Dans ce quatorzième volume des SLLRH sont réunies, et éditées avec soin (coquille p. 57, l. 15 ; p. 79, l. 21, oubli de Tullus Hostilius), vingt-cinq contributions couvrant le vaste champ de l’histoire et de la littérature romaine des premiers temps de la ville jusqu’au début du VIe s. Cette livraison, si on la compare avec la précédente, réserve davantage de place aux questions historiques. De même, un grand nombre de contributeurs insistent sur les aspects ou les implications méthodologiques de leurs enquêtes. La lecture de l’ensemble pourrait même conduire à une réflexion sur le statut des sources littéraires dans les études sur l’Antiquité.
D’abord, certaines contributions sont fondées essentiellement sur un matériel non littéraire : L.L. Holland (p. 95-114) livre une nouvelle interprétation d’un ex-voto (pointe de lance) inscrit datant du milieu de la République et trouvé dans les fouilles du sanctuaire de Diane sur le lac Nemi (CIL, I2, 45) ; L. Bablitz (p. 235-275) s’attache aux représentations dans l’art romain des plates-formes temporaires élevées pour prononcer des adlocutiones, rendre la justice, faire des distributions publiques… ; sont envisagés, pour la période allant d’Auguste à Marc-Aurèle, leur hauteur, leurs matériaux, leurs fonctions ; J. Bennett (p. 283-305) examine le rôle et le déploiement des unités auxiliaires en garnison en Lycie et en Pamphylie, B.‑Z. Rozenfeld et J. Menirav (p. 394-428) les différentes formes d’annonces commerciales (mention du producteur sur le produit, annonces peintes, crieurs, démonstrations, enseignes…) en Palestine romaine. En d’autres occasions, malgré la présence, dans le corpus, de textes, ceux-ci sont exploités uniquement au service d’une reconstruction historique, qu’il s’agisse de déterminer que l’empereur Caligula continua d’être en proie à des crises d’épilepsie à l’âge adulte (D. D. Woods, p. 306-312) ou de préciser la carrière d’Olybrius, membre de la famille des Anicii, consul en 395 ap. J.‑C. (G. D. Dunn, p. 429‑444).
D’autres s’interrogent davantage sur l’utilisation des textes, ce qui les amène à comparer les différents témoignages et à s’interroger sur leur nature : A. Koptev (p. 5-83) enchaîne les rapprochements en vue d’élaborer diverses hypothèses sur les récits relatifs aux rois de Rome et, surtout, de suggérer que la liste de rois fournie par Timée devait comporter huit noms ; J. H. Richardson (p. 84-94) invite à ne pas considérer nos témoignages sur les traités romano-carthaginois (Polybe, Tite‑Live, Diodore) comme autant de pièces d’un puzzle qu’il conviendrait de reconstituer, mais comme le produit de traditions partiellement inconciliables ; M. B. Charles et P. Rhodan (p. 177-188) reviennent sur le rôle des éléphants (aussi leur nombre et leur équipement) lors de la bataille de Thapsus ; B. Kelly (p. 209-234) incline à relativiser le rôle joué par Q. Dellius parmi les sources sur la campagne d’Antoine contre les Parthes en 36 av. J.‑C. Tournée sur la construction du récit historique lui-même, M. T. Boatwright (p. 375-393) s’arrête sur le chapitre des Annales consacré aux funérailles d’Agrippine, dont elle montre l’intégration au portrait d’ensemble que Tacite laisse de la mère de Néron.
Par ailleurs, c’est le lien entre le texte et son contexte de production qui est avancé comme clé d’explication par A. Peer (p. 189‑208), qui aborde le Pro Rege Deiotaro à la lumière de la relation de Cicéron avec César, en écho notamment au Bellum Ciuile de ce dernier. À cet égard, d’autres contributions relèvent de l’histoire littéraire, ainsi l’essai de Y. Maes (p. 313-323) sur la notion de grotesque dans la littérature néronienne ou celui de M. Thomson (p. 445-475) qui, sur la base de rapprochements entre l’Histoire Auguste et Ausone, est tenté d’attribuer la première à un imitateur du second : Iulius (ou Iunius) Naucellius. Pour sa part, J. Moorhead (p. 476‑499) met en avant que la lecture à haute voix est le mode habituel de lecture dans l’Antiquité tardive, ce dont il mesure les répercussions à la fois sur ceux qui pratiquent cette lecture, sur ceux qui l’entendent (spéc. mémorisation) et sur les auteurs eux-mêmes. S. Grebe (p. 500‑504) explique le choix de Martianus Capella de faire se marier Mercure avec Philologie (et non avec Philosophie, Mantique ou Psychè) par des considérations arithmétiques : si on divise par 9 la somme des valeurs numériques des lettres grecques des noms des deux époux, on trouve comme restes 3 et 4, correspondant au trivium et au quadrivium.
Enfin, certaines enquêtes sont plus proprement littéraires, ainsi celles qui portent sur des poètes : C. Saylor (p. 115-130) s’intéresse au statut des personnages qui se sont opposés aux héros dans les comédies de Plaute et de Térence : sont-ils inclus dans le groupe des vainqueurs (Rudens, Mercator, Pseudolus…) ou au contraire en sont-ils exclus (Poenulus, Persa, Casina…) ? ; J. Clarke (p. 131-143) s’attache à l’expression du deuil dans le Carmen 65 de Catulle, M. De Wilde (p. 144-176) au rapport à Callimaque dans le Carmen 66 ; il suggère une lecture platonicienne de ce même poème, lecture dont seraient représentatives quelques réminiscences qu’on en trouve chez Apulée ; C. V Vester (p. 324-338) retrace le développement du personnage de Pompée dans le Bellum Ciuile de Lucain, en insistant sur sa réhabilitation finale ; A. Augoustakis (p. 339-347) livre une analyse de Stace, Silves, 5, 4, à la lumière des échos qu’on y trouve à d’autres poèmes ainsi que de la place qu’il occupe dans le recueil ; F. Jones (p. 348-364) voit dans l’utilisation de l’hexamètre par Juvénal un indice de l’élévation de son style, tandis que B.S. Hook, traitant du dernier vers de la satire 3, explore les différentes connotations que le terme caligatus, associé par jeu de mot à d’autres vocables, pourrait revêtir. Pour le reste, D. Praet (p. 505-517) propose de répondre « je suis Horus » à la devinette posée au §4 de l’Historia Apollonii Regis Tyri, C. Deroux (p. 518-528) d’interpréter exire au début du chap. 14 du De Obseruatione ciborum d’Anthimus comme une forme d’exseri.
Olivier Devillers