Latiniste, historien et archéologue, Jean-Paul Thuillier (JPT) est un spécialiste reconnu de l’histoire du sport en Étrurie et dans la Rome ancienne. Ce livre comprend seize de ses publications, parues entre 1982 et 2008, sélectionnées et classées selon différentes thématiques par Hélène Dessales et Jean Trinquier. Dans sa préface (p. 7 à 10), Wolfgang Decker évoque les principaux travaux de JPT, mais aussi sa carrière et sa personnalité. Après un bref avant-propos (p. 11-12) d’Hélène Dessales et de Jean Trinquier, l’ouvrage se divise en deux parties thématiques : « Le sport en Étrurie » (p. 13-62) et « Le sport à Rome » (p. 63-234).
La première partie sur le sport en Étrurie comprend deux sous-thématiques : « Jeux hippiques » (p. 14-23) et « Jeux athlétiques » (p. 24-62). La première contient un seul article, « L’aurige Ratumenna. Histoire et légende » (p. 15-23) dans lequel JPT met en lumière l’influence des compétitions sportives étrusques sur les jeux du cirque romain, en particulier sur les courses de chars. La rubrique suivante (Jeux athlétiques) comporte trois autres publications. Dans la première, (« mort d’un lutteur », p. 25-31), JPT analyse les circonstances de la mort d’un lutteur étrusque lors d’une rencontre sportive en Grèce qui nous sont connues grâce à une inscription datant des années 330 av. J.-C. Dans le second article, « La nudité athlétique (Grèce, Étrurie, Rome) » (p. 32-46), JPT aborde la question de la nudité athlétique dans les mondes grec, étrusque et romain. Le troisième article, « Les danseurs qui tuent… et les autres athlètes étrusques » (p. 47-61), est une étude très fine de plusieurs documents iconographiques ayant trait principalement à la boxe en Étrurie.
La seconde partie de l’ouvrage sur le sport à Rome se divise en trois sous-thématiques : « Jeux hippiques » (p. 64-165), « Jeux athlétiques » (p. 166-207) et « Sport et littérature » (p. 208-234). La première rubrique contient huit articles. Dans le premier, « Le programme hippique des jeux romains : une curieuse absence » (p. 65-85), JPT souligne tout d’abord la quasi-inexistence de courses de chevaux montés dans la Rome ancienne, à l’exception de quelques rares exemples. Selon JPT, ce phénomène s’explique par l’influence du sport étrusque sur les compétitions hippiques romaines du début de la République. Cette épreuve n’ayant jamais eu la faveur du public en Étrurie, elle ne s’est pas développée non plus à Rome. Dans le deuxième article, « L’organisation et le financement des ludi circenses au début de la République : modèle grec ou modèle étrusque ? » (p. 86-98), JPT remet en question la thèse dite du Greek pattern, qui fut longtemps admise par plusieurs historiens, selon laquelle les courses de chars dans la Rome archaïque auraient été organisées et financées de la même manière que dans le monde grec. JPT montre que c’est l’influence étrusque, une fois encore, qui prévaut dans ce domaine dès l’origine des jeux à Rome. Dans l’article suivant, « Les cursores du cirque étaient-ils toujours des coureurs à pied ? » (p. 99- 106), JPT s’intéresse aux courses des cursores et des desultores dans le monde romain. Bien que le déroulement de ces deux compétitions reste en partie obscur, JPT suggère que le desultor, un cavalier à deux chevaux, sautait d’une monture sur l’autre, peut-être à chaque tour de piste, tandis que le cursor finissait sa course à pied après avoir sauté de son cheval lancé au galop. Dans le quatrième article « “Auriga/Agitator” : de simples synonymes ? » (p. 107-111), JPT établit une distinction entre les termes auriga et agitator à partir de plusieurs textes littéraires et épigraphiques. Si l’aurige désigne un cocher d’une manière générale, l’agitator est un aurige expérimenté et spécialisé dans la conduite des quadriges. Le cinquième article « Agitator ou sparsor ? À propos d’une célèbre statue de Carthage » (p. 112-132) est une étude consacrée à une statue de Carthage dont l’identification fut longtemps débattue. JPT démontre de façon très convaincante qu’il s’agit d’un sparsor, et non d’un cocher comme d’autres historiens l’ont supposé auparavant. La publication suivante, « Les desultores de l’Italie antique » (p. 133-148), porte sur l’origine et le déroulement des courses de desultores, des cavaliers voltigeurs, dont les performances faisaient partie intégrante du programme des ludi circenses, probablement dès l’époque des Rois. Dans le septième article, « Circensia. Des noms, des choses et des hommes » (p. 149-154), JPT fait une utile mise au point sur le sens de plusieurs termes latins ayant trait aux jeux du cirque romain. Cette publication date de 2008 et l’on regrettera que certaines erreurs perdurent encore de nos jours dans les travaux de certains historiens, comme l’emploi inapproprié du mot spina pour désigner l’euripe du cirque. Le dernier article, « Une journée particulière dans la Rome antique. Pour une topographie sportive de l’Vrbs » (p. 155-165), offre une reconstitution vivante et stimulante de l’ambiance qui devait régner dans l’Vrbs un jour de spectacle.
La seconde sous-partie sur les jeux athlétiques contient deux publications. La première, « Le programme “athlétique” des ludi circenses dans la Rome républicaine » (p. 167-183), est consacrée aux compétitions athlétiques romaines. Ces dernières faisaient partie intégrante du programme des ludi circenses dès les débuts de la République, et peut-être même dès l’époque des Rois selon JPT, alors que des historiens modernes, trompés entre autres par un texte de Tite-Live (39.22.2), ont cru que ce type d’épreuve n’était apparu à Rome qu’au début du IIe siècle av. J.-C. Dans l’étude suivante, « Le cirrus et la barbe. Questions d’iconographie athlétique » (p. 184-207), JPT examine plusieurs représentations d’athlètes romains datant de l’époque impériale. Certains ont une barbe, tandis que d’autres sont coiffés d’un cirrus, une sorte de toupet. Des historiens ont cru que cette coiffure était un trait caractéristique des athlètes romains professionnels, mais selon JPT, le cirrus n’était en réalité que le signe distinctif des jeunes athlètes, tandis que la barbe est le propre des athlètes plus âgés.
Deux autres publications se trouvent dans la troisième et dernière sous-thématique (Sport et littérature). La première, « Stace, Thébaïde, VI. Les jeux funèbres et les réalités sportives » (p. 209-224), porte sur la description des jeux funèbres au chant VI de la Thébaïde. Ce passage n’est pas seulement une imitation des textes d’Homère et de Virgile. Selon JPT, et nous partageons son avis, il s’inspire aussi par bien des aspects des spectacles sportifs romains dont Stace était le contemporain. Dans le deuxième article, « Panem et luctatores. Pain public et sport privé (Suétone, Néron, 45) » (p. 225-234), JPT revient sur la traduction et le commentaire d’un passage de Suétone (Néron, 45) par H. Ailloud dans la CUF qui comportent plusieurs erreurs.
Les éditeurs ont eu la bonne idée de mentionner à la fin de l’ouvrage les sources de chaque article (p. 235-236), ainsi que la liste des travaux de JPT dans laquelle apparaissent également ses publications à paraître (p. 237-245). En revanche, une bibliographie générale (p. 247-250) n’était peut-être pas indispensable et elle nous semble un peu trop succincte face l’ampleur du sujet. Quoi qu’il en soit, cette sélection d’articles met en évidence quelques-unes des principales thématiques qui parcourent l’œuvre scientifique de JPT, comme l’influence du sport étrusque sur l’organisation et le déroulement des premières compétitions hippiques et athlétiques de la Rome ancienne. Le lecteur appréciera le style toujours alerte et souvent teinté d’humour de JPT, son érudition tant littéraire que sportive, mais aussi sa très grande rigueur intellectuelle qui font de ses travaux des références incontournables sur l’histoire du sport antique en Étrurie, comme dans le monde romain.
Sylvain Forichon, Université Bordeaux Montaigne, UMR 5607, Institut Ausonius
Publié en ligne le 3 décembre 2018