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La publication du corpus des IG XII 4 se poursuit avec une remarquable célérité, avec le quatrième volume paru en quatre ans[1]. Avec lui s’achève le corpus proprement dit de Cos, avec les inscriptions funéraires retrouvées dans le territoire de la cité, les inscriptions de nature variée et indéterminée, et s’ouvre le corpus des autres îles prévues dans les IG XII 4, ici les îles dites « milésiennes ». Suivra Calymna (fascicule suivant, annoncé pour 2020), dont le corpus devrait clore cette série, avec les planches et les index tant attendus[2].

Le présent corpus est le plus disparate, puisque les îles milésiennes, dont il sera question plus loin, n’ont guère de lien avec Cos, à la différence de Calymna, très proche de Cos au point d’avoir été intégrée dans la cité à la fin du IIIe siècle. La répartition géographique est le résultat de l’histoire des Inscriptiones Graecae – liée tant à la séparation entre États modernes et à leurs structures (les éphories grecques), qu’à l’histoire de l’exploration des sites et à la répartition du travail de publication – et celle entre les fascicules peut être une simple question d’équilibre, tant le corpus de ces îles est peu substantiel[3].

Sont éditées ici 878 inscriptions. Parmi elles, les inscriptions funéraires, notamment des dèmes, au nombre de 316, qui s’ajoutent aux 1 813 inscriptions funéraires des nécropoles de la ville de Cos, publiées dans le fasc. III. Le déséquilibre est remarquable, mais il n’est pas facile d’avancer une explication univoque : état de l’exploration du territoire, effet de la répartition humaine dans l’Antiquité, priorité apportée par les familles aux nécropoles de la ville de Cos ? Le corpus comporte nombre d’inscriptions inédites, ou très récemment publiées, comme pour celles d’Halasarna[4]. Les inscriptions sont classées par dèmes, puis par type de monument funéraire, selon une typologie déjà adoptée dans le fasc. III. Parmi les nouveautés, on peut signaler, à Halasarna, des tombeaux offerts par le dème (Ὁ δᾶμος ὁ Ἁλασαρνειτᾶν τὸ σᾶμα…, n° 3237-3239) ; des étrangers, comme une Cyrénéenne et un Pisidien (nommé Αττας) à Phyxa (n° 3068 et 3071), le tombeau collectif d’un thiase de bacchants à Haleis (Ὅρος θηκᾶν θιασιτᾶν Βακχιαστᾶν τῶν ξὺν Διογένει, n° 3133). Suivent les testaments retrouvés sur l’île (3299-3305), dont un testament en latin, inédit, de Cossinia Tertulla (Ier s. p.C.), les fragments d’un testament (grec et inédit) de Ti. Claudius Dèmokritos (Ier s. p.C.), qui décrit la localisation de l’enclos funéraire. Les éditeurs donnent ensuite l’intéressante liste des inscriptions funéraires de Coéens retrouvées en dehors de Cos, qui surprend, car elle est courte (26 numéros) et qu’elle n’est pas très étendue géographiquement (13 individus dans le Dodécanèse, dont 9 dans les nécropoles rhodiennes, 4 en Attique, 3 en Carie, les autres sont des cas uniques, en Macédoine, à Démétrias, Byzance, Syros, Chios et à Chersonèsos de Crète).

Comme on s’y attend, les Tituli varii renferment l’inévitable fourre-tout de ce qui ne pouvait être classé dans d’autres catégories du corpus. Il s’agit de dédicaces monumentales, d’un petit dossier des iugationes capitionesque, des relevés de la taxation agraire du IVe s. p.C. (listes enregistrant ce qui pèse sur des domaines ; trois sont inédites, n° 3361-3363), d’inscriptions de gladiateurs, d’inscriptions sur mosaïque (pour la plupart de l’Antiquité tardive), d’un oracle (déjà connu : SEG 18, 329), d’une defixio (aussi connue : SEG 47, 1291), d’un abécédaire (inédit, n° 3403, IIe s. a.C.), d’un modeste lot d’inscriptions chrétiennes, juives (une) et byzantines. Les graffitis rassemblent avant tout une série de graffitis de victoire (du type νίκη τοῦ δεῖνος), comme on en trouve dans de nombreuses cités, souvent liés au gymnase, textes difficiles à dater et qui s’échelonneraient, selon les éditeurs, entre le Ier s. a.C. et le IIe s. p.C. La plupart sont inédits, mais proviennent du dépôt lapidaire du château de Cos, sans contexte archéologique identifiable. Signalons le plus développé, le n° 3494, où le vainqueur est aussi prêtre et fils d’un notable (νίκη τοῦ ἱερέως Ἀριστοβούλου τοῦ Χαρμύλου φιλοκαίσαρος, <φιλο>σεβάστ<ου>, εὐσεβοῦς, φιλοπάτριδος) et a assuré la fourniture de l’huile, y compris de l’huile aromatisée (ἀλείψαντος διετίαν θέντος τε ἀρωματισμένον ἔλαιον ἑπτακαιδεκάκις, τρὶς δὲ καὶ μύρον ἐν τῷ τοῦ ἀλείμματος χρόνῳ, « qui a assuré la fourniture de l’huile pendant deux ans, en fournissant dix-sept fois de l’huile aromatisée et trois fois de l’onguent »). Ce type de texte (« en lettres ornées ») dépasse la catégorie des graffitis (il faudra attendre le volume de planches pour le constater de visu) et il établit le lien avec les pratiques gymnasiales du Haut Empire (Ier s. p.C.). Suit une longue série de « documents de nature incertaine » (où l’on reconnaît parfois des vestiges d’inscriptions honorifiques ou de dédicaces) et 225 « frusta », des petits fragments de quelques lettres (parfois deux lettres), dont on se demande si l’on n’aurait pu les éditer de façon à économiser un peu plus le papier. Sans planches, ces fragments n’ont pour le moment pas d’utilité. La partie coéenne du corpus s’achève avec la reproduction des tituli alieni, documents émanant d’autres cités retrouvés à Cos, avec, en particulier, un catalogue (inédit) de prêtresses d’Artémis Leukophryènè de Myndos (n° 3842, Ier s. p.C.) et surtout une belle série de documents d’Halicarnasse, qui ont dû parvenir sur l’île en qualité de lests de navire (n° 3843-3853), comme la plupart des autres documents de Carie (de Bargylia, d’Iasos) ou d’ailleurs (n° 3860, décret de Telmessos). Ces textes ne ressortissent donc pas directement à l’histoire de Cos, contrairement aux 3839 numéros précédents (dont on retranchera sans dommage les 225 fragments inexploitables). Substantiel, riche, varié, le corpus de Cos ainsi achevé[5], dans une édition magistrale, fournira sans aucun doute la base de nouveaux travaux historiques. — Le petit corpus (65 numéros) des « îles milésiennes » (Léros, Lepsia et Patmos) suit, avec ses fastes, des cartes (assez sommaires au demeurant) et, cette fois-ci des planches complètes et fort utiles. Ces trois îles dépendantes de Milet (pour Léros, au moins depuis le Ve s. a.C.) avaient déjà fait l’objet d’un corpus par les soins de G. Manganaro, Le iscrizioni delle isole Milesie, ASAA, 41-42, 1963-1964 (1965), p. 239-349. Si la publication des IG l’actualise et tient compte de nombreuses corrections[6], elle ne rend pas pour autant caduc le travail de G. Manganaro, qui comporte des commentaires développés. Aux textes déjà connus, comme le décret des Milésiens de Léros pour Hécatée de Milet (n° 3868), les décrets de Léros et de Lepsia pour les phrourarques milésiens (n° 3869 et 3895), les dédicaces des mêmes phrourarques (n° 3899-3900), le décret des usagers du gymnase de Patmos pour Hègèmandros (n° 3911)[7], le corpus ajoute quelques inédits. On signalera surtout le dossier d’une délimitation de terre à Lepsia (IIe s. a.C., n° 3897) et deux inscriptions byzantines de Patmos (n° 3931 e 3932)[8].

Pierre Fröhlich, Université Bordeaux Montaigne, UMR 5607, Institut Ausonius

Publié dans le fascicule 1 tome 122, 2020, p. 266-268

[1]. Voir mes remarques REA 120, 2018, p. 539‑541 pour le fascicule III ; pour certains détails de ce fascicule, BE 2019, n° 368, 370-371.

[2]. Cf. la publication préliminaire de D. Bosnakis, Kl. Hallof, « Alte und neue Inschriften aus Kalymna », Chiron 48, 2018, p. 171-191. Tous les textes des IG XII 4 sont d’ores et déjà disponibles sur le site des Inscriptiones Graecae, avec une traduction allemande : http://telota.bbaw.de/ig/editionindex.html.

[3]. Voir notamment la préface de Kl. Hallof, p. 1255.

[4]. Figurent d’ores et déjà dans le corpus les inscriptions funéraires éditées dans G. Doulphis, G. Kokourou-Aleura, « Νεες Επιγραφές (Β΄), από το ιερό του Απόλλωνα Πυθαίου/Πυθαέως και τον πρώιμο βυζαντινό οικισμό » dans G. Kokourou‑Aleura éd., Halasarna VI, Γλυπτική – Λιθοτεχνία – Επιγραφές από το ιερό του Απόλλωνα Πυθαίου/Πυθαέως και τον πρώιμο βυζαντινό οικισμό στην Αλάσαρνα, Athènes 2017, p. 119-151 et G. Kokourou-Aleura, « Επιγραφές Συστηματικής Επιφανειακής Έρευνας στην Καρδάμαινα (αρχαία Αλάσαρνα) της Κω κατά τα έτη 2003-2006 », Grammateion 7, 2018, p. 5-16.

[5]. Mais pas totalement clôt : D. Bosnakis et Kl. Hallof viennent de publier de nouveaux documents publics (« Alte und neue Inschriften aus Kos V », Chiron 48, 2018, p. 143-158) et d’autres devraient suivre.

[6]. Voir notamment J. et L. Robert, BE 1966, 312, 314-323.

[7]. Ce dernier texte, maintes fois cité, a été reproduit et commenté à maintes reprises, par moi‑même dans « Les groupes du gymnase d’Iasos et les presbytéroi dans les cités à l’époque hellénistique » dans P. Hamon, P. Fröhlich éds., Groupes et associations dans les cités grecques (IIIe s. av. J.‑C.-IIe s. ap. J.-C.), Genève-Paris 2013, p. 59-111, ici p. 109-110 ; par O. Curty, « Le décret hellénistique en l’honneur du gymnasiarque Hègèmandros (Syll.3 1068) », JES 2, 2019, p. 33-41 (l’essentiel est déjà dans son ouvrage Gymnasiarchika, Paris 2015, p. 120-126).

[8]. Le texte de Lepsia a bénéficié d’une édition princeps due à A. Dreliossi-Herakleidou, Kl. Hallof, « Eine neue Grenzziehungsurkunde aus Lepsia », Chiron 48, 2018, p. 159-170. Pour plus de détails, voir BE 2019, n° 73-376.