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Cet ouvrage écrit par John Hayes, grand spécialiste de la céramique romaine méditerranéenne nous offre un aperçu complet de la céramique fine romaine découverte sur l’Agora d’Athènes et, plus particulièrement des importations. Ce livre de 341 pages et 56 planches de dessins, 91 de photos et 2 plans détaille en 18 chapitres les différentes catégories de céramiques fines, datées ente le Ier et le VIe siècle p.C., découvertes à Athènes.
Dans un premier chapitre introductif, J. Hayes nous présente le but de cette publication qui fait suite au volume de S. Rotroff sur la céramique hellénistique de l’Agora d’Athènes. J. Hayes souligne, entre autres, la différence entre les céramiques fines des époques précédentes retrouvées sur l’Agora, produites en grande partie localement et celles de l’époque romaine qui sont presque exclusivement des importations d’autres régions méditerranéennes et qui servent de modèles aux productions athéniennes. Il éclaircit certains termes utilisés dans les publications plus anciennes et donne une explication pour d’autres plus techniques. Il explique également la démarche de son travail et les différences avec le volume V de l’Athenian Agora de H.S. Robinson qui traitait aussi de la céramique romaine. Après quelques précisions historiques ainsi que sur la datation des contextes de découvertes, J. Hayes nous renseigne sur le style et les techniques de ces productions romaines.
Les chapitres deux et trois traitent chacun d’une production particulière, en l’occurrence l’Eastern Sigillata A et B. En introduction, à chacun de ces chapitres, il présente la catégorie, son appellation, ses lieux de production ainsi que la pâte dans laquelle elle est produite. Les formes, la décoration et, le cas échéant, les timbres de potiers sont également évoqués. Enfin, la distribution géographique de l’Eastern Sigillata A et B est détaillée. Nous apprenons ainsi que l’ESA, anciennement appelée « pergaménienne » est produite dans la zone levantine, près de la côte. Il s’agissait d’une production de masse qui fabriquait particulièrement des formes dites ouvertes (plats, coupes, bols) avec des décors incisés ou à la molette. Cette catégorie était distribuée dans toute la Méditerranée orientale et centrale jusqu’en Italie et en France entre 150 a.C. et le IIe siècle p.C. bien qu’à Athènes, elle soit plutôt présente entre 100 a.C. et 50 p.C.
En ce qui concerne l’ESB qui correspond à ce qu’on appelait précédemment la « samienne », il s’agit d’un dérivé de la sigillée italique produit dans la vallée du Méandre en Asie mineure, probablement à Tralles. Cette catégorie se divise en deux groupes ESB1 et ESB2, ce dernier étant commun à Athènes dès la fin du Ier siècle p.C. et dans la première partie du IIe siècle p.C. Les formes sont uniquement des formes ouvertes, assez simples avec des décorations de sillons ou à la molette. Un certain nombre d’exemplaires ont des timbres de potiers, les plus communs étant en forme de rosettes ou de palmettes. La diffusion de cette catégorie est moins large, seulement dans la région égéenne pour l’ESB1 et jusqu’à Chypre et en Italie pour l’ESB2.
L’auteur détaille ensuite pour chaque catégorie les différentes formes produites.
Le chapitre 4 est consacré aux sigillées italiques et gauloises. La grande qualité des produits de la région d’Arezzo explique leur diffusion dans tout le monde méditerranéen et jusqu’en Inde dès la fin du Ier siècle a.C. jusqu’à la fin du Ier siècle p.C. J. Hayes précise que l’étude de ces sigillées est très importante pour obtenir des datations plus précises qu’avec les autres céramiques fines romaines. Les sigillées italiques étaient principalement produites dans les régions de Pise, de la vallée du Tibre et de Naples. Un grand nombre de formes avec des timbres de potiers ont été découvertes sur l’Agora, en particulier des producteurs d’Arezzo ou de Pouzzoles. Les formes sont principalement des plats et des coupes ainsi que des vases moulés à reliefs. Ces derniers sont des substituts moins chers aux vaisselles métalliques. Très peu de sigillées gauloises sont présentes à Athènes, toutes sont des bols décorés en reliefs.
Le chapitre 5 traite des céramiques à vernis rouges de la région de Pergame, qui sont séparées en deux catégories les céramiques pergaméniennes et les céramiques dites çandarlı. Elles étaient diffusées jusqu’au sud de la Russie et occasionnellement sur les sites de l’Adriatique. Les deux catégories diffèrent en particulier dans la couleur du vernis. Le premier type est produit du Ier siècle a.C. au Ier siècle p.C. et regroupe uniquement des formes ouvertes, principalement des coupes et des bols. Il s’agit de la sigillée orientale qui ressemble le plus aux sigillées italiques. Au contraire, la série tardive appelée céramiques çandarlı diffère plus largement des productions italiques. Elle est fabriquée à partir du Ier siècle p.C. jusqu’au IIe siècle p.C. Deux formes sont plus représentatives : le « flanged bowl » et une jatte.
Le chapitre 6 fait l’inventaire des autres sigillées trouvées à Athènes, principalement originaires de la Méditerranée orientale telles que la Sagalassos Red Slip Ware provenant de Pisidie en Anatolie centrale fabriquée entre le Ier et le VIe siècle p.C., les sigillées chypriote et pontique, les cruches pontiques avec des décors en barbotine. J. Hayes liste également des tessons de céramiques non identifiées, des bols à emblèmes et des plats qui imitent des formes métalliques.
Les chapitres 7 à 9 font état de trois types précis du début de l’époque impériale que sont les céramiques à glaçure plombifère, les céramiques grises et les céramiques grises de Cnide et d’Asie mineure. Il présente à chaque fois leur origine et les différentes formes qui leur sont associées.
Le chapitre 10 est entièrement consacré à la céramique appelée « African Red Slip Ware ». J. Hayes revient sur les différents termes utilisés pour désigner cette catégorie qui ont souvent provoqué une grande confusion. Cette céramique a été produite en Afrique du Nord et montre trois phases de développement. Les distinctions se faisant principalement au niveau du vernis qui couvre la surface extérieure. Les premières vaisselles ne sont que peu décorées mais, dès le IVe siècle p.C., l’influence des récipients métalliques pèse sur l’ornementation. Les estampilles au fond des plats apparaissent et vont devenir la norme jusqu’au VIe siècle p.C. Au début il s’agit de motifs géométriques et floraux, à partir du milieu du Ve siècle p.C., les motifs chrétiens et les animaux prennent la suite. L’ « African Red Slip Ware » est la céramique du monde méditerranéen du IIe au VIIe siècles p.C. Nous apprenons ensuite quelle est la proportion de cette catégorie sur l’Agora selon les différentes époques ainsi que sa typologie.
Le chapitre 11 traite également d’une seule catégorie la « phocean Red Slip Ware » qui domine la Méditerranée orientale aux Ve et VIe siècles p.C. À la fin des années 60, des fours à Phocée ont été découverts ce qui a permis d’associer cette céramique à une production dans la cité. Les formes sont essentiellement des plats et des bols. Il existe beaucoup de décorations estampillées sur les vaisselles les plus grandes. Au départ, il s’agissait de motifs floraux, ensuite de motifs animaliers ainsi que de croix en cercle et enfin un seul motif au centre, animalier ou en forme de croix. Sur les bords, nous retrouvons très souvent des motifs à la roulette. J. Hayes nous explique ensuite, comme pour l’ « African Red Slip Ware », l’apparition de cette catégorie sur l’Agora et à quel moment ainsi que sur d’autres sites méditerranéens. La « Phocean Red Slip Ware » reste en usage jusqu’au milieu du VIIe siècle p.C.
Dans le chapitre 12, J. Hayes fait un condensé des autres céramiques fines romaines tardives découvertes sur l’Agora que sont la « Chypriot Red Slip Ware », les céramiques fines grises de Gaule et de Macédoine, les « light-colored » qui sont souvent décorées avec des décors à la roulette et proviennent probablement de la région de Cnide. D’autres catégories représentées seulement par quelques fragments sont également listées.
Les céramiques à paroi fine sont évoquées dans le chapitre 13. Il s’agit d’une catégorie bien représentée sur l’Agora du début de l’époque romaine. Les formes sont des gobelets, des coupes à deux anses, de petits bols et cruches et sont des produits du nord de l’Italie. Dans cette partie, des vaisselles à paroi fine augustéennes originaires du nord de l’Asie Mineure sont également décrites. J. Hayes traite aussi de tasses plus tardives appelées « boccalini a collarino » qui sont diffusées dans la Méditerranée centrale et orientale de la fin du Ier au IIIe siècle p.C. Deux séries sont présentes à Athènes mais leur trait commun est un changement de couleur sur la paroi externe. La première série, plus ancienne (80-200 p.C.), est plus mince avec une embouchure bien marquée et plutôt haute. Elle serait produite à Phocée. La deuxième série est le type classique, bien connu en Adriatique, peut-être produite sur la côte thrace. La panse est large, légèrement biconique ou arrondie et un bord tourné vers l’extérieur marqué par un renflement (collarino). Certaines versions peuvent
être peintes.
Les chapitres 14 à 17 traitent de productions bien déterminées géographiquement, celles de Cnide, de Corinthe et de lieux variés en Grèce, la plupart de ces catégories étant des vases à reliefs du début et du milieu de
l’époque romaine.
Enfin, dans les deux derniers chapitres, J. Hayes évoque des classes un peu particulières, les unguentaria et les plats à engobe rouge pompéien.
Le catalogue compose la seconde moitié de cet ouvrage. Il est très complet, pour chaque tesson, un parallèle, s’il existe, est donné, ses dimensions, sa forme, sa pâte et la datation du contexte dans lequel il a été découvert.
L’auteur présente ensuite, en quelques pages, la liste des contextes ainsi que leurs datations.
Tous ces chapitres sont bien construits et clairement présentés ce qui permet de se faire une idée bien précise des céramiques fines de l’époque romaine présentes sur l’Agora d’Athènes. À chaque fois, J. Hayes rappelle les anciens noms et classifications de la catégorie, son origine probable ou confirmée, sa distribution dans toute la Méditerranée, la ou les pâtes dans laquelle elle est fabriquée, sa durée de vie et les différentes formes existantes. La bibliographie est bien fournie et ne manque d’aucune référence. Les nombreuses planches de dessins et de photographies sont d’une grande qualité et permettent d’apprécier au mieux les fragments qui nous sont présentés dans ce livre. Cet ouvrage actualise les conclusions que l’auteur avait déjà eues dans des articles ou livres précédents sur d’autres sites méditerranéens. Il nous livre un référentiel riche et bien daté pour les céramiques romaines en Méditerranée orientale.

Cécile Rocheron