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Notion centrale de la culture politique romaine, l’auctoritas nécessitait une étude renouvelée et approfondie, offerte aujourd’hui par la publication des actes d’un colloque tenu en septembre 2018 à Nanterre. Ses éditeurs, Jean-Michel David et Frédéric Hurlet, proposent, en introduction, une réflexion historiographique et terminologique sur cette notion omniprésente dans des champs multiples de la culture romaine. L’auctoritas, construite sur le prestige et l’expertise, vient en effet régir et hiérarchiser des rapports non seulement politiques, mais aussi religieux, familiaux et littéraires, et s’impose ainsi « au cœur des interactions sociales essentielles à l’exercice du pouvoir et à sa représentation » (p. 9). Si les auteurs s’excusent, dans les premières lignes, du caractère peut-être « démesuré » de leur entreprise, force est de constater que les dix-huit contributions réunies éclairent brillamment cette notion fondamentale de l’étude du politique.

La première partie de l’ouvrage, « Terminologie, Définitions et contexte », propose un bornage sémantique de la notion d’auctoritas.

étienne Famerie montre tout d’abord que son expression, en grec, n’est pas restituée de manière univoque, mais par l’emploi de termes comme άξίωμα (qui peut tour à tour renvoyer au rang, à la dignitas ou à l’auctoritas). Plutôt qu’une approximation, il s’agit là d’un souci de traduire les différents aspects de cette notion large. Pour comprendre les origines du terme latin, il faut cependant remonter à la loi des XII tables. Thibaud Lanfranchi éclaire ainsi les nombreuses hésitations sur le sens originel de l’auctoritas, entre garantie ou assistance juridique, avant de la lier à son contexte d’apparition : dans une République en cours de formation, marquée par l’opposition patricio‑plébéienne, elle constitue un lien interpersonnel indispensable à la validation d’un acte juridique. Ainsi inscrite dans les origines du régime républicain, l’auctoritas entretient logiquement des rapports avec le mos maiorum. Clément Bur démontre que se conformer au mos constitue un véritable ethos et une source d’auctoritas, car cela revient à donner à la communauté l’assurance que l’on agit pour elle, dans une forme de contrat social. La réunion d’un consilium, l’attitude lors des campagnes électorales, la prééminence de l’avis des plus âgés dans les débats au Sénat constituent autant de manifestations d’un habitus de l’auctoritas qui, tout en constituant l’un des éléments fondamentaux du système agonistique dans lequel les élites romaines sont engagées, contribue aussi à créer une unanimité de façade parmi les élites dirigeantes de Rome. Ce discours fabriqué d’une continuité avec les ancêtres profite au Sénat, dont il confirme le rôle dominant, avant d’être remis en cause à la fin de la République. Cette importance de l’héritage des Anciens comme fondement de l’auctoritas s’exprime aussi dans le champ du savoir écrit. Philippe Le Doze montre que la composition du savoir nécessite de partir des prédécesseurs, si possible de les dépasser par l’accumulation, l’enrichissement et l’inscription du savoir dans une nouvelle temporalité. L’autorité du savoir est donc rarement personnelle, elle se construit et se fonde sur un ensemble de « pré-jugés », notamment la référence à des figures d’autorité, des uates (c’est-à-dire des révélations faites par les divinités à un élu), mais aussi par le rapport entre auctor et artifex, une personnalité vivante convoquée comme arbitre, avec laquelle l’auteur établit une relation de patronage littéraire.

De ces premières contributions, il ressort que l’auctoritas s’inscrit dans un rapport interpersonnel depuis ses origines alto‑républicaines. L’auctor est un agissant, celui qui valide l’acte juridique et la légitimité du savoir, détermine les hiérarchies. L’auctoritas n’implique toutefois pas de coercition, contrairement à la potestas : elle relève d’un rapport librement consenti, né d’une acceptation commune. Ce rapport repose, tant dans le système politique que dans celui de la production des savoirs, sur une inévitable référence aux Anciens, qui sont la source de sa légitimité. Toutefois, ces références sont construites et susceptibles d’être enrichies, modifiées.

La deuxième partie de l’ouvrage, « Les instances religieuses et politiques de l’auctoritas », prolonge l’étude des champs d’application de la notion et des moyens de création, d’augmentation de l’auctoritas.

Yann Berthelet explore tout d’abord les différences entre l’auctoritas viagère des prêtres et celle, capable de s’accroître ou de s’user, des magistrats. Fondée sur l’auctoritas des ancêtres, mais dérivant aussi des dieux, en particulier dans le cas du collège augural, l’auctoritas des prêtres possède une dimension collective (l’auctoritas du collège) et individuelle (liée à l’âge, au rang, à l’ancienneté du prêtre). À la différence des magistrats, pour qui la manifestation d’auctoritas peut parfois constituer une alternative à l’exercice de la potestas, elle est liée à une expertise, reconnue et acceptée par tous. Mais prêtres et magistrats ont cela en commun que leur auctoritas est adossée à celle du Sénat. L’assemblée des patres constitue donc « la véritable clé de voûte du régime d’auctoritas que constituait la République aristocratique romaine » (p. 143). Prolongeant la réflexion sur la dimension religieuse de l’auctoritas, Françoise Van Haeperen étudie l’accroissement de la potestas et la légitimation permise par la prise d’auspices à travers les exemples de deux rituels conduits par Octavien le 7 janvier et le 19 août de l’année 43 a.C. Marqués par des présages favorables, ces deux événements, qu’ils aient été ou non mis en scène, manifestaient l’approbation jovienne (héritée d’un modèle théorique romuléen) et transféraient une partie de l’auctoritas de Jupiter au jeune Octavien, le désignant comme un être exceptionnel. Francisco Pina Polo considère ensuite la vision de l’auctoritas proposée par Tite-Live dans les livres 31 à 45 de son Ab Vrbe Condita. Le terme, utilisé pour exprimer la supériorité du Sénat, peut aussi distinguer, dans le cadre des relations diplomatiques avec le monde grec, l’autorité des meneurs, ennemis de Rome ou partisans de l’alliance avec l’Vrbs (l’auctoritas de ces derniers s’adossant alors à celle de Rome). Parmi les Romains, Tite-Live ne reconnait explicitement d’auctoritas qu’à Scipion l’Africain, Caton l’Ancien et Paul Émile : trois individus reconnus par les contemporains d’Auguste comme autant de figures d’auctoritas incontestables, sans pour autant faire de l’ombre au princeps. L’auctoritas est, chez Tite-Live, une qualité socialement reconnue, qui repose sur l’honnêteté, l’âge et l’expérience, mais surtout sur les réalisations militaires et l’obtention du triomphe. Cette dernière domine au IIe siècle a.C. comme moyen d’accroître l’auctoritas, ce qui explique l’ardeur guerrière des magistrats romains et la recherche active de provinces capables de leur apporter cette distinction. Se construit donc, à travers l’exercice de l’imperium au IIe siècle a.C., un « ethos compétitif militariste » (p. 169), principale source d’obtention ou d’accroissement de l’auctoritas. Le Sénat possédait pour sa part une auctoritas propre, dont Karl-Joachim Hölkeskamp recherche, après Mommsen, l’origine. Ce dernier considérait que l’auctoritas senatus dérivait de la patrum auctoritas, et pensait que le Sénat possédait dès son origine une forme de droit de confirmation, un pouvoir institutionnellement reconnu et contraignant, dans tous les processus de décision de la communauté. Hölkeskamp considère pour sa part que la patrum auctoritas fut d’abord une revendication d’exclusivité construite dans le cadre des luttes patricio‑plébéiennes avant d’être formalisée en tant que procédure au moment où le Sénat, désormais patricio-plébéien, voyait augmenter le nombre de ses missions. Cela aurait introduit la nécessité d’une formalisation des procédures consultatives, donnant naissance au senatus consultum et à l’auctoritas senatus. Le Sénat était devenu « un centre de l’équilibre patricio-plébéien » (p. 181), perdait ainsi son rôle ancien et mal défini de conseil informel pour devenir un corps fixe, aux compétences reconnues de « suggestion active » (p. 185). Il devenait un auctor à part entière, dont l’auctoritas dépassait désormais les auctoritates individuelles de ses membres.

Cette seconde partie érige le Sénat comme lieu de concentration de l’auctoritas dans le régime républicain. Celle-ci se construit sur l’accumulation des auctoritates individuelles de ses membres, acquises par la victoire militaire et par les longues carrières du cursus honorum. Le Sénat obtient aussi une auctoritas en tant que corps : dépourvu de pouvoirs juridiques fixes, il était parvenu à fonder toute sa capacité d’action sur l’expertise qu’il s’était vu reconnaître dans la gestion des affaires de la République, jusqu’à s’ériger en organe principal de gouvernement. Sa capacité à égaler, voire à dépasser la potestas des magistrats montre bien que l’auctoritas pouvait être une véritable force agissante.

La troisième partie, « l’auctoritas dans l’action », donne ensuite vie aux rapports de pouvoirs construits autour de la notion. Chez Cicéron, l’auctoritas découle, comme le montre Jean-Michel David, des circonstances (une situation de pouvoir) ou de la nature (les traits propres à l’individu, les vertus personnelles). L’Arpinate crée, dans ses discours, des assemblages de qualités adaptés aux besoins de sa rhétorique et reconnait ainsi tour à tour l’auctoritas issue de la compétence militaire, des qualités intellectuelles, de gouvernement, ou encore des vertus personnelles. Dans la vie politique, l’auctoritas connait des applications concrètes : elle peut servir à appuyer un tiers ou à s’imposer dans un débat, et s’exprime à travers des moments de représentation, en particulier dans le cadre de la contio. Ces moments de mise en scène sont fondamentaux dans la construction de l’auctoritas, qui n’a de sens que si elle est reconnue par la communauté, qui est à la fois son destinataire et son juge. La question du rapport entre auctoritas et hiérarchie sénatoriale fait ensuite l’objet d’une étude approfondie de Robinson Baudry, qui porte en particulier sur les débats au sein du Sénat dans les dernières années de la République. Dans ce contexte agonistique, l’auctoritas repose sur la dignitas et l’ordre d’interrogation des sénateurs. Elle s’exprime aussi dans la dynamique des débats : la capacité à mobiliser l’auctoritas des autres, à bien formuler une sententia, ou la reconnaissance d’une compétence particulière peuvent emporter la décision et donner à celui qui triomphe un surcroît d’auctoritas. Si lorsqu’une sententia échoue, l’auctoritas n’est pourtant pas toujours remise en cause, il arrive toutefois que des sénateurs amendent leurs propositions, ou renoncent à les mettre au vote lorsque celui-ci s’annonce défavorable, tout en essayant d’éviter le soupçon d’inconstance. Fondamentale dans les discours du Sénat, l’utilisation de l’auctoritas connait cependant des limites dans le cadre des procès, où l’argument d’autorité représentait, selon Charles Guérin, « une infraction fondamentale aux règles de l’échange judiciaire » (p. 221). Ce dernier éclaire ainsi les efforts de Cicéron dans le discours du Pro Sulla pour éviter d’être accusé d’user de sa seule auctoritas pour faire acquitter son client. Cicéron fait le choix tactique de fonder sa légitimité à défendre Sulla sur sa connaissance directe de la conjuration de 63 a.C. (principal chef d’accusation), en se présentant comme un témoin (testis) des faits, plutôt que comme un patronus. Il se conforme ainsi à un rôle procédural facilement identifiable qui lui permet de proposer une version des faits (l’innocence de Sulla) légitimée par sa coprésence à l’événement, sans recourir à des affirmations autoritaires. Si ce rôle de testis ne peut en théorie être assumé par un patronus, qui n’est pas tenu devant un tribunal de dire le vrai, l’assimilation permet de rendre acceptable sa prise de parole, tant pour les juges que pour les lecteurs. Cette prudence cicéronienne montre ainsi que l’auctoritas « ne peut s’exercer de manière brutale et nue au tribunal », mais doit tenir compte des « conditions propres de l’éloquence judiciaire » et des « attentes du jury » (p. 234-235). Devant le Sénat, l’auctoritas peut aussi servir à appuyer la dignitas d’un magistrat absent, une pratique qui fait, selon Elisabeth Deniaux, partie des « bons offices que se doivent les amis » (p. 240). L’autrice propose une lecture de ces rapports d’auctoritas et de dignitas dans la correspondance de Cicéron des années 44-43 a.C., au moment où l’auctoritas morale de l’Arpinate est incontestée. Parfois solliciteur, parfois sollicité, Cicéron prend soin de ménager la dignitas de ses amis (dont l’auctoritas est inférieure à la sienne) lorsqu’il leur recommande des proches. Il s’engage parfois de son propre chef à défendre leur dignitas, et reçoit des sollicitations qui peuvent aller jusqu’à des demandes d’appui concrètes devant le Sénat. Cette dimension de l’action politique de Cicéron est particulièrement sensible après les Ides de mars, lorsqu’il va jusqu’à influencer les décisions du Sénat par la proposition de sénatus-consultes dont la formulation augmente explicitement la dignitas des Césaricides.

Cette section éclaire l’importance d’une hiérarchie intériorisée et acceptée de l’auctoritas, tant dans les rapports au Sénat que dans la correspondance privée. Les contributions permettent, en outre, de mettre en lumière les limites de l’expression de l’auctoritas. Reconnue par tous, elle ne peut pas toujours être le principal levier d’action des hommes politiques romains, qui doivent tenir compte des cadres de son expression.

La quatrième partie, « l’auctoritas dans le droit », étend l’étude aux domaines familial et juridique.

La prégnance de la notion dans les relations familiales est d’abord soulignée par Julien Dubouloz à propos des tutelles et des mariages. Requise seulement pour valider ou au contraire s’opposer aux actes susceptibles de causer un dommage au patrimoine, l’auctoritas du tuteur vise avant tout à contrôler le devenir du patrimoine et à encadrer les successions. L’auctoritas tutoris reste ainsi le principe fondamental du droit des femmes à disposer de leurs biens, même lorsque les lois impériales tendent à augmenter leur capacité à tester librement. Découle de la même logique l’indispensable accord du pater familias à la conclusion d’un mariage (seul garant de la légitimité de celui-ci), l’union ayant pour enjeu l’entrée des enfants dans la patria potestas. Au sein de la famille, l’auctoritas est donc un instrument de contrôle de l’individu par le groupe. Dario Mantovani interroge ensuite l’auctoritas des juristes romains en tentant de la dégager des catégories d’analyses modernes. Celle-ci apparaît d’abord dans des sources d’origine rhétorique : les juristes y sont convoqués pour leur expertise, mais leur opinion, utilisée comme preuve reposant sur leur auctoritas, constitue un élément d’argumentation. L’auctoritas des juristes est donc avant tout rhétorique, partisane, et donc contestable : elle peut être rejetée en bloc ou au contraire magnifiée, comme un lieu commun des discours. Individuellement, une hiérarchie s’établit entre juristes : si elle fait l’objet elle aussi d’une instrumentalisation rhétorique sur le plan extra-systémique, où les avis sont plus ou moins considérés selon les questions débattues, du point de vue intra-systémique, la hiérarchie reconnue entre juristes favorise l’utilisation de l’argumentum ex auctoritate, qui joue un rôle important dans la conviction et constitue l’affirmation de leur haute position sociale. De fait, l’intervention d’Auguste dans l’auctoritas des juristes par l’introduction du ius respondendi ex auctoritate principis constitue un jalon important du contrôle de la nobilitas. Aldo Schiavone montre à ce propos que la reconnaissance de l’autorité personnelle des juristes, manifestée par le dialogue asymétrique de la consultation et des responsa, constitue un élément d’affirmation de leur influence sociale. En superposant son auctoritas à celle des juristes, Auguste s’appuie donc sur les pratiques et valeurs de la jurisprudence républicaine pour renforcer sa légitimité. Il crée un « cercle de juristes du prince » qui compromet l’autonomie aristocratique de la jurisprudence, en la transformant en élément du nouveau régime politique.

L’ouverture du propos vers les affaires familiales et juridiques montre bien la prégnance de l’auctoritas dans un spectre étendu de la culture romaine, et constitue un indice de sa reconnaissance comme valeur centrale, ce qui en fit un levier de pouvoir utilisé habilement lors de la transition vers le Principat.

C’est autour de cette transition que se concentre la dernière partie, « Vers l’auctoritas impériale ».

Martin Jehne évoque d’abord les transformations de l’auctoritas intervenues à la fin de la République. Parmi les innovations marquantes figure la reconnaissance (chez Cicéron) d’une auctoritas collective à des groupes, en particulier l’auctoritas du peuple romain. Celle-ci est, du point de vue de Cicéron, contraignante : les magistrats doivent modeler leur sententia et leur vote pour respecter l’auctoritas de cette volonté collective qui peut s’exprimer lors de la contio. À l’inverse, l’auctoritas du Sénat n’est pas collective, mais majoritairement cumulative, en ce qu’elle repose sur l’addition d’auctoritates individuelles, susceptibles d’être mises en concurrence ou en échec. De fait, lorsqu’Auguste prétend avoir dépassé l’auctoritas de ses pairs dans les Res Gestae, il s’agit bien de la somme des auctoritates de tous les sénateurs. En remportant la compétition autour de cette notion reconnue comme républicaine, il fonde ainsi les bases de sa légitimité. Giuseppe Zecchini revient ensuite sur la création cicéronienne de l’auctoritas populi et Italiae, une construction rhétorique conjoncturelle (utilisée dans les années où l’Arpinate ne peut compter sur le soutien des institutions), destinée à faire pression sur les sénateurs en imposant la volonté d’une « instance ético-politique ultime » (p. 343). César s’approprie ensuite ce concept d’auctoritas Italiae pour en faire le fondement de sa légitimité lorsqu’il s’engage dans la guerre civile contre Pompée. Le ralliement recherché des cités italiennes, et leur engagement actif dans la conquête de l’Italie lui permettent de se présenter comme le dépositaire de la volonté de tous les citoyens romains, qui seuls détiennent la potestas. La suite de la carrière politique de César est marquée par cette découverte : consul ou dictateur, il cherche à assurer avant tout la réaffirmation et l’accroissement de son auctoritas, et non de la seule potestas contenue dans les magistratures, temporaires ou perpétuelles. En cela, Auguste, qui s’appuie sur le consensus totius Italiae autour de sa personne, est l’héritier des intuitions et des projets césariens. C’est l’utilisation de cet héritage qu’étudie enfin Frédéric Hurlet. En réaction aux débats suscités par G. Rowe et sa remise en cause de la prégnance de l’auctoritas dans la construction politique du Principat, l’auteur remet en perspective la transformation apportée par Auguste à ce concept ainsi que son rôle central dans le projet de transformation de la res publica. La notion n’a rien d’abstrait : la surimposition de l’auctoritas personnelle d’Auguste à celle, collective et traditionnelle, du Sénat passe par des actes concrets, en particulier son intervention comme princeps senatus devant les patres. Si la supériorité de l’auctoritas d’Auguste n’est pas institutionnelle au sens strict, elle s’appuie néanmoins sur « l’exercice continu de compétences institutionnelles spécifiques » (p. 362), qui légitime le déséquilibre dans ses relations avec le Sénat. La supériorité de l’auctoritas du prince sur celle des sénateurs fut obtenue progressivement, entre les premières années du régime augustéen et le règne de Claude, où disparait des sources épigraphiques la mention d’une validation par sénatus consulte des décisions du prince. Les empereurs imposèrent ainsi sur ce modèle un transfert d’auctoritas vers leur personne, en conservant pourtant, à travers la récupération de cette notion, « la forme de la continuité » (p. 366).

À l’issue de cette démonstration, la conclusion rédigée par les deux éditeurs rappelle, de manière concise et claire, les différents apports de ces contributions et confirme la dimension centrale de l’auctoritas dans l’identité de l’aristocratie sénatoriale et dans les fondements idéologiques et pratiques du principat. Trois index, et une abondante bibliographie viennent clore cet ouvrage collectif et plurilingue de grande qualité, appelé, sans nul doute, à faire autorité sur la question.

 

Romain Millot, Université d’Aix Marseille

Publié dans le fascicule 2 tome 123, 2021, p. 717-722