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Le trentième colloque de l’Institut des Études étrusques et italiques est paru en 2024, deux années après la réunion scientifique qui s’est tenue du 23 au 25 juin 2022, à Bologne. Le sujet porte sur les Étrusques dans la plaine du Pô et l’édition des actes est dirigée par le spécialiste de cette question, Giuseppe Sassatelli, professeur émérite de l’Université de Bologne et président de l’Institut des Études étrusques et italiques depuis 2017. L’ouvrage est composé de deux volumes de plus de mille pages en tout, intégrant 669 illustrations, et il rassemble 53 contributions (dont 11 posters), souvent proposées à plusieurs auteurs, dans leur majorité en langue italienne (tous avec un résumé en anglais) mais illustrant des collaborations scientifiques entre l’Italie, l’Autriche, la France, la Suisse et l’Allemagne.

Les actes sont divisés en trois parties, offrant une perspective globale sur les différents sujets de l’actualité scientifique sur la zone padane : la première considère les différents sites archéologiques de la plaine du Pô, en abordant la dynamique des cités et de leur territoire ; la deuxième retient le rituel et l’idéologie funéraires ; la troisième les interactions culturelles avec les populations limitrophes. Les différentes contributions visent à offrir un point de vue synthétique sur chaque sujet abordé, conformément à l’approche habituelle des colloques de l’Institut : nous avons là réunis des bilans très utiles sur les dernières fouilles dans la région, sur l’examen récent de fouilles anciennes et sur les avancées scientifiques dans les trois domaines cités.

La partie dédiée aux cités padanes et à leur territoire occupe un volume entier. Elle traite, en premier lieu, l’époque de l’origine des implantations et les processus de poléogénèse. C’est le cas des fouilles récentes de Bologne (contributions de Riccardo Vanzini ; Agata Borali, Patrizia von Eles, Marco Pacciarelli ;Laura Bentini, Anna Dore ; Renata Curina, Jacopo Ortalli, Cristian Tassinari ; Valentina Manzelli) qui offrent une documentation contemporaine de celle des tombes villanoviennes connue depuis le XIXe siècle : on identifie des villages topographiquement autonomes, mais politiquement fédérés, dès le Bronze final vraisemblablement, avant que l’un d’entre eux (Villa Cassarini pour Bologne ?) ne rassemblent tous les autres, dans un processus progressif et lent.

Est ensuite abordée la grande période du développement urbain, dont les témoignages padans des époques archaïque et classique (et en particulier à Marzabotto) ont depuis longtemps attiré l’attention des historiens de la cité antique et de la planimétrie de ses maisons. Les travaux sur les sites de Bologne (voir supra), Marzabotto (Elisabetta Govi ; Marialetizia Carra ; Giacomo Mancuso), Spina (fouilles en zones humides de Christoph Reusser ; Chiara Mattioli, Fede Berti, Andrea Gaucci ; Enrico Zampieri), Adria (Maurizio Harari, Silvia Paltineri, Alberta Facchi, Maria Cristina Vallicelli, Federica Wiel-Marin ; Carolina Ascari Raccagni), Mantoue (Elena Maria Menotti ; Gérard Capdeville ; Marta Rapi, Rainer Komp, Friedrich Lüth, Sebastian Messal) et Verruchio (Alessandro Naso) illustrent l’intensité des travaux des universités locales ainsi que les collaborations nationales et étrangères. Les nouveautés scientifiques qu’apportent ces dossiers sont dues à la rigueur scientifiques de ces dernières fouilles archéologiques ainsi qu’à une ouverture méthodologique dans l’analyse des données : histoire religieuse des cultes (Elisabetta Govi), sources épigraphiques (Andrea Gaucci ; Enrico Benelli ; Adriano Maggiani), analyse artistique qui permet d’identifier une production locale padane (Stefano Bruni), apport de la documentation ancienne (Matteo Tirtei ; Christian Mazet sur les fouilles françaises d’Albert Grenier ; Giacomo Mancuso).

La deuxième série de contributions porte sur les nécropoles des mêmes centres padans, dont l’exploration archéologique a permis de rassembler depuis le XIXe siècle un nombre important de données (ayant en particulier donné naissance à l’expression de « culture villanovienne ») : Bologne, Marzabotto, Spina, Adria, Verruchio. Les dossiers bolonais, bien connus, sont anciens et, en pratiquant une lecture philologique précise des archives et en usant de la confrontation avec d’autres sites, il est aujourd’hui possible de pousser plus loin l’analyse, dans les domaines sociaux et culturels, autour de questions de genre (Giulia Morpurgo) ou de classe d’âge (Anna Serra), ou concernant l’usage ou la signification symbolique des pièces du mobilier funéraire (Federica Guidi, Marinella Marchesi, Laura Minarini ; Stefano Santocchini Gerg, Lisa Manzoli ; Chiara Pizzirani). Les résultats de fouilles menées plus récemment à Bologne et sa région sont aussi présentés (Patrizia von Eles ; Daniela Locatelli ; Carla Buoite, Sara Campagnari ; Patrizia von Eles, Anna Esposito, Pasquale Miranda, Marco Pacciarelli, Giorgio Sorrentino), ainsi que celles à Adria (Paola Desantis), avec les découvertes importantes de Ca’ Cima (Simonetta Bonomi ; Elena Antoniazzi, Mattia Cappello, Anna Serra) et à Spina (Alessandra Parrini ; Federica Timossi, Roberto Braga).

Enfin la dernière partie est dédiée aux relations avec les autres populations situées autour de la plaine padane, qu’il s’agisse des Vénètes (Anna Marinetti ; Giovanna Gambacurta; Paola Càssola Guida, Susi Corazza, Flaviana Oriolo, Paola Ventura, Serena Vitri), des Rètes (Franco Marzatico), de la culture de Golasecca (Stefania Casini, Raffaele C. de Marinis), des Ligures (Marica Venturino), et des différents sites le long du Pô (Roberto Macellari) et de la côté adriatique (Petra Amann, Claudio Negrini ; Annalisa Pozzi, Cristian Tassinari ; Vincenzo Baldoni ; Marta Natalucci). La confrontation des typologies archéologiques des cultures en contact est complétée par l’étude épigraphiquee, dans une approche anthropologique qui considère les dynamiques ethniques et les interactions culturelles comme formatrices des identités. La mise en évidence des réseaux d’échanges permet de reprendre la question des routes commerciales (Diana Neri, Silvia Pellegrini, Lorenzo Zamboni), en donnant à Bologne un rôle déterminant (Luigi Malnati, Cristina Ambrosini, Sara Campagnari, Annalisa Pozzi), en particulier pour transmettre aux régions limitrophes les influences et artefacts provenant de l’Étrurie tyrrhénienne, selon deux phases chronologiques bien distinctes, se situant avant et après la seconde moitié du VIe siècle avant J.-C.

L’importance scientifique de ce volume est par conséquent de premier plan, pour la connaissance des plus récentes explorations archéologiques de la plaine du Pô et des régions voisines mais aussi pour des travaux de synthèse sur les principales questions que les étruscologues et spécialistes de l’Italie préromaine se posent : identités ethniques, contacts culturels à courte et longue distance, urbanisation, spécificité de la religion étrusque (panthéon, cultes, rituels funéraires). L’importance du rôle de cette région, dans le cadre des différentes dynamiques culturelles s’exerçant en Italie pendant la protohistoire méditerranéenne, se trouve ici parfaitement illustrée.

 

Natacha Lubtchansky, Université de Tours – CeTHiS

Publié en ligne le 11 décembre 2025.