Trois ans après la parution dans la collection des Sources Canoniques (n°2) d’un volume intitulé Le Code théodosien (livre XVI) et sa réception au Moyen-Âge, sous la direction d’Élisabeth Magnou-Mortier, qui reprenait l’édition Mommsen du texte latin, ce volume livre aux lecteurs les résultats d’un travail collectif d’un GDR du CNRS consacré aux « Textes pour l’histoire de l’Antiquité tardive », sous la responsabilité de François Richard, Roland Delmaire étant la cheville ouvrière d’un diptyque dont le second volet est paru il y a quelques mois sous le même titre et comprend les lois religieuses des quinze premiers livres du Code Théodosien, du Code Justinien et des Constitutions Sirmondiennes (vol. 531 des SC). L’édition de Theodor Mommsen, aidé de Paul Meyer et Paul Krüger, parue à Berlin en 1904-1905, a été reprise et amendée en quatorze cas (p. 109-110) : 2, 11 (ad Longinum au lieu d’ad Longinianum ; per affectiones pour Perfectione) ; 2, 14 (ministrari oportet aut plutôt que ministrari oportet ut) ; 2, 42 (aliquo non exiret en lieu et place de aliquas… non exire) ; 5, 49 (aerarii nostri pour sacrarii nostri) ; 5, 63 (en supprimant la lacune retenue par Mommsen) ; 6, 2 (ad Flauianum uic. Africae au lieu de ad Florianum uic. Asiae ; Confl(uentibus) pour Const. développé en Const(antino)p(o)li) ; 7, 3 (superno numini proposé en note par Mommsen pour superno nomine) ; 8, 6 (Imp. Constantinus plutôt que Constantius) ; 8, 18 (ne locis suis au lieu de ne iocis suis) ; 8, 19 (abduceret fideli pour abducere fideli) ; 9, 2 (Imp. Constantinus plutôt que Constantius) et 10, 20 (centenarios pour centonarios). La traduction avait été entreprise par Jean Rougé dans les années 1970, était achevée à sa mort en 1991 et avait été transmise aux Sources Chrétiennes. Elle a donc fait l’objet de vérifications et de corrections, Roland Delmaire s’attelant à une annotation historique complète. — Ce volume des SC comprend en outre une très ample introduction (p. 13-107) qui propose, sous la plume de l’un des meilleurs spécialistes du droit romain et de l’histoire de l’Antiquité tardive, une présentation du Code Théodosien et des problèmes qu’il pose aux historiens de l’empire romain tardif, en ce qui concerne l’établissement du texte ou les problèmes de sa datation ou de la diffusion des lois (p. 24-35), et plus particulièrement un développement sur la législation portant sur les questions d’ordre religieux (p. 35-99). Je relève tout spécialement la mise au point sur les différents types de constitutions (p. 17-21) et le tableau général des lois religieuses entre 313 et 438 (p. 37-52) qui permet de faire l’inventaire des sujets traités, à propos du christianisme, du paganisme et des juifs, mais également de prendre la mesure de la validité des lois (en Occident et en Orient, dans tout l’empire). Sont longuement développés les privilèges des Églises et des clercs depuis Constantin, exemptions de charges, privilèges judiciaires ou droits testamentaires (p.56-69). Un recensement succinct des hérétiques et schismatiques, principalement dans la partie orientale de l’empire (p. 69-79, avec les mesures qu’ils encourent), est utilement complété par une annexe proposant une définition substantielle de tous les mouvements mentionnés dans le livre XVI avec références aux sources et à la bibliographie (p. 473-486). Les deux dernières sections introductives (p. 79-99) font le point sur les païens et apostats et sur les juifs, en dressant notamment la liste des décisions contre les sacrifices, les biens des temples et les fêtes. Un bref développement (p. 93-94) s’intéresse aux survivances du culte impérial, dont il conviendrait de corriger les remarques concernant son établissement (la domus diuina est pour la première fois attestée épigraphiquement sous le règne de Tibère) et son évolution (on peut rejeter l’existence d’une consecratio en bonne et due forme pour Constantin en 337, et se contenter de l’octroi du titre posthume de diuus). Je ne suis pas certain que l’on puisse se satisfaire d’une formule lapidaire concernant l’antisémitisme « bien connu » des Romains qu’il importerait de nuancer suivant les époques (p. 94-95). La conclusion de ces pages dresse un excellent tableau des étapes de la législation religieuse des empereurs chrétiens, de Constantin à Théodose (p. 100-107). — Le texte et la traduction occupent, comme il se doit, l’essentiel du volume (p. 111-471). Chaque constitution fait l’objet d’une présentation, avec sa date et son destinataire ainsi qu’une bibliographie élémentaire, et d’une annotation conséquente qui éclaire les nombreux problèmes rencontrés. Il n’appartient pas à cette brève recension d’entrer dans le détail des discussions de datation et d’identification des collèges impériaux et/ou des fonctionnaires identifiés. On retiendra volontiers la plupart des propositions de R. Delmaire, le résultat étant toujours très stimulant, tant pour les non spécialistes que pour les spécialistes. Je relève par exemple la confrontation riche d’enseignements des développements à propos de la condamnation des pratiques sacrificielles païennes avec l’article de N. Belayche paru la même année (« Realia versus leges ? Les sacrifices de la religion d’État au ive siècle » dans La cuisine et l’autel, Brepols, 2005, p. 343-370). Je relève, à la suite de R. Delmaire, l’intérêt de la constitution 5, 28 qui correspond à l’un des rares rescrits insérés dans les codes Théodosien et Justinien (I, 5, 2) et le seul emploi de papa pour désigner Célestin Ier en 5, 62. Cet outil de travail indispensable pour toute recherche sur le pouvoir normatif des princes, l’évolution religieuse de l’empire tardif et le fonctionnement concret de ce dernier par-delà les césures entre Orient et Occident, comprend une liste des empereurs romains de 313 à 438, un précieux glossaire pour les étudiants peu familiers de certaines réalités du monde romain tardif (p. 497-502), et deux indices des noms et des thèmes (p. 503-521). Il est en outre presque exempt de toute coquille (j’en ai compté tout au plus une dizaine). Il remplit un incontestable vide en langue française, qui sera dans l’avenir comblé par l’entreprise de traduction systématique des seize livres du Code Thédosien chez Brepols, sous la conduite de Sylvie Crogiez et Pierre Jaillette.
Stéphane Benoist