Comme son sous-titre le précise, l’ambition affichée de ce livre est de proposer dans un volume raisonnable une histoire millénaire que l’auteur n’hésite pas, dans une très brève introduction (p. 1-2), à définir comme « traditionnelle », à l’écart des principaux courants historiographiques du dernier siècle qu’il envisage comme complémentaires plutôt que concurrents. On trouvera donc, principalement à destination d’un public étudiant de langue anglaise, une synthèse ordonnée chronologiquement des connaissances les plus actuelles sur Rome et son empire, de la fondation de la cité au dernier empereur d’Occident. La démarche privilégiée ne signifie nullement, en l’occurrence, que les débats récents n’ont pas été mis au service de ce projet déroulant principalement une histoire politique qui est volontairement identifiée à la conquête militaire du bassin méditerranéen par les légions romaines. Je relève ainsi les apports de l’archéologie des deux dernières décennies en ce qui concerne les connaissances sur les premiers établissements du Palatin et la fondation de l’Vrbs ou bien la prise en compte des oracles sibyllins pour une analyse renouvelée du iiie siècle. — Formellement, la matière est répartie en cinq grandes sections de longueur variable : la première consacrée à la Rome archaïque, des « commencements obscurs » à la première guerre punique, comprend trois chapitres (p. 3-55) ; puis c’est à un peu plus d’un siècle de profonds bouleversements menant la cité-État à la constitution de son empire, avec les guerres puniques et macédoniennes jusqu’à la chute en 146 de Carthage et de Corinthe, que nous convient quatre chapitres sur la « conquête de la Méditerranée » (p. 57-99). La troisième partie consacre cinq chapitres à la chute de la République, abordant les guerres civiles qui mènent des Gracques à la mise en place du régime augustéen (p. 101-175) ; la quatrième s’attache en six chapitres à rendre compte de l’histoire du principat, d’Auguste à la mort de Sévère Alexandre (p. 177-260), tandis que la dernière partie consacre également six chapitres à un empire tardif qui mène le lecteur depuis les crises militaire et dynastique du iiie siècle jusqu’à la chute de l’empire d’Occident au ve siècle (p. 261-353). Une courte conclusion souligne les continuités incarnées par le destin de l’empire d’Orient sur près d’un millénaire supplémentaire. Une chronologie détaillée (p. 357-364), une mise au point sur le système onomastique romain (p. 365-366) et des suggestions de lecture, toutes en anglais, en lieu et place d’une bibliographie, avec des références aux sources (présentation générale alphabétique et mention chapitre par chapitre), à des ouvrages généraux et des études thématiques avec des compléments par chapitre (p. 367-384) précèdent un index regroupant notions, noms antiques et modernes (p. 385-395). Le volume s’ouvre sur des cartes permettant de mesurer l’extension et l’organisation territoriale du monde romain, depuis l’Italie centrale jusqu’au bassin méditerranéen, un cahier d’illustrations au milieu du livre permettant grâce à des choix très classiques de donner un aperçu significatif de la civilisation romaine, de « monuments » incarnant au mieux l’aventure humaine des Romains et ses vecteurs de « communication » les plus remarquables (architecture, sculpture…). Il n’est pas dans mon propos de faire la liste des manques ou des résumés par trop abrupts de cette synthèse. L’exercice est difficile et très facilement critiquable. On peut fort bien contester l’utilité d’une telle approche de l’histoire de Rome sur près d’un millénaire et demi. Je préfère souligner que l’auteur s’est acquitté de sa tâche avec honnêteté et a su allier les aperçus chronologiques avec des mises au point thématiques offrant au lecteur plus curieux des compléments d’information judicieux. J’en veux pour preuve une première partie qui offre un résumé bien informé sur les premiers temps de l’aventure romaine, alternant établissement de la chronologie et définitions institutionnelles et sociales, en particulier à propos des deux siècles et demi de conquêtes en Italie (chap.3). La deuxième partie choisit deux angles d’approche appropriés : trois mises au point géographiques des conquêtes romaines (l’affrontement avec Carthage, les guerres en Orient et la conquête de l’Espagne) et un chapitre « conclusif » sur les effets à Rome de telles campagnes militaires. Il reste qu’il est difficile en quelques pages et dans la partie qui suit de prendre en compte toutes les nuances apportées depuis quelques années à l’impact économique des conquêtes et leurs effets réels sur le recrutement légionnaire ainsi que les transformations induites de la société politique de la res publica. Les trois chapitres qui étudient chronologiquement les crises de la République débouchent sur une courte synthèse (chap.12 « Politics in the late Republic », p. 170-176) abordant les enjeux d’une vie politique qui semblent conduire inéluctablement à l’établissement du régime d’un princeps. Les débats récents suscités notamment par la publication des articles puis du livre de F. Millar sont pris en compte mais mériteraient bien entendu de plus longs développements, en particulier à partir des « réactions » souvent vives des historiens allemands (K.-J. Hölkeskamp, M. Jehne et E. Flaig, entre autres) contre une lecture « démocratique » de certains aspects du fonctionnement de la politeia romaine. On peut regretter une vision un peu datée, ou du moins rapide, des empereurs du ier siècle (chap.14‑15), en particulier les « mauvais » princes comme Caligula, Néron ou Domitien. L’étude d’E. C Champlin, parue peu de temps avant ce livre, sur Néron (2003) a ouvert la voie à des approches plus nuancées de certaines aventures impériales, tout comme le livre de P. Grainger (2004) qui permet de relire à nouveaux frais le gouvernement de Domitien à partir d’une prise en compte fouillée du court règne de Nerva et de ses implications. Un bref chapitre propose le bilan des institutions du principat (ch.18, p. 249‑260) que l’on pourrait assurément affiner, en particulier en ce qui concerne l’approche de la politique impériale, édilitaire et festive. Les questions relatives au christianisme dominent largement la dernière partie de l’ouvrage, que ce soit pour dresser l’état des lieux d’une religion ascendante au cours du iiie siècle, triomphante avec Constantin, puis confrontée aux schismes et hérésies lors des deux siècles qui suivent (chap.20, 22 et 23). Le renvoi systématique en bibliographie aux volumes de la CAH, dont les secondes éditions sont parues régulièrement durant la dernière décennie, le tome XII (qui couvre les années 193-337) après la parution du présent livre en recension (2005), confirme l’usage que l’on peut faire d’une telle synthèse, première prise de contact utile et en général réussie, en langue anglaise, d’une longue période historique demandant, dans un deuxième temps, approfondissements et nuances du discours par le recours à des enquêtes spécialisées et en diverses langues européennes.
Stéphane Benoist