Cette treizième livraison des SLLRH depuis 1979 est dominée par la littérature et spécialement par la poésie. Une première étude est transversale, celle de F. Jones (p. 5-31), sur les noms propres dans la poésie qu’il qualifie de « douce » (non épique, non tragique et non bucolique), une recherche dont on regrette qu’elle n’intègre pas les observations relatives à Juvénal. Y est envisagé Catulle, qui est par ailleurs au coeur de plusieurs autres articles. On retiendra d’abord ceux de D.R. Sweet (p. 87‑96) sur le carmen 65, avec une interprétation stimulante du simile final, et de J. Warden (p. 97‑154) sur le carmen 66, étude qui commence par une comparaison avec Callimaque fr. 110, se poursuit par une réflexion sur la traduction et se termine par une analyse du carmen 68. On y ajoutera les observations de G.L. Fain (p. 66‑76) sur quelques caractéristiques communes aux poèmes polymétriques de Catulle et aux odes d’Horace ainsi que l’interprétation que donne C. Deroux (p. 77-86) de l’hapax salaputium dans le poème 53. Pour ce qui est de Virgile, c’est l’Énéide qui retient l’attention : J. Whitehorne (p. 224-235) s’intéresse au thème de la cité dans la première hexade, l’envisageant à la lumière de la politique augustéenne (un survol qui aurait peut-être gagné à la prise en compte des données archéologiques, spécialement pour ce qui concerne Carthage ; cf. par ex. H.G. Niemeyer, « Die Stadt Karthago in Vergils Aeneis », AU 36, 2 [1993] p. 41-50), T. Tsakiropoulou‑Summers (p. 236-283) démontre l’existence d’une étroite association entre Didon et la Circé de l’Odyssée et L. Fratantuono (p. 284‑290) revient sur l’épisode du meurtre de Camille par Arruns. Quant aux autres poètes, D. Kozák (p. 53‑65) explore le lien signifiant entre Lucrèce (I, 33‑40) et Homère (Od., VIII, 266‑366) M.F. Williams (p. 291-314) examine l’utilisation par Properce des épigrammes de Posidippe sur la sculpture ; A. Ramírez de Verger (p. 315‑334) discute en détail, de manière le plus souvent critique et en multipliant les notes textuelles présentées sous forme d’apparat critique, l’édition qu’a récemment fournie R.J. Tarrant des Métamorphoses d’Ovide (Oxford 2004) ; S.J. Huskey (p. 335-357) met en évidence les allusions qu’Ovide fait à ses Métamorphoses dans le premier poème des Tristes ; J.M. Pfundstein (p. 358-379) interprète le catalogue des constellations prêté à Junon dans l’Hercule furieux, ce qui le conduit à s’attacher plus largement au rôle de l’astronomie dans la pièce, dans laquelle microcosme et macrocosme sont en interaction ; J.M. Núñez González (p. 380-389) s’interroge sur l’expression bella plus quam ciuilia au début de la Pharsale de Lucain, expression qui renverrait non à une guerre entre citoyens, mais à une guerre, pour ainsi dire suicidaire, de la cité contre elle-même ; R. Marks (p. 390-404) voit dans l’épisode de la mort de Crista et de ses six fils dans les Punica de Silius Italicus une métaphore de l’attitude autodestructrice que le poète prête à Rome dans son évocation de la bataille de Cannes ; J.X. Garthwaite (p. 405‑416) fait porter ses remarques sur la cohérence compositionnelle et thématique du livre III de Martial. Tous ces travaux sur des poètes accordent une grande place à l’intertextualité et aux procédés de composition, ce qui est aussi le cas des deux contributions sur Cicéron, de L.S. Fotheringham (p. 32-52) sur le Pro Archia et de J.A. Stevens (p. 154-165) sur le Somnium Scipionis. Cette recherche du sens se retrouve encore dans l’analyse à la fois épigraphique et
iconographique à laquelle M. Vitiello (p. 440‑461) soumet, à la lumière du thème de l’aduentus, le sarcophage de Iunius Bassus (préfet de la ville mort en 359). On qualifiera davantage d’historiographique le propos de P. Erdkamp (p. 166-182) qui, en se fondant sur les notices relatives au butin et aux victimes des batailles, s’efforce de revaloriser la place occupée par Valerius Antias parmi les sources de Tite-Live. Historique, enfin, est le bilan que R.P. Duncan Jones (p. 183-223), exploitant les apports des travaux et découvertes récents, propose sur les carrières équestres sous le Principat ; il en va de même des pages dans lesquelles M. Gray-Fow (p. 417-427) rassemble les différentes données dont nous disposons sur la vie de Marcia Aurelia Ceionia, concubine de l’empereur Commode, ainsi que de celles dans lesquelles D. Woods (p. 428-439) défend la possibilité que le discours de Bemarchios auquel fait allusion Libanios (Or., 1, 39) ait été composé pour le Mausolée de Constantin à Constantinople. L’étude que E. Bohlin (p. 479‑493) réserve à la définition du cercle par Boèce, Arith., IIII, 30 appartient à l’histoire des sciences ; l’auteur n’en est pas moins amené à faire diverses suggestions sur l’histoire du texte. Enfin, on réservera une place à part au travail de N. Adkin (p. 462‑478) qui ajoute au Lexicon of Ancient Latin Étymologies de R. Maltby (Leeds 1993) 425 étymologies tirées de la lecture de Priscien. À travers ces 25 contributions, disposées comme il est de tradition selon un ordre chronologique, l’ouvrage présente une grande unité, qui ne tient pas seulement à la haute qualité de l’édition (coquille p. 41, l. 19 ; mot oublié p. 435, l. 12 ; un espace manque p. 211, l. 4), mais à l’esprit qui l’anime. Il ne s’agit pas de simplement compiler des articles hétérogènes, mais de défendre à travers eux une conception de l’étude des textes de l’Antiquité basée sur leur lecture minutieuse. En l’occurrence, si l’on voulait donner un sous-titre à la présente livraison, on pourrait choisir « le sens des mots », tant ces derniers, examinés souvent à travers un filtre (celui de la traduction, de la métaphore, de l’allusion, de l’interpolation…) sont au coeur des interprétations souvent stimulantes qui sont proposées.
Olivier Devillers