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Cet ouvrage signé Phillip Harding est le premier tome d’une série de trois volumes des livres XIV à XX de Diodore de Sicile en traduction anglaise, couvrant donc tout le quatrième siècle avant notre ère. Le texte grec retenu pour cette traduction est celui édité par la collection Budé. Le second tome couvrira les livres XVI et XVII, correspondant aux règnes de Philippe II et d’Alexandre le Grand, les livres XVIII-XX occuperont le troisième tome de la série.

Le grand intérêt de cette entreprise sera d’étudier l’ensemble du quatrième siècle au travers du prisme de Diodore. Car il ne s’agit pas d’une simple traduction agrémentée de quelques notes explicatives : plus de deux mille notes infrapaginales copieuses pour les deux livres, à l’intérieur desquelles on trouve soit de brèves biographies d’hommes politiques (Hermocratès de Syracuse) ou d’auteurs (Callisthène d’Olynthe) évoqués par l’historien, soit des références croisées à d’autres auteurs permettant de resituer les propos de Diodore. Dans ce cadre, les Helléniques de Xénophon sont souvent sollicitées comme de juste, mais aussi Plutarque et bien d’autres encore, notamment des fragments d’historiens au travers de l’édition numérique récente de la Brill’s New Jacoby tout en conservant en référence indiquée les FGrHist. Les références aux inscriptions, athéniennes essentiellement, sont également nombreuses. À titre d’exemple parmi tant d’autres, la mention de l’archonte Euboulidès à Athènes (394/3, n. 542, p. 103) est pour PH l’occasion de rappeler la présence de ce dernier à l’ambassade de paix connue par Andocide et Philochore, mais dont ni Xénophon ni Diodore ne parlent. Pour la constitution de la Seconde Confédération athénienne, le texte de Diodore (XV, 28, p. 172) est mis en parallèle avec l’inscription IG II2 43. Nombre de notes sont accompagnées de références bibliographiques. La lecture est facilitée par un résumé chronologique au début de chaque livre de Diodore ainsi que par une explication rapide de chaque paragraphe en marge du texte. Il ne s’agit donc pas d’un commentaire historique quasi linéaire comme celui du texte (grec) de Thucydide par S. Hornblower ou du livre XV de ce même Diodore par P.J. Stylianou, mais avant tout d’un commentaire enrichi par une réflexion historique de haut niveau.

Car Phillip Harding était évidemment tout indiqué pour ce travail d’historien qui souligne quand il est nécessaire les confusions faites par Diodore : ainsi, pour demeurer dans la séquence chronologique des années 370’, note 920 p. 176, où il met en exergue la narration erratique de la croisière de Chabrias en Égée septentrionale ou note 926 p. 178 quand il souligne la difficulté de croiser les renseignements livrés par Diodore et par Xénophon lors de l’invasion du Péloponnèse par les Thébains. Peut-être pire encore, PH ne se fait pas faute de signaler que Diodore fait mourir le stratège Chabrias en 375 (XV, 34, 5 note 956 p. 183) et une seconde fois en 357 durant la bataille navale non loin de Chios en 357 lors de la « guerre des Alliés » (dans le livre XVI).

Ce livre possède plusieurs niveaux de lecture et s’adresse par conséquent à de nombreux lecteurs potentiels. Une introduction permet de situer Diodore de Sicile dans l’historiographie des Histoires universelles qui naissent au IVe siècle ainsi que les sources dont il a usé pour son travail. Le débutant y découvrira une chronologie détaillée (p. 255-265), plusieurs cartes de toutes les zones géographiques évoquées par Diodore, depuis l’Occident de Denys de Syracuse jusqu’à l’Orient de l’Anabase des Dix-Mille, ainsi qu’un glossaire (p. 266-270). Le chercheur y trouvera une bibliographie up to date, un index et, tout au long de l’ouvrage, des explications historiques de première valeur.

C’est peu de dire que l’on attend avec impatience la livraison des deux autres tomes attendus de ce qui constituera de fait une histoire du IVe siècle avant notre ère.

 

Patrice Brun, Université Bordeaux Montaigne, UMR 5607 – Institut Ausoniustraduction

Publié en ligne le 23 septembre 2022.