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Joël Thomas (JT), professeur émérite de langue et littérature latines à l’Université de Perpignan – Via Domitia, est un spécialiste de l’imaginaire. Il est l’un des savants qui ont le plus contribué à donner des bases et des règles scientifiques aux études dans ce domaine. En témoignent ses nombreux ouvrages sur le sujet, tels que l’Introduction aux méthodologies de l’imaginaire[1], ou Mythe et littérature[2] par exemple. Dans le livre dont nous rendons compte, il se penche sur une des productions de l’imaginaire, les mythes. Conjuguant deux de ses centres d’intérêt, il y étudie des mythes gréco-romains en rapport avec la construction de soi et du monde. Malgré la richesse de la pensée et la profondeur de l’érudition, ce volume est d’un abord accessible, ne serait-ce qu’en raison de la netteté du plan.

S’appuyant à la fois sur l’anthropologie et sur les neurosciences, l’introduction, dense et regorgeant d’informations, explique l’origine des mythes et leur résistance à l’usure du temps. JT rappelle les découvertes essentielles de G. Durand qui aboutissent au classement des images en trois grandes constellations : le régime diurne, le régime nocturne synthétique et le régime nocturne mystique ; il en modifie toutefois la présentation (ce qu’illustre un tableau) en offrant un système où, entre la figure du Père (régime diurne) et de la Mère (régime nocturne mystique), il place, reliant ces deux mondes, la figure du Fils(/Fille), voyageur et fondateur, passeur et médiateur. Il explique que la mythologie gréco-romaine est une « structure holiste » où « chaque élément de la structure est un résumé de toute la structure, et où tous sont mis en relation » (p. 18). Et, ajoute-t-il, « les récits mythiques ont alors en commun d’être régis par trois grands schèmes, qui les relient aux trois tropismes de l’imaginaire : – monter vers ce qui est plus grand que soi […]- se fondre dans ce qui est plus grand que soi […]- enfin, relier et se relier […] ».

D’un autre côté, « la neuro-imagerie cérébrale a d’abord permis de constater que voir et imaginer activent les mêmes zones du cerveau » (p. 17) ; puis « les neurosciences ont montré l’existence de trois grandes instances organisatrices de l’activité cérébrale : l’hémisphère gauche, logique et rationnel […], l’hémisphère droit, siège de la mise en images et de l’approche intuitive […] et l’existence, à travers les “neurones-miroirs” d’une mise en réseau des deux hémisphères » (p. 17). Il constate que la « structure des mythes est comme un reflet de celle du cerveau » (p. 18) : « toutes deux reproduisent plus généralement l’organisation du vivant ». D’où sa conclusion : « il y a donc une sorte de connaturalité entre les récits mythiques, la pensée qui les produit, et plus généralement, la structure du vivant dont cette pensée est issue […] Dans chaque mythe, comme dans notre mémoire individuelle, il y a toute la mémoire du monde » (p. 18). Un certain nombre d’analyses lui permettent de montrer que « les mythes sont le fruit de deux besoins primordiaux de la pensée humaine, d’abord une aspiration au sublime qui fonde la dimension légendaire » (p. 24) ; cela se traduit par la façon dont l’être humain, dès la Préhistoire, va tenter de dire le mystère du monde (ce sera l’objet de la première partie de l’étude de JT). Puis « ces notions vont s’incarner dans la psyché humaine » où se développe une lutte entre le chaos des passions et la volonté de maîtriser celles-ci, « pour accéder à une humanité authentique, dépassant la bestialité originelle, tout en se nourrissant de son énergie » (p. 24), ce que JT appelle la « sublimation », — ce sera le sujet de la deuxième partie. À ses yeux, ce qui caractérise le mythe, c’est à la fois sa pérennité et sa plasticité, trait qui nous dit « que nous sommes éternels et que nous sommes mutables » (p. 26). Il souligne que ces histoires « ne dépendent exclusivement ni d’une pensée religieuse ni d’une pensée rationnelle », qu’elles « racontent le monde à leur manière, sans souci de convaincre ou de polémiquer » (ibid.) Du coup, de ces récits « se dégage une forme de mimétisme pour celui qui les écoute. D’où la place importante qu’ils occupaient dans l’enseignement élémentaire en Grèce » (ibid.). Dans sa troisième partie, JT exposera « une systématisation et un prolongement des résultats établis », montrant comment « le langage des récits mythiques utilise une sorte de grammaire universelle, car il se situe dans une relation mimétique, en miroir, entre les fonctions cérébrales, leurs productions (l’imaginaire, la pensée) et l’un des fruits de ces productions : le système mythologique » (p. 28), ce qui conduit notre collègue à la conclusion (ibid.) qu’« il y a une forme de connaturalité entre ces trois instances, biologique, psychique et symbolique ».

Commence alors la première partie, intitulée « L’organisation du cosmos, dans une relation entre l’Ordre et le Désordre. La cosmogonie et la théogonie ». Après avoir constaté que toutes les légendes gréco-romaines postulent au début un chaos (au sens de profondeur béante[3], d’abîme), JT fait état des deux traditions qui racontent la suite de l’histoire, la tradition hésiodique « du désordre à l’ordre » et la tradition orphique « de l’ordre au désordre ». JT s’attarde sur quelques points importants de la première dans six développements : « De Kronos à Zeus », « Les Cyclopes et Héphaïstos », « Typhon », « Prométhée » (envisageant successivement « Le sacrifice prométhéen » et « Le châtiment de Prométhée »), « Le Déluge », « L’installation d’un ordre cosmique sous le règne de Zeus ». Chaque fois, il livre le conte mythologique, puis le commente, de tous les points de vue qui lui paraissent intéressants, grâce à son immense culture, naviguant sans a priori de Jésus à Édith Piaf, du soufisme shiite à la physique quantique… Il procède de la même façon pour la tradition orphique qui, contrairement à la tradition hésiodique, enseigne qu’il y a eu à l’origine une unité, laquelle a été ensuite rompue (mais Dionysos peut la restaurer). Les deux subdivisions traitent respectivement de « Dionysos et l’orphisme » et de « Éros et Aphrodite ». JT termine cette première partie en comparant le mythe des quatre âges du monde et la théorie des catastrophes de R. Thom, théorie qu’il applique ici plus particulièrement à la fête. C’est à la lumière de cette théorie, également, qu’il nous offre une analyse passionnante de la Pharsale de Lucain (« Une interprétation politique et historique : la Pharsale de Lucain ») et de fines remarques sur « Les avatars de la catastrophe dans la mythologie ».

La deuxième partie s’intitule « La construction de la psyché humaine, dans une polarisation entre le Haut et le Bas : les figures du héros ». Parmi ces personnages, il y a ceux qui réussissent et ceux qui échouent ; ces derniers vont être étudiés dans la première sous‑partie : « Le danger de la chute ». Les contes manifestent que deux raisons sont susceptibles de faire tomber. On trouve « la chute causée par l’hybris et l’exaltation » qu’illustrent Icare, Tantale, Phaéthon (sic), Ixion et Bellérophon, et « l’échec par banalisation et renoncement au projet héroïque » dont les grandes figures sont Midas, Œdipe et Narcisse. En face de ces narrations mettant en scène des perdants sont recensés dans la seconde sous-partie des récits de « combat pour l’émergence et la remontée ». Leurs protagonistes connaissent des réussites partielles, comme Jason, Thésée, Persée, Ulysse (qui entraîne JT à deux développements, l’un sur « L’Iliade, ou le monde des seigneurs de la guerre », l’autre sur « L’Odyssée, ou le retour à la terre »), ou sont des « héros sauveurs », tels Héraklès, Énée et Orphée. (À propos d’Héraklès JT étudie la « géographie sacrée des Travaux » et scrute « la vie du mythe d’Héraklès dans l’imaginaire méditerranéen et européen », ce qui le conduit à évoquer Gilgamesh, Michelet, le Christianisme et les traditions orientales de la sagesse hindoue). Quant aux pages sur Orphée, elles se terminent par deux paragraphes proposant deux interprétations personnelles, l’un sur le sens de la descente d’Orphée aux Enfers, l’autre sur la signification de la mort d’Orphée, qui n’a pas, selon JT, de connotations négatives. Dans tous ces développements, pour chaque légende mythologique, sont donnés dans un encadré initial les sources anciennes, les interprétations, l’iconographie, les opéras et les films afférents s’il y en a eu.

La troisième partie, « La grammaire universelle des mythes. Le système mythologique », fait la synthèse des analyses de légendes qui constituent les deux premières parties. Elle commence par attirer l’attention sur le fait que ces narrations débutent toujours par un désordre violent qui doit être dépassé et canalisé ; prenant un exemple, JT nous régale ici de très belles pages sur l’Énéide de Virgile. Cependant notre collègue tient à montrer que si cela s’applique, en premier lieu, aux Grecs et aux Romains, c’est l’humanité de tous les temps et de tous les pays qui est concernée : tel est l’objet du chapitre « Pérennité du mythe : le mythe comme “chant profond” de l’humanité ». Car la quête héroïque est « une projection vers l’Un » (p. 146) ; elle permet de comprendre que tout est lié, que le monde est en réseau (p. 149). Le mythe est capable de s’adapter ainsi en raison de sa grande plasticité qui lui confère une capacité à se couler dans chaque civilisation (p. 152) et à « entrer en littérature », processus élargi à toutes les formes de support artistique (p. 155 et suiv.). JT en arrive à la relation entre mythe et création : « le héros, libéré au terme de sa quête, et l’artiste ont en commun de ne pas seulement imiter la Nature ; ils en deviennent les créateurs. Ils ne nomment pas le monde, ils le créent »[4] (p. 159). Après avoir montré que le mythe touche à l’archétype (p. 161 et suiv.) — en donnant à ce terme un sens proche de celui de « matrice » —, JT aborde les acquis récents des neurosciences et de la physique dans un dernier chapitre « Système cérébral, imaginaire, mythe et structure du vivant : une mise en miroir ». Le volume se clôt sur deux appendices qui sont des reprises révisées d’articles publiés respectivement en 1994 et 2008 : « Survivances et camouflages du mythe dans les formes d’expression contemporaines. — Un exemple au cinéma : l’Énéide et Cinema Paradiso » et « Le mythe comme thérapie : la dimension anagogique du mythe utilisée en psychanalyse. Mircea Eliade et James Hillman ».

Dans sa conclusion, JT affirme que les mythes ne sont pas à considérer comme dépassés de nos jours. Il remarque p. 176 : « quand elle (sc. notre société) se sent menacée dans son existence, elle veut réaffirmer son identité, son histoire, sa mémoire, à travers nos mythes modernes, et elle se regroupe autour d’eux : les droits de l’homme, le drapeau tricolore, la laïcité, la place de la République. Sans cette communion avec nos mythes fondateurs, ce sont tout notre corps social et toute notre construction psychique individuelle qui se défont ». C’était déjà l’opinion des Anciens. On croirait, en effet, entendre Cicéron disant à Varron qui, dans la période de crise que vivait Rome en ce Ier s. av. J.‑C., écrivait tous ces ouvrages où il rappelait à ses contemporains les mythes, l’histoire, la religion et les coutumes de l’Vrbs : « nous qui dans notre ville circulions en étrangers et errions comme des hôtes de passage, tes livres nous ont en quelque sorte conduits chez nous de manière que nous puissions enfin savoir qui et où nous étions » (acad. post. I 3)[5].

Cette importance des mythes pour la société ainsi que pour chaque individu et, par conséquent, la force de l’imaginaire étaient, on le voit, connues des Anciens. Beaucoup la postulent encore de nos jours. À titre d’exemples je ne citerai que deux ouvrages qui, tout récemment, chacun à sa façon, illustrent ce fait. En avril 2017 Xavier Darcos a publié Virgile, notre vigie[6]. Par la paronomase dont joue le titre qu’il a choisi (nomen omen, « le nom est un présage », dit le proverbe latin), l’auteur fin connaisseur et féru de Rome[7], révèle d’emblée l’idée générale de son essai : le poète, dans la période troublée où il a vécu a été celui qui observe et qui montre la route pour arriver à bon port. Son dernier chapitre[8] « Vers une humanité réconciliée » dégage « le fil qui relie les divers ouvrages virgiliens, c’est une espérance de stabilité sereine »[9] et montre comment le poète enseigne le sens du sacré, la « sympathie pour le monde animal », le « respect pour le monde végétal », la « tendresse pour les plus modestes des humains »[10] et toutes les vertus qui peuvent fédérer. Cette leçon adressée aux Romains, X. Darcos met en évidence qu’elle vaut aussi pour nous et notre monde. Si j’ai évoqué cet ouvrage, c’est parce que X. Darcos, signalant que le Mantouan se sert de mythes[11], explique leur emploi : « Virgile utilise ce décor et ces personnages mythologiques pour interpréter l’histoire de Rome, pour légitimer sa préhistoire et ses origines, pour donner corps aux pulsions de son histoire (guerres, revers, catastrophes, sursauts…) et afin que le destin ne semble pas immérité, toujours tiré vers le haut, vers une grandeur qui permette aussi la stabilité, la paix, un rayonnement mondial »[12]. Des phrases comme « Tout récit mythologique est une représentation de l’histoire et une interprétation du monde »[13] auraient pu naître sous la plume de JT. Les lignes sur Énée chez l’un et chez l’autre, sa capacité de résilience, son voyage-initiation, métaphore de l’aventure humaine, présentent bien des points communs. Chez X. Darcos et chez JT on rencontre la même croyance que les mythes avaient assez de pouvoir pour guider les Anciens et qu’ils gardent la même efficacité pour nous. La différence est que c’est implicite chez X. Darcos, alors que JT, conjoignant anthropologie et neurosciences, en explicite
les raisons.

La seconde voix que j’évoquerai est celle de Géraldine Crevat dans son opuscule[14] Superhéros en pyjama. Elle aussi illustre à sa manière la véracité de ce qu’explique JT. Elle propose en effet un procédé de développement personnel basé sur la mythologie et la philosophie antiques. Elle affirme[15] que le « mythe est un fabuleux livre d’images destiné à faire grandir les hommes ». Sa méthode repose sur notre capacité à nous identifier aux héros mythologiques[16]— et ce, d’autant plus volontiers que la lecture de leurs légendes présente un caractère ludique. Des titres de chapitre comme « L’imaginaire, un moteur de créativité[17] ou encore « Les bienfaits du merveilleux »[18] sont clairs ! Entre autres, elle raconte les aventures d’Ulysse, de Gilgamesh, de Persée, et à partir de là, fournit une série d’exercices destinés à nous faire prendre conscience que, nous aussi, nous avons des super-pouvoirs qu’il suffit simplement de réveiller, que nous sommes « des super-héros en pyjama », c’est‑à‑dire à moitié endormis, à l’image d’Ulysse en quasi léthargie pendant des années auprès de Calypso jusqu’au jour où il se prend en main, ce qui le conduit, après une succession d’épreuves qui révèlent ses talents et le font chaque fois grandir, jusqu’au retour à Ithaque où il retrouve sa place en son palais et auprès des siens, c’est‑à‑dire le bonheur. Construire des exercices de développement personnel à partir des péripéties vécues par des personnages mythologiques, n’est-ce pas professer la force de l’imaginaire que théorise JT ? Si leur style est différent puisque G. Crevat utilise la langue de tous les jours, en fait chez ces deux auteurs la doctrine est la même : JT l’explique scientifiquement, G. Crevat l’applique pratiquement.

Joël Thomas, professeur d’université, Xavier Darcos, ancien ministre, membre de l’Académie française et de l’Académie des Sciences morales et politiques (en outre agrégé de lettres classiques et docteur en littérature latine), Géraldine Crevat, conseil en communication – stratégie et spécialiste de l’accompagnement de personnes à haut potentiel, trois personnalités très différentes ! J’ignore s’ils se connaissent. Et pourtant tous trois montrent qu’ils croient à la puissance de l’imaginaire à l’œuvre dans les mythes gréco-romains en vue de la construction de soi et du monde. Un autre trait commun entre eux est le sentiment de sérénité qui se dégage de leurs ouvrages. P.-A. Deproost qui a préfacé le livre de JT résume bien (p. 7) la sensation qu’éprouve le lecteur : « tandis qu’il écrivait ce livre, Joël Thomas fut certainement un homme heureux ». En effet, en lisant cet ouvrage, on a l’impression que cet universitaire a rassemblé en une splendide tapisserie tous les fils que constituaient ses études particulières précédentes ; il a achevé l’œuvre de toute une vie en plénitude, ce qui explique un ton détendu qui affleure par moments, des apartés où il se permet des réflexions sur ce qu’il est en train d’écrire ou sur les personnages dont il narre les aventures, réflexions non dénuées d’humour parfois. Le livre de X. Darcos, lui aussi, ruisselle de plaisir — le même sans doute que celui qu’il éprouvait élève à fréquenter Virgile, d’après son préambule. On le devine dans la multiplication des traductions pour la plupart personnelles très bien venues qui émaillent ses pages, dans sa gourmandise à entrer dans les détails, à donner le plus d’explications possible, à comparer avec d’autres écrivains, d’autres époques. Atmosphère heureuse également que celle du livre de G. Crevat dont la présentation originale mêle fiches d’activités pour le lecteur à ce qu’elle appelle un « roman », c’est-à-dire l’autobiographie d’une adolescente qui, au sortir de la petite enfance où elle avait ses super‑héros favoris, rencontre, en grandissant et au fil de ses études, la mythologie gréco-romaine, puis la mythologie du Moyen-Orient, puis la philosophie antique. Chacune de ces étapes lui apporte une satisfaction, une sorte de bonheur, encore imparfait certes puisque l’étape suivante doit le compléter, mais une sorte de bonheur tout de même[19] ! La fréquentation des mythes rend heureux ! Elle rend aussi optimiste : face à notre société en détresse et à notre difficulté à vivre, la dernière phrase de JT est : « comprendre le mythe, c’est le faire sien, et guérir » (p. 179). X. Darcos, « le monde étant perçu a priori comme une menace », préconise : « prenons Virgile comme un remède mental »[20]. Quant à G. Crevat, ses analyses lui inspirent un très beau schéma[21] dans lequel on part de « Chaos. Vie en peine » et en reproduisant les divers états d’esprit qui sont autant de phases par lesquelles passent les héros mythologiques qu’elle a choisis on aboutit à « Harmonie. Vie heureuse » !

Lucienne Deschamps, Université Bordeaux Montaigne

[1]. J. Thomas dir., Paris 1998.

[2]. En coll. avec F. Monneyron, Paris 2002.

[3]. JT aurait pu évoquer à ce propos l’étymologie que Varron professait pour chaos : quare ut a cauo cauea et caullae et conuallis, cauata uallis, et caue<rn>ae cauatione<s> ut <n>au<i>um, sic ortum, unde omnia apud Hesiodum, a chao cauo caelum (ling. V 20, texte de J. Collart, Varron, La langue latine V, Les Belles Lettres, Paris 1954), « ainsi de même que viennent de cauus (creux), cauea (enceinte), caullae (barrières) et conuallis (vallée encaissée), cauata uallis (vallée creusée), et cauernae (cavernes), cavités comme celles des navires, de même est issu du chaos creux caelum (le ciel) d’où tout provient chez Hésiode ». Varron pour qui le nom d’une chose est partie intégrante de cette chose, parle ici à la fois d’un point de vue linguistique (sur les liens étymologiques entre chaos et cauus, « creux », voir aussi ling. V 19) et d’un point de vue mythologique.

[4]. À ce propos JT aurait pu évoquer la présentation du chant de Silène dans la sixième Bucolique de Virgile. La plupart du temps, le Mantouan désigne l’activité de ce personnage mythologique, chanteur, c’est-à-dire artiste, par canit, mais aux vers 62-63, on lit tum Phaethontiadas musco circumdat amarae / corticis, atque solo proceras erigit alnos, « puis il (sc. Silène) enveloppe les sœurs de Phaéton dans la mousse d’une écorce amère, et, hors du sol, il les fait surgir, aunes élancés » (trad. de E. de Saint Denis, Les Belles Lettres, Paris 1963) ; à ce passage du poète s’appliquerait parfaitement la théorie de Lacan sur le langage, (Lacan que JT cite si souvent).

[5]. Nos in nostra urbe peregrinantis errantisque tamquam hospites tui libri quasi domum deduxerunt ut possemus aliquando qui et ubi essemus agnoscere.

[6]. Paris, Fayard.

[7]. Il a publié, par exemple, un Dictionnaire amoureux de la Rome antique, Paris 2007.

[8]. En neuf chapitres X. Darcos met en évidence les désordres de ce temps-là et décrit les premières œuvres de l’écrivain (« Du chaos à la glèbe »), analyse l’évolution qui le conduit à l’Énéide (« Le roman national romain »), montre comment de nombreux points de vue il fait la jonction entre deux mondes, deux époques, deux conceptions (« Un entre-deux »). Les chapitres suivants traitent des grandes problématiques qu’on trouve abordées par Virgile : « L’Homme dans l’Histoire », « L’invisible et l’humain », « L’équilibre du monde », « L’amour est une épreuve », « La beauté et les leçons de la nature ».

[9]. Virgile…, p. 237.

[10]. Virgile…, p. 253.

[11]. Virgile…, p. 237 : « Il lui (sc. à Virgile) était presque impossible de renoncer aux références légendaires qui structuraient l’imaginaire antique ».

[12]. Virgile…, p. 238-239.

[13]. Virgile…, p. 46 à propos des âges d’or, d’argent, etc.

[14]. Super-héros en pyjama. Entre mythe et réalité, Paris 2017. Voir la présentation que j’ai faite de ce livre dans le carnet de recherche de la Revue des Études Anciennes : https://reainfo.hypotheses.org/9888.

[15]. Super-héros…, p. 102.

[16]. Voir, par ex. Super-héros…, p. 91 : « Ainsi chaque aventure épique est-elle susceptible de nous servir de référence. L’histoire d’Ulysse, de Gilgamesh, ou celle de Persée nous aident à nous projeter dans des situations complexes de la vie quotidienne ».

[17]. Super-héros…, p. 95.

[18]. Super-héros… , p. 102.

[19]. Son héroïne décrit les dispositions dans lesquelles elle se trouvait pendant cette quête à la p. 64 de Super-héros… : « L’esprit en ouverture, j’étais confiante ».

[20]. Virgile…, p. 187.

[21]. Super-héros…, p. 90.