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Cette grosse monographie, bien présentée et illustrée, constitue la publication de la thèse en co-tutelle de Florian Stilp, inscrite aux universités de Fribourg-en-Brisgau et Paris 1 et soutenue en 2004. Un avant-propos de V. M. Strocka, le directeur allemand de la thèse, rappelle l’importance des travaux que Paul Jacobstahl avait consacrés à cette catégorie de reliefs en terre cuite produits entre 500 et 440, appelés traditionnellement « reliefs méliens », mais dont le lieu de production ne doit pas être situé dans l’île de Mélos, ce qui justifie l’abandon de cette expression que Florian Stilp propose de remplacer par « reliefs de Jacobstahl », du nom de l’auteur du premier corpus de ces reliefs, publié en 1931.
Le livre de Stilp a donc d’abord pour objet de publier un corpus mis à jour de cette production. Le catalogue de 165 numéros, imprimé en petit corps, occupe la place la plus importante dans l’ouvrage : les pages 157 à 255 avec les notes, avant une liste d’exemplaires du groupe corinthien (p. 257-261) et les 85 planches en noir et blanc plus une planche hors-texte en couleurs. Ce corpus très bien illustré témoigne du sérieux de l’enquête documentaire qui a notamment permis de débusquer des faux et de préciser des provenances. Les notices du catalogue ont été rédigées dans la plupart des cas à la suite d’un examen direct des reliefs et s’ordonnent méthodiquement en rubriques distinctes dont la plus développée est consacrée à l’iconographie.
Le commentaire synthétique qui précède le catalogue fait la part belle à l’étude des thèmes iconographiques, mais aborde aussi tous les aspects de cette production originale. L’étude du collectionnisme est importante pour cerner les lieux de découverte de certains reliefs, sans que leur contexte précis puisse être déterminé pour le XIXe siècle, sauf dans le cas des fouilles de Camiros en 1864. Le succès de ces reliefs a suscité des surmoulages dès les années 1840 dans la région de Naples avant que des ateliers ne créent des faux, notamment à Athènes et Paris à partir des années 1870. Il aurait pu être important à ce sujet d’insérer cette production dans le cadre plus général de la production de terres cuites dans des ateliers de faussaires qui répondaient au goût des collectionneurs fin de siècle pour les tanagras et les myrinas. Je me demande aussi si l’étude n’aurait pas pu évoquer aussi une piste viennoise dans l’élaboration au début du XXe siècle d’une esthétique inspirée du style sévère des « reliefs méliens ».
Les recherches sur ces reliefs sont retracées chronologiquement, avant que Stilp en vienne à présenter clairement ce qui ressort de l’étude technique de la production où certains aspects restent difficiles à reconstituer. La partie consacrée aux modèles permet de poser la question de la production et de son évolution ainsi que des caractéristiques des ateliers. Stilp est très attaché à une approche concrète. Il aurait pu résumer sous forme d’un ou deux schémas ce processus de production et de dérivation en s’inspirant d’études sur les modèles sculpturaux classiques comme celle de L. E. Baumer (Vorbilder und Vorlagen. Studien zu klassischen Frauenstatuen und ihrer Verwendung für Reliefs und Statuetten des 5. und 4. Jahrhunderts vor Christus, Acta Bernensia XII, Berne, 1993).
Trois critères permettent de répartir les reliefs en groupes : la technique, la provenance et le style, qui suscite les analyses les plus développées. Stilp distingue ainsi trois grands groupes, outre quelques exemplaires réfractaires à cette catégorisation. La production du premier groupe est localisée en Attique entre 480 et 460, le deuxième devrait être situé, sans plus de précision, dans le monde insulaire ionien entre 490 et 460 et le troisième ne peut être assigné à une région précise. Deux contextes principaux d’utilisation sont attestés : comme offrandes funéraires et ex-voto dans des sanctuaires, ce qui n’exclut pas la possibilité que ces reliefs aient pu aussi orner des maisons.
L’étude iconographique fait parcourir le spectre de la mythologie et des légendes grecques : avec de nombreux renvois au LIMC, qui rendent les comparaisons aisées à suivre, Stilp présente très clairement la structure d’une iconographie dont il relève la polyvalence en l’interprétant comme la marque d’une utilisation de reliefs susceptibles de s’adapter à différents contextes. Son analyse ouvre la voie à d’éventuelles hypothèses sur le statut social de la clientèle, qu’il préfère ne pas aborder vu le caractère lacunaire de notre information.
On trouvera dans cet ouvrage des analyses toujours prudentes et précises qui en rendent la consultation indispensable à quiconque s’intéresse à l’art et à la société dans le monde grec de la première moitié du Ve siècle.

François Queyrel