très courte majorité. Cette précision apportée par Thucydide témoigne du fait que tuchê ou non, c’est un vote qui décide sur la base d’un logos. Plus encore, en proposant une retranscription des deux discours et en soulignant que le résultat du vote fut serré, il soulignait l’importance de « l’autre gnômê », d’un possible alternatif[43]. Il ne fait rien d’autre avec la bataille de Pylos.
C’est l’un des nombreux mérites de ce livre, rappeler que l’historien n’est pas seul à faire l’événement, même si le prisme qu’il offre à ses lecteurs et lectrices parvient parfois à donner cette impression[44]. Pour Thucydide, Pylos est un événement, un possible advenu conforme à la gnômê péricléenne qui annonçait des possibles à venir[45]. En faisant appel à Aristophane, Philippe Lafargue donne sens à l’interprétation thucydidéenne, prise dans un débat qui n’est qu’imparfaitement connu[46]. À l’évidence, ce succès athénien interrogeait les Athéniens et continuait de les intriguer des années plus tard. Il est probable qu’après 403 ils continuaient à se demander comment, sinon pourquoi, ils avaient pu perdre une guerre dont ils peinaient à dessiner les contours chronologiques voire même simplement de lui en donner[47]. Avec Philippe Lafargue, il faut lire le témoignage thucydidéen comme une contribution à une réflexion collective visant à donner un sens à un événement, démarche qui constitue l’événement en tant que tel. Ce débat dans lequel les Athéniens sont engagés est certes historique mais il est aussi politique puisqu’il portait en lui le germe d’un possible renouveau impérial athénien[48].
Les pistes qu’ouvre le livre de Philippe Lafargue sont nombreuses et ce compte rendu n’en souligne que quelques-unes. Que la modestie du titre ne trompe pas. La bataille de Pylos est un beau livre d’histoire qui, en moins de trois cents pages, propose une réflexion sur le métier d’historien.ne, sur ce qu’écrire l’histoire implique et qui donne plus que jamais envie de lire et de relire Thucydide.
Christophe Pébarthe, Université Bordeaux Montaigne
Institut Ausonius
[1]. Les pages 11-12 qui ouvrent l’introduction proposent une description de la fin de cette bataille, essayant de rendre compte de l’état d’esprit des Athéniens. Loin d’être une échappée littéraire, ce passage est parfaitement intégré au livre, l’articulation se faisant par une formule qui intrigue de prime abord : « Et même mieux, beaucoup en sont persuadés, Athènes, enfin, a gagné la guerre du Péloponnèse » (p. 12).
[2]. Pour la référence à l’ouvrage de Georges Duby, cf. p. 212-213. Si elle allait de soi, il ne faudrait pas qu’elle réduise la portée de ce qu’entreprend Philippe Lafargue car le projet de ce dernier ne saurait être résumé à une énième tentative de renouveler le genre de l’ « histoire bataille ».
[3]. P. 18.
[4]. P. 209.
[5]. La citation et la traduction est empruntée à J. Bouveresse, La connaissance de l’écrivain. Sur la littérature, la vérité & la vie, Paris 2008, p. 31.
[6]. La citation et la traduction sont empruntées à J. Bouveresse, op. cit., p. 59.
[7]. Ce qu’affirme George Orwell n’est valable que si la forme roman existe : « Tout roman, toute nouvelle et tout drame ont un ‘problème’. Ce problème ne doit pas pouvoir être traité dans la prose factuelle. Ce problème pourrait être traité dans l’essai. Il doit y avoir dans la vie de tout grand écrivain ou critique le point accidentel où il deviendrait l’un ou l’autre » (Essais, Paris 1978, p. 323).
[8]. M. Foucault, Subjectivité et vérité. Cours au Collège de France. 1980-1981, Paris 2014, p. 240.
[9]. P. 51-106.
[10]. P. 77 : « Thucydide y consacre plusieurs pages, preuve qu’il partageait ce point de vue (à moins qu’il se serve de ce discours pour exprimer le sien) ».
[11]. Thc 4.17-20 (avec en particulier p. 76-84).
[12]. P. 83 : « Il est facile, pour l’historien, de condamner les choix erronés et de se laisser aller à l’uchronie : Thucydide, qui compose (ou recompose) son récit après 404, alors qu’il connaît l’issue du conflit, rêve sans doute d’une autre fin de l’épisode de Pylos ».
[13]. P. 84, des considérations partagées par une grande partie de l’historiographie.
[14]. P. 95-99.
[15]. P. 96.
[16]. P. 98-99.
[17]. Thc 4.40.1 (trad. CUF). Le texte grec ne mentionne pas un événement mais se contente d’un touto qui renvoie aussi bien à la victoire athénienne qu’à la promesse faite par Cléon de ramener les Athéniens, succès consécutif à la victoire militaire (4.39.3).
[18]. P. 156.
[19]. Cf. Ph. Lafargue, Cléon. Le guerrier d’Athéna, Bordeaux 2013. Ce prisme paraît affecter la lecture qui est faite de Thucydide, même si La bataille de Pylos ne mésestime pas, loin de là, les autres explications (en particulier p. 153-172).
[20]. P. 159-164.
[21]. Thc 1.84.3 (trad. G. Liberman, Les préliminaires de la guerre. Prolégomènes à la lecture du premier livre de Thucydide, Bordeaux 2017, p. 226 n. 49).
[22]. Thc 1.140.1 (trad. Liberman, op. cit., p. 178-179).
[23]. Thc 1.120.5 (trad. Liberman, op. cit., p. 179).
[24]. Liberman, op. cit., p. 179 qui aurait bénéficié de la lecture de l’ouvrage de Philippe Lafargue.
[25]. Contra notamment p. 163-164. Thucydide ne saurait être qualifié d’« expert moral » (p. 167).
[26]. Thc 4.65.4 et 1.144.1.
[27]. J. de Romilly, Histoire et raison chez Thucydide, Paris 1956, p. 176 (cité par Lafargue, p. 246 n. 17).
[28]. Thc 1.140-144. Dès lors, la tuchê ne doit pas être comprise comme une intervention des divinités dans l’histoire humaine.
[29]. P. 169-170.
[30]. Thc 5.27.5 : « Et il m’est arrivé d’être exilé de ma patrie durant vingt ans, après le commandement qui m’avait conduit à Amphipolis, et, pour avoir assisté aux affaires dans les deux camps, et notamment à celles des Péloponnésiens en raison de mon exil, d’en avoir une meilleure compréhension dans ma tranquilité » (trad. P. Goukowski, Les « Filles de Thucydide ». Étude sur la naissance d’un genre : les Helléniques, Paris 2017, p. 117.
[31]. Sur ce point, cf. désormais P. Ponchon, Thucydide philosophe. La raison tragique dans l’histoire, Grenoble 2017, p. 86-95 et p. 100-102.
[32]. Arstt, Poet., 1451b1-10 (trad. Pierre Destrée).
[33]. Thc 1.22 avec en dernier lieu G. Liberman, op. cit., en particulier p. 49-64.
[34]. Sur l’écriture thucydidéenne comme « résultat d’une attitude épistémologique », cf. P. Ponchon, op. cit., p. 76-85.
[35]. En raisonnant autrement, et sur l’œuvre dans son ensemble, G. Liberman, op. cit., p. 22 n. 17 et p. 79-85 parvient à une conclusion similaire.
[36]. p. 120-124 sur la conformité de l’expédition avec la stratégie péricléenne.
[37]. P. Ponchon, op. cit., p. 356. La nécessité est une conséquence de la position qu’occupe Thucydide qui connaît l’issue de la guerre et qui la met par écrit depuis la défaite athénienne (cf. plus généralement ibid., p. 355-363).
[38]. Thc 6.31.
[39]. Que celle-ci soit une bonne ou une mauvaise solution ne doit pas empêcher de considérer que telle est la position de Thucydide : les Athéniens auraient dû faire la paix avec les Spartiates en 425.
[40]. P. Ponchon, op. cit., p. 357.
[41]. Sur ces célébrations, p. 130-151.
[42]. Thc. 3.45.6 (trad. D. Roussel).
[43]. N. Loraux, « La majorité, le tout et la moitié. Sur l’arithmétique athénienne du vote », Le genre humain 22, 1990, p. 91.
[44]. p. 173-192.
[45]. Cf. A. Farge, « Penser et définir l’événement en histoire. Approche des situations et des acteurs sociaux », Terrain 38, 2002, p. 67‑78 qui insiste notamment sur l’articulation qu’il convient de faire entre événement et futur. Sur la dimension contrefactuelle dans le récit de Thucydide, cf. R. Tordoff : « Counterfactual history and Thucydides » dans V. Wohl éd., Probabilities, Hypotheticals, and Counterfactuals in Ancient Greek Thought, Cambridge 2014, p. 101-121.
[46]. En particulier p. 130-137.
[47]. G. Liberman, op. cit., en particulier p. 35‑48 montre que Thucydide n’a pas toujours considéré la guerre du Péloponnèse comme une seule et unique guerre (contra p. 188-189).
[48]. Sur le fantôme de l’empire qui hante les Athéniens au IVe siècle, une expression de l’historien E. Badian, cf. notamment P.J. Rhodes, « The Alleged Failure of Athens in the Fourth Century », Electrum 19, 2012, p. 111-129. Plus généralement, l’ouvrage de G. Truc, Sidérations. Une sociologie des attentats, Paris 2016, notamment p. 17-54, montre l’importance de l’interprétation de l’événement dans les décisions politiques qu’il suscite, en l’occurrence le 11 septembre 2001.