Voici un vrai trésor pour tous ceux qui sont à « la recherche des Romains ». En effet, les néophytes qui s’intéressent à ce sujet, par goût ou par nécessité, y trouveront une mine de renseignements très sûrs scientifiquement, présentés d’une façon claire et accessible à quelque lecteur que ce soit. In Search of the Romans de James Renshaw (dorénavant JR) traite non seulement de l’histoire de ce peuple, mais également de sa civilisation, de la vie quotidienne, des realia, de la religion, de la société, de l’histoire des idées, de la littérature, etc.
Qu’on en juge : les deux premiers chapitres sont consacrés à l’histoire événementielle qu’ils racontent avec beaucoup de détails, l’un (p. 3-71) couvrant la période qui va des premières installations, à l’Âge de bronze, sur le site de Rome jusqu’à 31 av. J.-C., date considérée comme la fin de la République, l’autre (p. 73-134), intitulé « The Emperors », étudiant personnages et événements jusqu’au Ve s. de notre ère, où l’on situe l’effondrement de l’Empire romain d’Occident (abdication de Romulus Augustule en 476). À chaque occasion sont indiquées les sources littéraires, les témoignages sont pesés et confrontés aux données révélées par l’archéologie. Des tableaux chronologiques, des cartes permettent de visualiser les faits. L’auteur cherche sans cesse à expliquer et à faire comprendre la conduite des uns et des autres ainsi que l’enchaînement des péripéties. Il essaie, avec impartialité, d’indiquer les aspects positifs des personnages auxquels la tradition a conféré une mauvaise réputation. Par ailleurs, on trouve des descriptions minutieuses des différentes structures politiques rencontrées au cours des années et de leur fonctionnement.
Le troisième chapitre examine la façon dont les Romains administraient leur Empire. Cela commence avec le gouvernement des provinces sous la République, puis sous les Empereurs. Comme l’armée était utilisée pour ce faire, suit une étude sur l’armée romaine, à l’époque républicaine, puis à l’époque impériale : recrutement, organisation, équipement, cérémonies, etc. Il est question ensuite du maintien de l’ordre dans les provinces orientales d’abord, puis dans les provinces occidentales. Le chapitre se termine sur une étude des infrastructures et des transports.
Le sujet du chapitre 4 est la religion. Il débute par les caractéristiques de la religion romaine et ses différences avec ce que nous connaissons de nos jours. Sont scrutées ses origines, les influences étrusques et grecques. Puis sont étudiés successivement les principales divinités, le culte impérial, les fêtes (mais alors que les tableaux abondent dans ce livre, ici aucun calendrier n’est présenté), les temples, les prêtres les plus importants, les cérémonies, les courants philosophiques, essentiellement le stoïcisme et l’épicurisme et un tout petit peu le pythagorisme sous l’angle du régime végétarien, placés avec les cultes à mystères dans la section intitulée « Alternative Beliefs » (Croyances alternatives), et enfin le christianisme.
Le nom du cinquième chapitre est « Roman Society », vaste thème ! Il y est question des habitations, des cultes familiaux, de la nourriture, de l’hospitalité, de la vie quotidienne depuis la naissance jusqu’au décès, du travail, des relations sociales (en particulier entre patronus et clientes), de la mort, des funérailles et des cérémonies en l’honneur des défunts. L’auteur indique que, sauf exceptions, la période prise en compte est surtout la fourchette entre le Ier s. avant notre ère et le IIe s. de notre ère, car c’est celle pour laquelle il y a le plus de témoignages. Il reconnaît aussi que la plupart des informations qui nous sont parvenues concernent « the elite male citizen » (le citoyen masculin appartenant à l’élite) ; aussi essaie‑t‑il d’équilibrer le panorama en consacrant des sections respectivement à la vie des femmes, des esclaves et des affranchis.
Ce sont les distractions et les loisirs qui font l’objet du chapitre 6 : après une introduction montrant combien tout cela ressortissait à la politique, il est question des courses de chars, des combats de gladiateurs, des spectacles théâtraux et des bains, dans des exposés très documentés ne laissant de côté pratiquement rien de ce qui touche au sujet.
Les deux derniers chapitres sont consacrés respectivement à Pompéi et à Herculanum : après avoir rappelé les circonstances de leur destruction et l’histoire de leur « redécouverte », JR dépeint avec minutie l’existence qu’on menait dans ces deux villes principalement d’après ce qu’ont révélé les fouilles.
Assez souvent dans les développements sont insérés des encadrés qui constituent une sorte de gros plan sur un personnage ayant joué un rôle dans ce qui est raconté, sur une œuvre littéraire ou sur quelque chose de particulièrement marquant : par exemple, au chap. 1, dans la section concernant le « second triumvirat », on trouve un encadré sur Cicéron, assassiné à ce moment-là. Les citations d’auteurs anciens, toujours sous la forme de traductions en anglais, abondent.
Comme, malgré tout, certains domaines n’ont pas pu être abordés, l’auteur a ajouté quatre annexes : sur la monnaie, la façon de s’habiller, de se nommer, de mesurer le temps.
JR fait preuve d’une grande impartialité : s’il souligne les qualités et les réussites des Romains, il ne cache pas leurs zones d’ombre et ne passe pas sous silence la cruauté de certains comportements. Toutefois, il sait mettre les choses en perspective, ainsi à propos de l’esclavage p. 272. Il manifeste également une prudence scientifique de bon aloi, prend beaucoup de précautions dans ses énoncés, n’omet jamais de signaler quand c’est le cas la pénurie de sources ou leur manque de fiabilité parfois ; il met en garde contre les généralisations ; si plusieurs théories ont cours, il les indique toutes honnêtement.
La première édition de ce livre en 2012 a connu un grand succès. D’où cette seconde édition que l’expérience de la première a permis d’améliorer et d’augmenter. Cet ouvrage a été conçu à l’origine à des fins scolaires et il est construit pour répondre aux exigences des programmes et des examens de Grande Bretagne. Les qualités pédagogiques de JR, lui-même enseignant dans le domaine classique, font qu’il peut être utilisé dans n’importe quel pays. Divers encadrés ponctuent le texte en plus de ceux que nous avons déjà mentionnés ; ils se distinguent par leur présentation ou leur couleur et suggèrent des exercices ou des lectures pour approfondir. Certains, sur fond bleu, intitulés « Review and Reflect », contiennent des questions permettant une mémorisation des acquis de la section qu’ils clôturent et engagent à réfléchir sur le même sujet à notre époque. Car dans son texte, JR multiplie les références à notre temps, soit pour expliquer certains usages contemporains, soit pour instaurer des comparaisons. D’autres paragraphes, dont seul l’encadrement et le titre sont en bleu, indiquent des passages d’auteurs anciens en rapport avec le thème traité à lire et à comparer. D’autres encore, entourés de noir mais dont le nom « Further Reading » est en bleu, offrent une bibliographie (toujours en anglais) sur le motif considéré. In Search of the Romans est abondamment pourvu d’excellentes photographies, de dessins, de cartes, le tout en couleurs, de schémas, de plans, de figures, de tableaux, avec des commentaires explicatifs. Après les sources des citations et des illustrations, il se termine par un glossaire des termes qu’on pourrait qualifier de « techniques », présentés dans certains lemmes sous leur forme latine comme « auctoritas », et dans d’autres sous leur forme anglaise comme « Republic », et par un index général. L’introduction signale que cette édition est, en outre, accompagnée d’un site « web » qui offre des photographies et des cartes supplémentaires et beaucoup d’autres ressources comme des « quizz », des activités pour aider à étudier chaque sujet, etc.
On relève quelques légères inexactitudes : ainsi, p. 426, après avoir évoqué les mois Quintilis et Sextilis renommés Iulius (juillet) en l’honneur de Jules César et Augustus (août) en l’honneur d’Auguste, JR affirme qu’il n’y eut pas de tentative pour changer le nom des quatre derniers mois de l’année[1], ce qui n’est pas tout à fait vrai ; il y a bien eu des tentatives, à preuve, entre autres, le passage de la Vie de Caligula, 15, 3 de Suétone où on lira que cet empereur appela le mois de septembre Germanicus en souvenir de son père. Mais elles ont fait long feu et ces mois ont finalement gardé une appellation issue de leur numéro d’ordre à l’époque où l’année commençait en mars. On le voit, ce ne sont que des détails infimes qui n’altèrent pas la valeur de l’ensemble.
On peut regretter que certains sujets soient traités un peu rapidement comme c’est le cas, par exemple, pour la religion ou pour la philosophie. Toutefois ce livre est plus qu’une « mise en bouche ». Il constitue une base de connaissances solide et sera, de ce fait, très utile aux élèves, aux étudiants comme aux enseignants, qui pourront « picorer » ici et là ce qui les intéresse, sans parler des simples curieux qui adoreront ces pages pleines du charme de la vie.
Lucienne Deschamps, Université Bordeaux Montaigne, , UMR 5607 – Institut Ausonius
Publié dans le fascicule 2 tome 123, 2021, p. 723-725
[1]. “No attempt was made to rename the final four months of the year”.