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Cet imposant ouvrage de 348 pages et 271 illustrations, paru dans la Collection de l’École française de Rome, correspond à la publication des maisons d’un des îlots les plus proches du centre monumental de Paestum. On saura grè aux chercheurs de s’être attelés à cette tâche ardue du fait de l’absence, pour une bonne partie de la superficie prise en compte, d’archives de fouille en raison de l’ancienneté de son dégagement, après la Seconde guerre mondiale et dans les années 1976/1977. L’ouvrage s’articule en deux grandes parties correspondant aux deux périodes de dégagement. En introduction de la première est rappelé l’historique des recherches, mais également un très utile et stimulant rappel historiographique de l’étude des maisons romaines depuis leur reconstruction purement formelle d’après les sources anciennes jusqu’aux travaux novateurs d’un Y. Thébert, en passant par les nombreuses études pompéiennes. Ce texte aurait pu correspondre à une introduction générale.
L’ouvrage débute par une typologie des éléments de construction (appareil des murs, seuils, sols) mis en oeuvre sur le site. Ce parti pris pourrait paraître étrange, notamment en ce qu’il précède l’étude de l’évolution architecturale, s’il ne se justifiait totalement par l’absence de stratigraphie. Ce sont les seuls matériaux qui fournissent les jalons chronologiques. Les maisons A et B font ensuite l’objet d’une étude extrêmement détaillée, par espace afin d’en dégager une histoire complexe. Deux habitations à l’origine distinctes ont été réunies pour former une domus à deux atria. C’est alors le dossier des maisons de ce type qui est repris, tant sur le plan archéologique au travers d’un dossier très fourni, qu’au travers des sources textuelles. C’est ainsi que se dessine la physionomie d’une demeure d’un aristocrate paestan et son évolution qui témoigne, tout au long de sa période de fréquentation, d’un certain conservatisme.
La maison C est ensuite abordée selon le procédé précédemment mis en place : description des différents espaces et des pavements, analyse du plan et de son évolution, comparaisons. Son histoire est elle aussi complexe : maison indépendante ayant connu plusieurs états avant de ne former plus qu’une seule unité avec les maisons A et B. On notera, entre autres, le riche développement sur les terrasses-portiques.
Avec la maison D, c’est un autre type d’architecture qui est évoqué, celui de la maison hellénistique à cour-péristyle et plan centripète que les auteurs proposent de dater d’une période comprise entre la fin du IIIe s. et la première moitié du IIe s., soit postérieurement à la création de la colonie latine. Ces différentes demeures témoignent de la diversité des modèles diffusés par les Romains, phénomène qui n’est pas inconnu tant pour l’Italie que pour la Gaule méridionale, dont Paestum apporte un exemple supplémentaire.
L’aire S. V située immédiatement au nord, par son plan, ne peut pas s’apparenter à une véritable domus et les auteurs proposent de façon convaincante l’hypothèse d’un hospitium dont les parallèles sont à chercher à Pompéi. Elle montre ainsi la pluri-fonctionnalité des ensembles constitutifs des insulae, bien que situés au coeur de l’agglomération. Pluri-fonctionnalité qui transparaît également au travers de l’agencement de la maison E comprenant, en apparence, deux atria. Au terme d’une analyse pointue, les auteurs montrent que l’un d’entre eux s’apparentait plutôt à un petit péristyle. L’importance accordée aux salles de réception par rapport aux pièces de vie caractérise également cette construction. Si la fonction de siège de collège est écartée ; cette prédominance s’expliquerait par le statut du maître de maison soumis à un grand devoir d’hospitalité, patronus de collège ou d’association peut-être.
En quelques pages conclusives, les auteurs replacent l’architecture et son évolution dans l’histoire de la cité soumise à des influences tour à tour grecques et romaines qui, en se mêlant, aboutissent à une diversité architecturale remarquable.
La seconde partie de l’ouvrage correspond à l’étude de la zone la plus septentrionale de l’îlot, à savoir les maisons F, G et la zone J. La documentation ancienne y est un peu plus abondante qu’au sud et les dégagements plus récents ont permis de saisir des stratigraphies. Sont alors détaillés l’état de la documentation, puis la méthodologie retenue qui s’appuie, comme pour la partie méridionale, sur la mise en série des techniques architecturales (murs et sols), mais aussi sur la stratigraphie, permettant d’identifier huit phases édilitaires qui sont datées par le mobilier céramique et/ou par les pavements découverts. Les maisons sont ensuite présentées par espace avant que n’intervienne l’étude par phase. Dans la surface occupée par la maison F, si les vestiges antérieurs à la phase D (IIe s. av. J.-C.) sont ténus, celle-ci devient alors une maison dotée de deux atria et d’un péristyle, une des plus grandes de l’îlot. Les transformations suivantes modifient le plan initial et font progressivement disparaître le plan « canonique » originel. On relève notamment, dans la phase E, la suppression d’une partie de la maison au profit d’une fontaine publique accessible depuis la rue. La maison G est bien plus modeste et son plan évolutif mal connu, d’autant plus qu’elle n’est pas intégralement dégagée. Elle s’organise, à partir de la phase c, autour d’un atrium. Le chapitre suivant est consacré à l’étude typologique des céramiques mises au jour.
Cette partie se termine par un vaste panorama de Paestum depuis l’époque républicaine jusqu’à l’Antiquité tardive qui permet de saisir les aléas de son occupation et sa remarquable continuité.
Dans cet océan de satisfaction, un regret toutefois : il est dommage que cette brillante étude qui fait appel à un riche corpus comparatif ne soit pas accompagnée des plans (notamment pompéiens) décrits par le menu, ce qui aurait grandement facilité la lecture mais, il est vrai, aurait augmenté le nombre de figures déjà conséquent. L’étude le méritait toutefois.
En début de volume, les auteurs s’interrogeaient sur l’apport d’une publication d’un « énième ensemble de maisons » à l’étude de « la » maison romaine. Ils ont fait la démonstration brillante que, bien loin d’être superflue et malgré une documentation inégale, l’étude témoigne de la richesse et de la variété de l’architecture domestique romaine. Cet ouvrage est bien plus qu’une simple monographie de site ; par le corpus brassé, par la diversité fonctionnelle des constructions étudiées, il est une synthèse sur l’architecture domestique romaine.

Alain Bouet