L’équipe qui, à l’instigation de R. Lequément, a repris en 1985 la fouille des édifices publics de Lugdunum Convenarum tient ses promesses de publication. Après le Temple, les Thermes du centre, le sanctuaire de carrefour, le cardo maximus et l’enceinte tardive, sans oublier le Guide des GAF et de nombreux articles, voici un ouvrage dédié aux différents états du macellum de la ville.
Le plan suit naturellement l’échelonnement de ces états, en rejetant dans six annexes finales les données de fouille et l’inventaire du matériel.
L’ensemble est précédé par une préface de Pierre Gros qui souligne la qualité de l’ouvrage et la pertinence de ses apports, puis par un clair historique des fouilles et des théories quant à la nature du bâtiment et à leurs avatars dans la littérature archéologique. Le foisonnement anarchique de ces derniers fait déjà mesurer l’utilité de l’étude qui suit. En ce qui concerne la « couche noire » qui caractérise l’état antérieur, les auteurs ont établi qu’elle résultait d’une accumulation anthropique in situ et non d’un remblai ; qu’elle datait de la période augustéenne (-30/-15 au plus tôt : on note ici l’absence d’une attestation d’occupation antérieurement à la conquête) au début du règne de Tibère, et qu’elle pourrait témoigner de la présence continue d’équipes d’ouvriers occupés à la construction des édifices publics du centre-ville. L’hypothèse est intéressante, car elle porterait un éclairage original sur les débuts de ces villes créées ex nihilo après la conquête. L’espace du bâtiment à venir était très partiellement occupé par trois voies, au plus tôt augustéennes et antérieures à l’installation du réseau orthonormé, ainsi que par trois salles d’habitat, dont l’une abritait un four culinaire.
La date du premier état, au début du règne de Tibère au plus tard, est acquise par l’étude du mobilier céramique de l’appendice III (F. Réchin) et confortée par celle des monnaies (J.-P. Bost) dans l’appendice II. L’examen de cet édifice de plan barlong (62 m de longueur), commence par une précieuse analyse de l’architecture : seuils, portes en absides distyles, cour mosaïquée rythmée en cinq espaces séparés par quatre groupes de deux colonnes et entourée par 43 cellules commerciales au sol de mortier, très probable sacellum (avec une mosaïque plus élaborée précédant un podium) dans l’axe transversal, visiblement privilégié, et bassin central revêtu de marbre, dont la quadruple alimentation est assurée par une conduite en bois. La reconstitution de deux corps transversaux couverts, reposant chacun sur quatre colonnes et sur les deux fois deux piliers frontaux des boutiques en vis-à-vis, emporte l’adhésion. La longue cour de 45 m s’en trouve partagée en trois espaces hypèthres, ce qui peut correspondre, ajouterais-je, à une spécialisation des activités commerciales. La reconstitution d’un tracé régulateur, fondé sur des rapports irrationnels, repose sur le constat d’une différence de profondeur entre les boutiques. Elle a le mérite d’une certaine simplicité et de participer d’une pratique connue ailleurs. Celle de la hauteur est plus délicate, l’existence d’escaliers et donc d’un étage restant hypothétique. La hauteur de la colonne ionique, qui est invoquée à juste titre pour en décider, est calculée d’après un modèle vitruvien qu’il n’est sans doute pas de raison d’invoquer ici, Vitruve ne s’étant pas occupé des macella. Peu importe : quel que soit son mode de calcul, on obtient une hauteur qui oscille entre 5,92 et 7,00 m, ce qui, avec l’ajout d’un entablement, même en bois, entraîne une hauteur des boutiques sous plafond suffisante pour impliquer l’existence d’un entresol. L’image axonométrique de l’ensemble, p. 87, doit présenter un aspect aussi voisin que possible de la réalité antique, même si elle résulte parfois nécessairement d’un parti-pris (mais argumenté et raisonnable), comme la moindre hauteur des boutiques externes sud.
Détruit à la fin du Ier s. (par un incendie ? en même temps que les thermes voisins ?), cet état est remplacé, vers 100, par un second, qui reprend largement le plan et quelques matériaux du premier. On y remplace les portes monumentales et les cages d’escaliers par de nouvelles boutiques, ce qui implique une suppression de l’entresol. On rehausse le sol, ce qui fait disparaître la mosaïque et on supprime vraisemblablement les deux édicules tétrastyles transversaux, ainsi que le sacellum, mais l’on conserve sans doute la fontaine centrale, puisqu’on la munit d’une nouvelle évacuation. Cette désacralisation au moins apparente s’accompagne donc d’un renforcement de la capacité utilitaire de l’édifice, qui reflète certainement un accroissement de l’activité commerciale de la ville.
Le troisième état, d’un opus très incertum plus fragile et de surcroît largement victime des vigoureuses « fouilles » antérieures, correspond à une modification radicale de la vocation du site. Sans autre rapport planimétrique qu’un même alignement avec un état 2 qu’il ensevelit, il est composé d’une grande salle prolongée à l’est par une pièce rectangulaire plus étroite et ouvrant sur cette dernière (ici, on note une petite discordance entre le texte p. 110 et la planche VI, où cette pièce présente, en contradiction avec le texte, une ouverture également au nord, qui doit vraisemblablement constituer l’héritage d’une hypothèse de B. Sapène). L’ensemble, qui occupe une longueur un peu moindre (55 m) et une largeur sensiblement plus faible que l’état antérieur, est prolongé, au sud, par une vaste cour, entourée par une galerie à quatre nefs (le mur intérieur paraît trop faible pour avoir été un stylobate) munie d’une vaste salle axiale, en saillie sur sa branche sud. L’interprétation de ce troisième état comme un forum tardif tripartite constitue certainement l’apport le plus novateur de cette publication. Le plan, avec cette grande cour ceinte d’une galerie, sur laquelle ouvrent un temple (ou une curie ?) au sud, et une basilique prolongée par une possible curie ou un tribunal à l’est, invite à cette identification. Seule la date, le IVe s., fait hésiter, dans la mesure où l’on n’y rencontre guère de parallèle à ce type d’édifice. On vérifiera probablement un jour l’identification des boutiques du cardo oriental l’architecture : seuils, portes en absides distyles, cour mosaïquée rythmée en cinq espaces séparés par quatre groupes de deux colonnes et entourée par 43 cellules commerciales au sol de mortier, très probable sacellum (avec une mosaïque plus élaborée précédant un podium) dans l’axe transversal, visiblement privilégié, et bassin central revêtu de marbre, dont la quadruple alimentation est assurée par une conduite en bois. La reconstitution de deux corps transversaux couverts, reposant chacun sur quatre colonnes et sur les deux fois deux piliers frontaux des boutiques en vis-à-vis, emporte l’adhésion. La longue cour de 45 m s’en trouve partagée en trois espaces hypèthres, ce qui peut correspondre, ajouterais-je, à une spécialisation des activités commerciales. La reconstitution d’un tracé régulateur, fondé sur des rapports irrationnels, repose sur le constat d’une différence de profondeur entre les boutiques. Elle a le mérite d’une certaine simplicité et de participer d’une pratique connue ailleurs. Celle de la hauteur est plus délicate, l’existence d’escaliers et donc d’un étage restant hypothétique. La hauteur de la colonne ionique, qui est invoquée à juste titre pour en décider, est calculée d’après un modèle vitruvien qu’il n’est sans doute pas de raison d’invoquer ici, Vitruve ne s’étant pas occupé des macella. Peu importe : quel que soit son mode de calcul, on obtient une hauteur qui oscille entre 5,92 et 7,00 m, ce qui, avec l’ajout d’un entablement, même en bois, entraîne une hauteur des boutiques sous plafond suffisante pour impliquer l’existence d’un entresol. L’image axonométrique de l’ensemble, p. 87, doit présenter un aspect aussi voisin que possible de la réalité antique, même si elle résulte parfois nécessairement d’un parti-pris (mais argumenté et raisonnable), comme la moindre hauteur des boutiques externes sud.
Détruit à la fin du Ier s. (par un incendie ? en même temps que les thermes voisins ?), cet état est remplacé, vers 100, par un second, qui reprend largement le plan et quelques matériaux du premier. On y remplace les portes monumentales et les cages d’escaliers par de nouvelles boutiques, ce qui implique une suppression de l’entresol. On rehausse le sol, ce qui fait disparaître la mosaïque et on supprime vraisemblablement les deux édicules tétrastyles transversaux, ainsi que le sacellum, mais l’on conserve sans doute la fontaine centrale, puisqu’on la munit d’une nouvelle évacuation. Cette désacralisation au moins apparente s’accompagne donc d’un renforcement de la capacité utilitaire de l’édifice, qui reflète certainement un accroissement de l’activité commerciale de la ville.
Le troisième état, d’un opus très incertum plus fragile et de surcroît largement victime des vigoureuses « fouilles » antérieures, correspond à une modification radicale de la vocation du site. Sans autre rapport planimétrique qu’un même alignement avec un état 2 qu’il ensevelit, il est composé d’une grande salle prolongée à l’est par une pièce rectangulaire plus étroite et ouvrant sur cette dernière (ici, on note une petite discordance entre le texte p. 110 et la planche VI, où cette pièce présente, en contradiction avec le texte, une ouverture également au nord, qui doit vraisemblablement constituer l’héritage d’une hypothèse de B. Sapène). L’ensemble, qui occupe une longueur un peu moindre (55 m) et une largeur sensiblement plus faible que l’état antérieur, est prolongé, au sud, par une vaste cour, entourée par une galerie à quatre nefs (le mur intérieur paraît trop faible pour avoir été un stylobate) munie d’une vaste salle axiale, en saillie sur sa branche sud. L’interprétation de ce troisième état comme un forum tardif tripartite constitue certainement l’apport le plus novateur de cette publication. Le plan, avec cette grande cour ceinte d’une galerie, sur laquelle ouvrent un temple (ou une curie ?) au sud, et une basilique prolongée par une possible curie ou un tribunal à l’est, invite à cette identification. Seule la date, le IVe s., fait hésiter, dans la mesure où l’on n’y rencontre guère de parallèle à ce type d’édifice. On vérifiera probablement un jour l’identification des boutiques du cardo oriental originalité du premier état. Elle est à juste titre soulignée dans l’ouvrage, mais sans que l’on s’y étende. Or, pour une fois, en dehors du fait de la simple répartition de cellules commerciales autour d’une cour et de la présence éventuelle d’un entresol, on ne voit pas de quel modèle hellénistique pourrait procéder cette création pourtant précoce dans l’Empire. On ne voit pas non plus de dérivation depuis l’Italie républicaine à la tripartition de l’espace central : cela méritait d’être signalé. Est-ce au macellum Liviae d’époque augustéenne qu’apparaît la fontaine dans ce type d’édifice ? Quel rapport peuvent entretenir les tétrapyles commingeois avec les tholoi macelli ? Une insertion de l’édifice dans l’histoire du type, à la documentation lacunaire, mais bien défrichée par la thèse de C. de Ruyt, aurait été la bienvenue. Un index aurait été également bien utile.
Les dessins de J.-L. Paillet, qu’ils illustrent l’étude architecturale ou l’analyse stratigraphique des sondages, sont abondants et d’une très grande qualité. On ne regrette que l’absence des numéros de murs, notamment ceux de l’état 3, sur les plans et coupes, ce qui plonge parfois le lecteur dans l’embarras. Cela dit, on admire le parti qui a été tiré des rares éléments architecturaux disponibles pour parvenir à des reconstitutions pourtant quasi complètes et convaincantes. Signalons une faute d’inattention dans la relecture finale : la fig. 102, qui devait faire état d’une hypothèse abandonnée, est identique à la pl. hors-texte VI, qui propose l’hypothèse retenue. La langue, à l’exception d’un curieux « soi-disant chalcidique », p. 101, ou de « s’avère exacte », p. 115, ou d’un emploi, il est vrai récurrent aujourd’hui, de générer au lieu d’engendrer, est claire, précise, avec parfois de belles litotes, comme, p. 19, à propos des fouilles de Sapène, « ce souci de rendement a pu ne pas se concilier avec un soin de tous les instants »…
Hormis donc le parti-pris de livrer l’analyse de l’édifice en soi, laissant au lecteur le soin d’en approfondir les liens avec ceux de sa série, le grand mérite de l’ouvrage est déjà de constituer, après celle de Belo, la seconde publication, superbement illustrée, d’un marché d’époque impériale. Il est aussi surtout de sauver de l’oubli et de replacer dans son contexte l’ensemble du matériel d’une fouille centenaire, de faire table rase des théories antérieures et de fournir un dossier irréprochable de faits bien établis : les historiens de l’économie comme ceux de l’architecture y trouveront un matériau de première qualité.
Pierre Aupert