L’idée d’un Dictionnaire historique de l’archéologie en Espagne est née à la faveur du deuxième Congrès d’Histoire et d’Archéologie en Espagne de 1995 (historique du projet, p. 46‑50). Le cadre général est mis en place en 1998 : figureront des notices relatives à l’archéologie en Espagne (Espagne péninsulaire, ainsi que Baléares et Canaries), depuis le XVe siècle jusqu’à la période franquiste incluse. On y trouvera des indications relatives au cadre institutionnel et administratif, mais surtout une information biographique sur les archéologues, entendus comme tous ceux qui se sont distingués dans la fouille, le classement ou l’étude des vestiges matériels du passé. Aux différentes époques prises en compte est attribué un pourcentage de l’ensemble : 5 % pour les XVe‑XVIIe siècles, 12 % pour le XVIIIe siècle, 12 % pour la période 1800-1868, 25 % pour la période 1868-1907, 26 % pour les années 1907-1936 et 20 % pour l’ultime tranche, jusqu’en 1975. Présenté au troisième Congrès d’Archéologie Péninsulaire de Vila Real (Portugal) en 1999, le Dictionnaire prend forme à partir de 2002, à la suite du congrès de Malaga sur « Antiquité et franquisme » (F. Wulff Alonso et M. Álvarez Martí-Aguilar). Un large appel à collaboration est alors lancé.
À l’arrivée ce sont un peu plus de 700 notices qui sont proposées, rédigées par 119 contributeurs (liste alphabétique, p. 723‑732). À côté de celles qui sont consacrées aux archéologues et cadres institutionnels espagnols, des notices se penchent aussi sur des acteurs étrangers, principalement allemands (T. Hauschild, E. Hübner, E. Kukahn, G. Leisner, V. Leisner, H. Obermaier, W. Reinhart, G. Rodenwaldt, E. Sangmeister, H. Schlunk, H. Schmidt, H. Schubart, H.E.M. Schuchardt, W. Schüle, A. Schulten, G. Schulz Schweizer, I. Schwidetzky-Rösing, J. Untermann, H. Zeiss) et français (E. Albertini, H. d’Arbois de Jubainville, S. Berthelot, M. Boule, H. Breuil, E. Capelle, É. Cartailhac, J. Déchelette, E. Harlé, A. Heiss, L. Heuzey, A.L.J. de Laborde, R. Lantier, L. Lartet, E. Lévi-Provençal, A. X. Panel, P. Paris, E.G.H.C. Stoffel, H. Terrasse, R. Thouvenot, R. Verneau, P. Wernert), dont le parcours et l’oeuvre prennent également place dans l’histoire de l’archéologie espagnole. Seuls deux noms renvoient à la fois à des auteurs de notices et à des contributions : Norman Doenges (1926-) et Eduard Ripoll i Perelló (1923-2006).
Cet ample et riche travail de collecte, de rédaction et d’harmonisation des notices se fonde sur une réflexion historiographique nourrie dont une présentation est livrée en ouverture du livre (p. 13-50, avec une utile bibliographie, p. 50-57, à compléter par celle qui est fournie p. 715-718). Les coordonnateurs de l’entreprise, trois chercheurs et enseignants à l’Université confirmés – préhistorien, antiquisant et médiéviste – y présentent la perspective dans laquelle ce travail s’inscrit : le passé étant étudié par l’intermédiaire du présent dans lequel on vit, le développement de l’archéologie est, pour chacune des sept périodes prises en compte (pour la première, une distinction y est opérée entre « Les antiquaires dans le monde classique et médiéval et à la Renaissance » d’une part et « l’archéologie humaniste » d’autre part), replacé dans son contexte politique, social et culturel. L’enquête commence donc avec le temps des antiquaires, en qui l’on reconnaît traditionnellement les prédécesseurs des archéologues qui éclipsent les premiers au cours du XIXe siècle. Pour cette approche, les éditeurs se sont fondés sur l’essai d’Arnaldo Momigliano (« L’histoire ancienne et l’antiquaire », 1950), dans lequel le savant italien établit au départ de l’Athènes du Ve siècle, une comparaison entre l’historien et l’antiquaire. Toutefois, des travaux récents, qui remettent l’article dans le contexte intellectuel contemporain et le situent par rapport à une réflexion de plus vaste ampleur que Momigliano mène alors sur l’évolution de la pensée historiographique moderne, amènent à retoucher parfois en profondeur la vision schématique que celui‑ci propose de l’antiquarisme (ainsi P.N. Miller [éd.], Momigliano and Antiquarianism : Foundations of the Modern Cultural Sciences, Toronto, 2007). À cet égard, la mise en oeuvre d’une démarche, qui cherche à saisir dans leur temps et dans leur concret les pratiques de chaque antiquaire, ouvre à une réalité bien plus diversifiée. Ce Dictionnaire est un outil de premier ordre pour de telles enquêtes en ce qu’il permet d’approcher les individualités ainsi que les institutions qui fixent pour part les cadres dans lesquels la connaissance du passé se fabrique. On y apprécie aussi que les « poids lourds » de l’archéologie ibérique ainsi que les grandes institutions et revues côtoient les moins connus, tel cet Antonio Agustín Albanell (1517‑1586), auteur d’un des plus anciens ouvrages d’antiquités publié en Europe.
D’utiles index (des noms de personne, des institutions et congrès, des publications périodiques) facilitent la consultation de ce Dictionnaire. On regrettera l’absence d’illustrations qui auraient agréablement accompagné ce livre, dont on apprécie la belle qualité d’impression qui témoigne de l’intérêt porté au projet par la maison d’édition
Marcial Pons.
Véronique Krings