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En 1979 paraissait La cuisine du sacrifice qui marquait un véritable tournant dans les études historiques grecques en affirmant la place prépondérante de cette pratique religieuse dans la vie civique[1]. Dès lors, la question du sacrifice animal a fait couler beaucoup d’encre et on serait bien en peine de tenter de réunir toutes les publications nationales et internationales (ouvrages, articles) sur ce sujet tellement elles sont nombreuses. Cette littérature scientifique s’enrichit depuis une quinzaine d’années de l’archéozoologie qui nuance, ouvre et renouvèle les approches historiques. En somme, le sujet semble si inépuisable et les productions scientifiques publiées à un rythme tellement soutenu qu’elles laissent un sentiment de « déjà vu » qui fait douter de leur pertinence. Pour se prémunir de ce danger, Sarah Hitch et Ian Rutherford, les éditeurs de l’ouvrage présenté ici, en annoncent clairement l’objectif : « to forster the process of close analysis of the evidence and representation of animal sacrifice » (p. 4). Il s’agit surtout d’offrir une synthèse sur des questions qui ont fait ou font encore débat par une exploitation minutieuse des différentes sources à disposition.

Cet ouvrage s’ouvre sur une introduction qui est davantage un bref résumé des contributions qu’une mise en perspective historiographique. Ce choix est regrettable car il pourrait suggérer, aux premiers abords du moins, que nous avons affaire à une énième publication sur la question. Il n’en est rien : les 12 contributeurs offrent des articles de qualité et d’une grande clarté, y exposent leur méthode historique dans l’exploitation des sources et se positionnent dans l’historiographie. Ces 12 contributions, toutes en anglais, sont réparties en 4 grandes parties (« Victims », « Procedure », « Representation », « Margins »). Bien que ces titres aient pour effet d’être rapidement compréhensibles, nous restons un peu perplexe devant les choix de dénomination pour le premier et le dernier. En effet, l’emploi de « victims » nous semble peu approprié, du moins décalé au regard des récentes discussions sur cette notion[2]. Sans doute aurait-il été plus prudent d’adopter un terme moins controversé (peut-être tout simplement « animal »). De même, « margins » est un terme non seulement bien trop flou ici pour être pleinement adapté, mais suppose une norme dont le référentiel serait la Grèce. Il balaie ainsi les débats historiographiques récents en même temps qu’il contredit la volonté des éditeurs de souligner les « intercultural connections » (p. 8).  Là aussi un autre terme aurait été plus heureux.

Ces critiques ne doivent cependant pas réfréner le lecteur qui passerait à côté de contributions passionnantes par la variété des thèmes abordés et des sources utilisées (épigraphiques, littéraires, iconographiques et archéologiques).

Comme tous les ouvrages publiés par Cambridge University Press, l’édition de ce volume est soignée. On y trouve une table des illustrations, des notes de bas de pages claires qui renvoient à une bibliographie finale, un index des sources textuelles et un index général. L’ouvrage sera donc utile et précieux à tous ceux qui souhaitent se faire une idée de l’état actuelle de la recherche internationale sur le sacrifice animal.

Alexandra Kovacs, Académie des Sciences de Vienne.

Publié en ligne le 17 décembre 2021.

 

[1] M. Detienne, J.-P. Vernant, La cuisine du sacrifice en pays grec, Paris 1979.

[2] P. Brulé, R. Touzé, « Le hiereion : phusis et psuchè d’un medium » dans Le sacrifice antique. Vestiges, procédures stratégies, V. Mehl, P. Brulé dir., Rennes 2008, p. 111-138.