Cet ouvrage, intitulé Töpfer, Maler, Schreiber et édité par Rudolf Wachter, regroupent les communications données lors du colloque du même nom qui s’est tenu à Lausanne et à Bâle en septembre 2012 et qui avait pour but de réfléchir sur les inscriptions attiques sur vases. Ces dernières font actuellement l’objet d’un corpus mis en ligne sous forme de base de données qui a été initié par Henry R. Immerwahr et qui se poursuit, notamment grâce à l’aide des auteurs de ce livre.
Les neuf articles de ce volume traitent ces inscriptions sous différents angles : en relation avec l’iconographie qui décore les récipients, pour améliorer nos connaissances de la prosopographie des artistes potiers ou peintres sur céramique, d’un point de vue économique ou purement philologique. Ils sont de longueur inégale, plus ou moins bien illustrés et rédigés principalement en allemand et en anglais. Une bibliographie vient clore chaque article. Une très courte liste d’abréviations est présente avant la première communication ainsi qu’en annexe, une liste de tous les vases cités dans les textes avec leur concordance dans les bases de données AVI et BABD.
Les contributions de Georg Simon Gerleigner et de Jan-Matthias Müller mettent en relation l’iconographie et les inscriptions peintes à côté des personnages. La première traite d’une inscription sur plusieurs hydries à figure noire sur lesquelles sont représentées la célèbre légende du sphinx thébain de plusieurs manières différentes et qui appartiendraient au groupe de Leagros. Il s’agirait ici d’une version inconnue du début de l’énigme du sphinx mais aussi de la plus ancienne version manuscrite connue de cette légende. Par ailleurs, l’auteur montre que la composition de ces lettres encadrant la scène figurée de manière assez confuse permet également de créer une décoration sophistiquée qui retranscrit parfaitement la confusion dans laquelle devait se trouver Œdipe au moment de répondre à l’énigme. Le deuxième texte de J.-M. Müller est exagérément long ce qui gêne la bonne compréhension de sa démonstration. Ce dernier entend comparer les inscriptions dites « insignifiantes » et celles dites « kalos », très répandues sur les céramiques attiques. Il les classe en quatre catégories (extradiégétique, diégétique, intradiégétique et metadiégétique) dont il justifie la classification par de trop long développement pour finir par démontrer leur fonction dans le schéma narratif du vase pour l’observateur extérieur.
Les articles de Kristine Gex, Cécile Jubier-Galinier, Adrienne Lezzi-Hafter traitent plus particulièrement des noms de peintres et de potiers que l’on retrouve associés à certaines céramiques. Dans sa contribution richement illustrée, K. Gex revient sur des vases signés avec le nom du peintre sur céramique Douris mais qui ne sont pourtant pas décorés par lui. Après avoir éliminé un certain nombre d’hypothèses, l’auteure pense qu’il s’agirait en fait d’hommage de la part de peintres plus ou moins contemporains de Douris, en particulier le peintre du Cartellino. Cécile Jubier-Galinier s’intéresse ensuite à l’utilisation de l’écriture chez les peintres à figures noires tardives. Ainsi les lettres n’apparaitraient plus que comme des remplissages pouvant être remplacées par des branchages, ce qui est parfois le cas, notamment chez les peintres d’Emporion et de Haimon avant de disparaître définitivement. Ceci pose également la question du degré d’alphabétisation des potiers et autres peintres. Chez le peintre de Diosphos, le manque d’aisance face à l’écriture est très visible et la persistance à vouloir tout de même tracer des lettres dénoterait d’une volonté d’imiter ces prédécesseurs quand le peintre de Sappho semble maîtriser parfaitement cet art et l’utilise de façon délibérée et consciente. Bien que très linguistique, l’article de R. Wachter traite en partie lui-aussi des compétences d’écriture du peintre Makron.
Le seul à s’intéresser aux inscriptions d’un point de vue économique est Alan Johnston qui démontre que l’apogée de ces marques à des fins commerciales se situe entre la fin du VIe siècle a.C. et le début du Ve siècle a.C., en particulier sur les vases attiques. Pourtant de telles marques existent depuis le VIIIe siècle a.C. mais uniquement en Grande Grèce et à Corinthe. Le Ve siècle a.C. voit apparaître un certain nombre de changements avec moins de marques et un marquage différent, plutôt sous forme de notification de prix et sur une plus large gamme de récipients marqués venant d’un plus grand nombre de provenances. Ce phénomène tend à disparaître presque totalement au milieu du IVe siècle a.C.
Enfin, Adrienne Lezzi-Hafter, Angelos P. Matthaiou, Leslie Threatte mais également G.S. Gerleigner et R. Wachter déjà cités, étudient ces inscriptions sous un angle plus philologiques, s’intéressant notamment au dialecte attique ou aux références littéraires dont elles seraient le reflet. A. Lezzi-Hafter se propose d’examiner trois vases attiques portant la signature Athenaios epoiesen et fabriqué l’un par Phintias, les deux autres par Xenophantos. Les vases sont d’une qualité exceptionnelle, celui signé par Phintias prenant la forme d’un aryballe dont la panse est formée par trois coquillages tandis que Xenophantos signe deux lécythes à reliefs à figures rouges. Comme nous ne savons rien du lieu de découverte de ces vases, il est difficile de comprendre pourquoi ces potiers ont tant tenu à faire inscrire sur leurs productions une origine athénienne. Mais bien que les lécythes de Xenophantos aient été retrouvés sur la péninsule de Kertsch et qu’il est évident que le style très chargé convenait parfaitement à une clientèle de l’Est, il est aujourd’hui prouvé que ces céramiques ont bien été produites à Athènes. Les inscriptions rappelant l’origine athénienne des potiers ne peuvent donc pas être une volonté de rappeler sa cité d’origine en tant qu’expatrié. L’auteure semble donc pencher pour une expression de la fierté d’un travail réussi malgré les difficultés engendrées par la récente guerre du Péloponnèse. Dans une courte contribution, Angelos P. Matthaiou revient sur une dizaine d’inscriptions sur des vases attiques datés entre le VIe siècle a.C. et le milieu du IVe siècle a.C. qui lui permettent de montrer l’utilité d’une édition critique des graffiti et dipinti attiques qui n’a jamais été réalisée jusqu’à présent. L. Threatte s’intéresse plus particulièrement au dialecte attique et à trois phénomènes linguistiques propres à ce dialecte. Enfin, le dernier papier de R. Wachter traite également de dialecte attique à l’époque de la transition avec l’alphabet ionique. Il démontre également l’influence de la littérature sur les inscriptions à travers l’exemple de la muse Calliope et de la manière dont son nom peut être retranscrit.
Ce volume à propos des inscriptions sur les vases attiques est assez complet et novateur pour ce domaine encore trop peu étudié. Il permet de révéler l’importance de ces inscriptions longtemps mises de côté, en particulier pour la prosopographie et l’étude du dialecte attique. Il reste à élargir le champ des recherches aux époques postérieures et à une zone géographique plus grande pour pouvoir avoir un aperçu complet des différentes marques et inscriptions présentes sur la céramique en général.
Cécile Rocheron, Université Bordeaux Montaigne
Publié en ligne le 12 juillet 2018