Jeffrey M. Duban (JD) a mené des études en Classics, jusqu’à un PhD de l’Université Johns‑Hopkins. Puis, devenu juriste, à la suite d’un litige avec son administration académique, il est maintenant attorney, « defending professors in promotion and tenure disputes, and professors and students alike in racial discrimination and sexual misconduct cases »[1]. Dans une recension, il n’est pas habituel de présenter ainsi l’auteur : l’ouvrage contient d’intéressantes analyses linguistiques, historiques, littéraires, aux enjeux vraiment scientifiques, mais, sur le plan rhétorique, il appartient aux genres conjoints de l’éloge et surtout du réquisitoire. Les critiques cités en quatrième de couverture ne s’y trompent pas, tels Mark Helprin, romancier, journaliste conservateur, et chercheur en philosophie politique : « Jeffrey Duban is one of the relatively few scholars and artists standing athwart the flood of modernism and yelling stop… ».[2] En fin d’ouvrage (chap. 34, 10, p. 553-556, The Swamp Draining, the Derriere Guard), on trouve l’image de « l’assèchement du marais », typique entre autres de la phraséologie du candidat puis président Donal Trump à propos de ses opposants et de la bureaucratie fédérale. Dans le ton comme pour le contenu, ces pages, opposant vraies études classiques et modernisme (en fait modernité) sont polémiques. On citera, parmi des dizaines d’autres, l’avant-dernier paragraphe, p. 556, qui suit une critique de l’urbanisme contemporain (« the now everywhere in-demand “blob architecture” of Frank Gehry & Co. »)[3] et précède une célébration de Gilbert Highet, éminent chercheur, pédagogue et vulgarisateur, représentant « the mastery, elegance, and humane concern » propre à déjouer les « degenerate exhibitionism and self-regard » caractérisant, pour JD, notre temps :
All such panderings to the masses further lower both bar and standards. Further, because even at entirely classical performances, Lincoln Center and Carnegie Hall patrons are now seen in sneakers, T-shirts, and jeans, the arts establishment having long since abandoned cachet for cash. Truth be told, it is precisely the sense of elitism – a certain snob appeal, if you will – that best generates the patronage and donor dollars on which the arts depend. And there is no elitism without good example, good taste, and the adherence to standards that reflect them.[4]
Dans l’ultime ligne, avant un « – finis – » peut-être provocant, on en revient à Horace, figurant le « vrai » classicisme, et enrôlé dans un combat pour une « remise en ordre » (« reclamation »), finalement très « moderne » dans son conservatisme : « Such are the sources and ressources of reclamation, Horatio operi instante, “Horace guiding the work” ». En écho aux attaques contre la « political correctness » qui scandent tout le livre, sans que cette notion soit définie, d’ailleurs, ce qui permet de la dénoncer partout.
Dans sa préface, JD se dit concentré « on the results and implications of the poet-translator phenomenon » (p. xxvii), en opposition avec « the rare classicist-translator » : distinguant, avec raison, trois niveaux de traduction (p. xxix), « metaphrase », « paraphrase » et « imitation » (« barely translation at all »), il donne en exemple de ce troisième type, dont les auteurs ignorent / -eraient la langue d’origine (qu’ils ne connaissent pas ou qu’ils décident de négliger au profit de leur propre créativité), le recueil de traductions d’Horace rassemblées par J. D. McClatchy, en 2002[5] (p. xxxi sqq.). La question est importante et peut rappeler, en domaine francophone, des entreprises littéraires collectives, comme la Bible Nouvelle Traduction coordonnée par Fr. Boyer (Bayard, 2001), associant en tandems écrivains et biblistes (les deux expertises que sépare JD), ou individuelles comme M. Darrieusecq, Tristes Pontiques (POL, 2008), Fr. Boyer, Saint Augustin. Les Aveux (POL, 2008), ou surtout H. Meschonnic, théoricien de la traduction, poète et traducteur de l’Ancien Testament (de 1970 à 2008, chez Gallimard et Desclée de Brouwer, Psaumes, Genèse, Exode, Lévitique, Nombres). La logique strictement binaire de JD lui fait opposer, parfois plus encore que dans un très classique western (c’est le ton de l’ouvrage qui impose cette comparaison intempestive, certes stéréotypée), deux camps irréconciliables, les bons traducteurs-philologues classiques contre les mauvais traducteurs-poètes modernes, dont les universitaires contemporains se feraient majoritairement les complices décadents. On ne voit pas pourquoi un bon traducteur ne pourrait (devrait) pas cumuler les deux qualités, parfaitement connaître le grec et le latin et, au delà du sens, bien sûr à respecter, y compris dans ses ambiguïtés, se préoccuper des effets pragmatiques du texte poétique sur les lecteurs ou mieux les auditeurs – spectateurs anciens, puis contemporains. Et une traduction, si excellente soit-elle, vieillit et doit être renouvelée pour rencontrer à chaque époque son public et que, pour opérer un véritable transfert sensible, elle doit offrir des équivalences adaptées, à plus forte raison si on la prépare pour le théâtre ou le concert : jeux phonétiques, rythmiques, chorégraphiques, mélodiques ; synesthésies spectaculaires et imaginatives ; vigueur comique, épique, « lyrique ». Sans le désir de rendre cela par la performance, ou au moins par les traces textuelles d’une performance possible, elle est un archivage froid, qui conserve le squelette d’un patrimoine mais n’en fait pas apprécier une chair, certes de façon indirecte et incomplète. On peut rappeler, d’une part, les traductions du théâtre de Sénèque[6] et de Plaute[7] par Fl. Dupont ; d’autre part, celles de Ph. Brunet, rendant en français la prosodie grecque, par exemple l’hexamètre dactylique (de Sappho, 1991, à l’Iliade, 2010, en passant par Pindare, Hésiode, Sophocle).
JD apprécie au plus haut point la pièce musicale Sappho : Nine Fragments for Contralto, composée en 1906 par Sir Granville Bantock[8]. Il la présente dans des conférences / concerts, comme narrator, pour l’ensemble de la pièce, puis chaque fragment[9]. Son argumentation relève surtout de l’évidence implicite, réputée objective : dans son introduction à l’Hymne à Aphrodite (fr. 1 L.-P.), il tient à signifier que la déesse de l’amour est « almost exclusively heterosexual »[10] et, d’une manière paradoxale, étant donné sa conception de la traduction, il promeut le texte dont part le compositeur, élaboré par son épouse, Helen Bantock, qui part elle, en la soumettant à son lyrisme personnel, de la traduction publiée par Sir Henry T. Wharton, en 1885. Dans le fragment 1 L.-P., par exemple, l’adresse initiale à Aphrodite est répétée, pour rendre, semble-t-il, les transports intenses d’une sensibilité amoureuse typiquement féminine. On retrouve H. Bantock p. 558-559 de l’ouvrage, dans un Addendum relatif à des ouvrages parus pendant que JD en achevait l’écriture, en particulier Page duBois, Sappho, London – New York, Tauris, 2015. Cette dernière est fermement condamnée au chap. 27 Sappho Unbound and Boundaryless—Theorized, Personalized, Politicized (p. 387-412)[11], mais un peu réhabilitée dans cette addition finale, d’une part parce que son approche, excessive pour certains critiques dans son premier livre, en 1995, est moins personnalisée et aussi du fait qu’elle met en valeur l’œuvre, musicale, de G. Bantock et, poétique, de son épouse (chap. IV Trying to Translate Sappho). Mais cet accord discret est à mettre en contexte. JD apprécie ce qu’il pense être une palinodie, omettant de creuser le chap. V Queer Sappho : « Gone are the Marxist, radical feminist, and other liberal perspectives ; gone the heady notion of boudarylessness and the conflicted self‑confessions of duBois’s Sappho Is Burning »[12] (p. 557). Puis il insiste sur l’intention de H. Backton : non pas traduire mais développer et détailler (elaborate) la traduction de Wharton (1895). Cette réécriture, convient à JD, puisque la pièce musicale lui plaît, par ses accents post-wagnériens, lyriques au sens moderne et présentés avec un goût tout néo-classique, que manifestent jusqu’à la robe, la coiffure et l’actio de la chanteuse. En expert de la traduction, JD ne s’interroge ni sur le cadre anthropologique dans lequel l’œuvre grecque s’intégrait, le beau étant univoque, harmonieux, universel (comme la féminité, l’amour, la nature, les émotions personnelles ou le rapport au divin), ni sur nos habitudes de réception des textes anciens et la longue histoire de la poésie dite « lyrique », suivant une terminologie étrangère aux contemporains de Sappho, préférant l’adjectif melikos : pour JD, cette éternelle beauté est mieux rendue par un solo opératique que par un chœur de chant, musique et danse. L’auteur de ce compte rendu, lui, ressent une préférence pour l’électro‑acoustique de Jean‑Claude Eloy, Sappho Hiketis (1989)[13], mais ne saurait l’imposer comme modèle unique de ce qui est beau et fidèle à l’authentique Sappho. D’autant plus que, parmi d’autres, l’adaptation d’Angélique Ionatos[14] a aussi ses charmes …
Cette digression visait à éclairer les 34 chapitres du corps de l’ouvrage, dont on ne peut qu’esquisser la structure générale, en huit parties sans titre :
– Part. I (p. 3- 71, chap. 1-7). JD se concentre sur la poésie grecque archaïque, associée à l’Ancien Testament, dans la perspective d’une nouvelle Querelle des Anciens et Modernes, associant Greekless Translators et Theorizing Scholars (chap. 2). Après des traductions anglaises d’Archiloque, Alcman, Anacréon, Ibykos, il aborde Sappho, vue par l’Antiquité et la Modernité, sur le plan de l’érotisme et de l’amour. Cette partie s’achève par des éléments didactiques (chap. 7 Lesbos, Troy, and Environs ; the Principal Greek Genres and Dialects) : l’ouvrage entrelace ainsi argumentation scientifique, controverse et synthèses scolaires.[15]
– Part. II (p. 75-122, chap. 8-12). JD prépare les comparaisons de traductions dans les chapitres suivants en comparant le grec et l’anglais, surtout sur le plan esthétique (rythme, phonétique, prosodie, syntaxe). Le jugement d’une traduction est ici subjectif, sans que JD ne semble voir le caractère historiquement marqué et idéologique de sa conception du beau en poésie, surtout aux chapitres 10 (Translatability : Achieving Charm and Distinction in Translation) et 11, assez violent (Translation as the Profession of Ignorance : Mary Barnard, Willis Barnstone, and Others). Privilégiant les qualités de la langue source, selon un choix qui peut d’ailleurs être opportun, il considère par exemple qu’un bon traducteur doit résister aux tendances monosyllabiques de l’anglais, mais aussi, de manière assez mécanique, quand un poème grec comprend de nombreux –s- la traduction devrait en avoir aussi …
– Part. III (p. 125-171). Cette partie, sans chapitres distincts, présente une comparaison concrète et précise de très diverses traductions anglaises de Sappho, Alcman, Anacréon, Archiloque et Ibykos. JD y affirme de nouveaux jugements assurés.
– Part. IV (p. 175-224, chap. 13-18). JD se concentre sur la « mythologie » épique, dans l’Iliade, l’Odyssée, l’Énéide et chez Sappho, dans le Mariage d’Hector et Andromaque (chap. 16 Imperishable Fame Denied). On trouve ici des analyses intéressantes sur l’héroïsme, dans ses rapports avec la « préservation de l’ordre cosmique » (chap. 14 Cosmic Preservation and the Heroism of Heracles) et la « perpétuation de soi » par le kleos, souvent précaire. On a même un exercice uchronique (chap. 18 Cataclysm Averted : Homer’s Separation of Helen and Achilles) : qu’en serait-il si Achille avait épousé Hélène ?
– Part. V (p. 227-260, chap. 19-20). Cette brève partie présente les caractéristiques de la poésie grecque archaïque, sur le plan métrique, formulaire, accentuel, phonétique, syntaxique.
– Part. VI (p. 263-306, chap. 21). Sur la translatio du grec au latin, JD donne une synthèse parfois avisée, dont les figures sont Livius Andronicus, Naevius, Ennius, puis Plaute et Térence, en lien avec la littérature alexandrine ; puis, dans un second temps (avec un sous-chapitre dont l’intitulé prépare la conclusion du livre, p. 282-306, Prelude to the Golden Age of Rome : Draining the Swamp), Virgile, avec une comparaison entre Empires romain et britannique, et Horace, Catulle, Lucrèce, Vitruve, Tite-Live.
– Part. VII (p. 307-426, chap. 22-28). Cette partie, la plus longue, sur 120 pages, est l’une des plus composites, en termes de contenu et de registre. On s’y concentre sur les poèmes érotiques de Sappho et de Catulle. JD expose le cœur de son argumentation, « the union of form and content, the functions of art in light of that word’s own etymology, and the excesses of theorist scholarship as applied to Sappho »[16] (xxxv). Outre le chap. 27 évoqué plus haut, le chap. 25 (Modernism Wins Out : Form and Content Abandoned) présente le modernisme comme « the antithesis of everything prized and achieved in the classical mode », soit l’accord de la forme et du sens et la proportion ordonnée. Sur Sappho et les vives tensions esthétiques et éthiques à l’œuvre dans sa poésie, le Traité du Sublime, est plus ouvert.
– Part. VIII (p. 429-556, chap. 29-34). Cette dernière partie célèbre la traduction de l’Iliade par W. B. Smith et W. Miller (1947), juxtalinéaire et hexamétrique, qui « ressuscite » Alexander Pope (1715-1720), et critique des figures anglophones comme R. Fitzgerald, R. Fagles, Chr. Logue et surtout Ezra Pound, l’un de ses favoris « mauvais objets ». JD frôle ici la loi de Godwin : les affinités de Pound avec le fascisme méritent d’être rappelées mais on ne voit pas en quoi cela disqualifie toute modernité poétique.
Ce développement conséquent est complété par presque 170 pages de notes (p. 562-728), dont l’usage est compliqué par l’absence d’appels de notes ; une bibliographie d’une trentaine de pages (p. 729-760), riche et classique, dans laquelle on peut regretter l’absence de références à jour, non polémiques, sur des notions cruciales pour le propos, comme les questions de genre et sexualité dans l’Antiquité, la réception contemporaine des littératures anciennes, la théorie critique ou l’histoire de la « political correctnes » ; et un index d’une trentaine de pages, mêlant notions, noms d’auteurs et ouvrages anciens et modernes, utile pour se repérer dans ce volume touffu (p. 761-795). L’auteur semble à peu près ignorer les traductions modernes et contemporaines du grec dans d’autres langues que l’anglais, par exemple allemand, italien, espagnol ou français. S’agissant de cette dernière langue, sa logique d’opposition binaire, selon laquelle les traducteurs modernes / modernistes ignorent le grec, avec le beau harmonieux, et le monde académique a perdu ses vrais repères, l’amènerait à refuser la traduction de l’Odyssée par Philippe Jaccottet, parfois éloignée de la lettre grecque mais poétique selon d’autres critères, tout en ignorant par exemple les recherches menées par des traducteurs néanmoins universitaires, évoqués plus haut : dans la majorité des universités, aux États-Unis et ailleurs, nombreux sont les philologues et poètes qui, connaissant bien le grec et le latin, souhaitent transmettre aux contemporains, dans une langue de leur temps, les beautés, souvent étranges ou inactuelles, des textes qu’ils étudient. Et ce, pace JD, selon qui « classicists have abrogated their responsibility »[17] (p. XXX). Mais nous sommes là dans une logique de l’écart dont JD ne soupçonne pas l’intérêt critique, méthodologique et culturel : chaque époque, chaque contexte épistémique, construit une vision de la Grèce, ou plusieurs à la fois, en tension, et les spécialistes de l’Antiquité classique devraient viser, comme les anthropologues ou sociologues, la plus nette conscience de leur propre position par rapport à leur objet d’étude, qu’ils construisent autant qu’il les construit. Les philologues « théoriciens » vilipendés par JD ne sont pas plus objectifs a priori, ils connaissent simplement en général un peu mieux les raisons personnelles de leur engagement : JD considère, lui, que sa position est naturellement objective.
Ce compte rendu est très critique, parfois vif, en partie à cause de son format limité. Des aspects de l’analyse développée par JD peuvent aussi échapper au lecteur seulement amateur en poésie anglophone, alors que plusieurs chapitres offrent un riche matériau d’exemples. Et les contre-références scientifiques citées jusqu’ici sont très majoritairement francophones, au risque d’une perspective biaisée. Par ailleurs, alors que JD attaque les positions qu’il a jugées à la fois les plus fragiles, susceptibles de rallier les « modéré-e-s » à sa cause, on sait qu’en effet certaines positions idéologiques, de tout bord, peuvent se figer en un nouvel académisme, quel que soit le domaine d’étude et l’orientation politique, y compris pour les questions de genre et sexualité, qui en même temps irritent et passionnent tant JD. Mais à ce sujet bien des travaux accessibles en langue anglaise lui feraient nuancer son propos et expliciter les concepts utilisés, de même qu’en théorie littéraire et pragmatique les notions de genre et style poétique et musical, auteur, fiction, performance, traduction, toutes liées à des modalités et contextes précis de production, énonciation, diffusion, archivage, réception. Si JD consacre son énergie à attaquer ce qu’il considère comme des adversaires idéologiques et non d’autres chercheurs, c’est aussi parce qu’il n’a pas tous les moyens de critiquer avec nuance leurs analyses proprement prosodiques, littéraires, linguistiques, sauf d’un seul bloc. S’agissant encore des études de genre et sexualité appliquées à la poésie grecque, on peut citer les travaux de Cl. Calame, D. Halperin, Th. Hubbard, L. Kurke, G. Sissa, E. Stehle, F. Zeitlin, et d’autres, dans une polyphonie complexe, typique d’un champ scientifique parcouru de débats et tensions. Plus largement encore, on pourrait inviter l’auteur à consulter la bibliographie du site du Network for the Study of Archaic and Classical Greek Song (http://www.ru.nl/greeksong/) ou les trois dernières publications collectives du réseau, sur le visuel, la notion d’auteur et surtout le dernier fragment de Sappho découvert.[18] À l’inverse, l’étude de formes contemporaines peut aider à caractériser ce qu’il y a de trans-historique et de typiquement grec archaïque dans la poésie de Sappho : on peut donner comme exemples deux analyses suggestives, qui déplairaient à JD, l’une de Gregory Nagy[19], qui achève une étude sur la « newest Sappho », par une comparaison avec It’s my party, chanson pop de Lesley Gordon (1965), l’autre de Claude Calame, comparant Sappho et du rap féminin, avec une « impertinence » assumée, sensible aux différences comme aux analogies.[20]
Finalement, The Lesbian Lyre de Jeffrey M. Duban propose une lecture des plus stimulantes : ce sera, pour le début du XXIe siècle, un riche document à ajouter à la longue liste des usages et mésusages qu’a connus Sappho, depuis l’Antiquité, dont il présente d’ailleurs certains. Les positions pour le moins affirmées de l’auteur amènent toujours le lecteur, philologue, poète, interprète ou traducteur, ou simple amateur de poésie ancienne, à s’interroger, avec une rigueur renforcée et de manière réflexive, sur les enjeux épistémologiques, anthropologiques, voire politiques de son activité même.
Michel Briand, Université de Poitiers
[1]. Comme l’indique le site sur son livre, http://www.thelesbianlyre.com/#about-page.
[2]. « JD fait partie des chercheurs relativement peu nombreux qui affrontent le déluge du modernisme et crient stop ! ».
[3]. Ailleurs, c’est Stravinsky, la peinture cubiste, Walt Whitman, etc, qui sont diabolisés.
[4]. « Toutes ces formes de soumission aux masses rabaissent encore plus à la fois le niveau et les normes. Encore plus, puisque même pour des représentations parfaitement classiques on peut maintenant voir les mécènes du Lincoln Center et du Carnegie Hall en baskets, t-shirts et jeans, les institutions artistiques ayant depuis longtemps abandonné le chic pour le fric. À dire vrai, c’est là le sens précis du mot élitisme – un certain charme snob, si l’on veut – qui amène le mieux mécènes et donateurs à dépenser les dollars dont dépendent les arts. Et il n’y a pas d’élitisme sans bon exemple, bon goût, et adhésion aux normes qui les reflètent ».
[5]. Horace, The Odes: New Translations by Contemporary Poets, Princeton 2002.
[6]. Le Spectateur français, 1991 et 1992.
[7]. La Marmite et Pseudolus, Arles 2002. Voir aussi Fl. Dupont, Th. Éloi, Les Jeux de Priape. Anthologie d’épigrammes érotiques, Paris 2004.
[8]. La version présentée par JD est pour contralto et piano, celle finalement publiée par Bantock est pour orchestre et mezzo. Voir l’enregistrement sous la direction de Vernon Handley, Hyperion B000002ZYH (mezzo : Susan Bickley).
[9]. https://www.youtube.com/watch?v=prBqcannbo4, vu le 1er juin 2017, mis en ligne le 2 décembre 2015, Brown University Department of Classics.
[10]. Sans évoquer le vaste champ de l’homosexualité masculine, on rappellera S. Boehringer, L’homosexualité féminine dans l’Antiquité grecque et romaine (préface de David Halperin), Paris 2007.
[11]. « Sappho sans liens ni limites – théorisée, personnalisée, politisée ».
[12]. « Disparues les perspectives marxiste, féministe radicale, et autres gauchismes ; disparus le concept capiteux d’absence de limites et les aveux contradictoires de duBois dans Sappho Is Burning ».
[13]. Voir le disque de J.-Cl. Eloy, Chants pour l’autre moitié du Ciel, I Butsumoyê II Sapphi Hiketis, avec Yumi Nara et Fatima Miranda, aux voix et percussions (Label Hors Territoires, HT 16, 2012).
[14]. Voir le disque Sappho de Mytilène à Elytis, avec Nena Venetsanou, 1991, Chorus B000025UPL.
[15]. Voir les six pages du Guide to Pronunciation, avec une centaine de noms propres anciens munis de leur transcription phonétique anglaise.
[16]. « L’union de la forme et du contenu, les fonctions de l’art, éclairées par l’étymologie du mot, et les excès de la recherche théoricienne appliquée à Sappho ».
[17]. « Les spécialistes des études classiques ont renoncé à leurs responsabilités ».
[18]. Voir : The Look of Lyric. Greek Song and the Visual, V. Cazzato, A. Lardinois eds., intr. A.E. Peponi, (Mnemosyne Suppl. 391) Leyde 2016 ; The Newest Sappho : P. Apph. Obbink and P. GC inv. 105 Frs. 1-4, A. Bierl, A. Lardinois eds., (Mnemosyne Suppl. 392), Leyde 2016 et Authorship and Greek Song : Authority, Authenticity, and Performance, E. Bakker ed., (Mnemosyne Suppl. 402), Leyde 2017, voire à venir, The Reception and Transmission of Greek Lyric Poetry, 600 BC – 400 AD, B. Currie, I. Rutherford éds. On peut s’étonner aussi qu’il attaque plus Page duBois que les collections d’articles éditées par Ellen Greene, certes présentant des positions plus variées : cf. Reading Sappho : Contemporary Approaches, et Re-reading Sappho : Reception and Transmission, tous deux en 1996 à Berkeley, ainsi que, avec M. B. Skinner, The New Sappho on Old Age : Textual and Philosophical Issues, Washington, D.C. 2007.
[19]. « Genre, Occasion, and Choral Mimesis Revisited—with special reference to the “newest Sappho” », https://classical-inquiries.chs.harvard.edu/genre-occasion-and-choral-mimesis-revisited-with-special-reference-to-the-newest-sappho/.
[20]. « Chanter les vulnérabilités : des poèmes de Sappho au rap bernois, du modèle choral au paradigme néolibéral », Cahiers du Genre 58, 2015, « Corps vulnérables » p. 68-92.