Issu d’un colloque qui s’est tenu à Patras en mars 2006, année où la ville du Péloponnèse avait été promue capitale de la culture européenne, le présent ouvrage est le fruit d’une collaboration entre l’École archéologique italienne d’Athènes et l’Institut de Recherche de l’Antiquité grecque et romaine (KERA) qui avait donné lieu déjà à un colloque organisé en 2001 sur « Les Achéens et l’identité ethnique des Achéens de l’Occident », publié en 2002.
On sait que l’essor de Patras est lié à la politique d’Auguste qui choisit d’y fonder une colonie, en y installant les vétérans de deux légions, à une date qui fait encore l’objet de discussions entre ceux qui placent la deductio juste après Actium et ceux qui estiment qu’elle eut lieu lors du voyage d’Agrippa en Orient, entre 16 et 14 av. J.-C. : destinée à contrebalancer l’importance de Corinthe et à accueillir le siège de la Ligue achéenne, la colonie fut dotée d’une population importante et d’un vaste territoire s’étendant non seulement au nord-ouest du Péloponnèse, mais aussi jusque sur la rive septentrionale du golfe de Corinthe – manière d’offrir à la ville nouvelle, comme ce fut d’ailleurs le cas aussi à Nicopolis, des terres à la mesure de sa puissance économique.
L’étude de cette cité grecque devenue colonie romaine peut donc être reliée, comme le propose le sous-titre du volume, aux transformations culturelles, politiques et économiques qui marquent l’histoire de la province d’Achaïe au début de l’époque impériale romaine.
Si l’on excepte une brève réflexion liminaire de F. Coarelli visant à rappeler la malléabilité des contours qu’on peut donner à la notion de conquête romaine de la Grèce, l’ouvrage se compose de 10 contributions, en général substantielles, toutes, à une exception près (A. Rizakis dont le texte est en français), en grec ou en italien.
C’est A. Rizakis, spécialiste reconnu de l’histoire et de l’épigraphie achéenne, auteur en particulier d’une monographie récente sur la cité de Patras (Achaïe II. La cité de Patras : épigraphie et histoire (Mélétèmata 25), Athènes, 1998) qui ouvre la série des articles en rappelant comment la fondation de la colonie patréenne aboutit à une réorganisation politico‑administrative et à un réaménagement important de l’espace, marqués du sceau de l’idéologie impériale. À cette mise en valeur du rôle joué par la politique augustéenne fait écho la contribution de Ch. Papageorgiadou consacrée aux thèmes iconographiques en rapport, sur les monnaies de Patras, avec cette politique coloniale et dynastique.
En ce qui concerne l’organisation de l’espace de la colonie, M. Petropoulos apporte une utile mise au point, fondée principalement sur les chroniques de l’Archaiologikon Deltion depuis 1960 jusqu’à 1999, sur les évolutions et les aménagements dus aux interventions romaines en matière d’urbanisme, en particulier dans les secteurs de l’acropole, de l’agora
et du port.
Plusieurs contributions prennent en compte l’habitat domestique et ses décors : F. Ghedini, en croisant les sources littéraires et la documentation archéologique, y compris celle d’autres régions fournissant des points de comparaison, s’attache à définir les permanences et transformations de la maison romaine entre la fin de l’époque républicaine et le début de l’empire, tandis que P. Bonini prend l’exemple des maisons de Patras comme support d’une intéressante réflexion sur la notion de romanisation en Grèce. Une communication (I.A. Papapostolou) est spécifiquement consacrée aux mosaïques découvertes à Patras. Une place importante est accordée au domaine funéraire, abordé par I. Dekoulakou qui traite en détail des nécropoles dont l’enquête archéologique permet de souligner l’extension à l’extérieur des limites de la zone habitée, dans la Patras d’époque impériale (Ier-IIIe siècles de notre ère).
Curieusement, trois contributions présentent des réflexions sans rapport avec l’exemple précis de Patras. Deux d’entre elles traitent de monuments qui ont à voir avec l’idéologie augustéenne et la représentation du pouvoir impérial : les sculptures de l’autel du monument d’Octave Auguste à Nicopolis (K. Zachos) et la dédicace de l’Ara Pacis à Rome (E. La Rocca). Une troisième porte sur la peinture à l’époque d’Auguste (I. Baldassarre). Ces exposés fournissent assurément des points d’ancrage à une réflexion sur les aspects culturels et politiques du principat, mais ne vont pas sans compromettre la cohérence de l’ensemble.
C’est donc surtout en rapport avec ce qui touche à l’organisation de l’espace que la présente publication offre un utile éclairage sur les évolutions et les spécificités de la colonie de Patras aux premiers siècles de l’empire, à partir des données archéologiques replacées dans le contexte de la mise en place de l’idéologie impériale à l’époque d’Auguste.
La présentation matérielle de l’ouvrage est soignée, avec des photographies et des plans en noir et blanc bien lisibles (quelques coquilles apparaissent cependant çà et là dans les présentations bibliographiques du reste assez étoffées qui figurent à la fin de chaque article).
Yves Lafond