Ce volume, issu d’un Colloque (Paris, 27-29 octobre 2005), réunit, outre une préface – inévitablement intitulée « Entrée » – signée par les deux éditeurs et des conclusions de M. Corbier, seize contributions (sept sont accompagnées de figures ; une bibliographie figure à la fin de chacune) ; deux textes signalés dans la conclusion comme ayant été prononcés lors du Colloque sont absents de la publication (Br. Le Guen, publié ailleurs [références p. 10, n 17], et J.C. Saquete). Les premières pages dressent un état de la bibliographie et dégagent les axes de l’ouvrage : les entrées de souverains dans les cités, élément essentiel de l’autoreprésentation du pouvoir, y seront étudiées de façon diachronique et dans une optique comparatiste, la recherche des interactions sera privilégiée, un intérêt particulier sera porté à la mise en récit de ces cérémonies et la spécificité des rois ou empereurs considérés sera prise en compte. Les deux premières contributions abordent indirectement le thème : à travers les déplacements des Pharaons pour ce qui est de l’Égypte (P. Tallet), à travers la topographie urbaine pour ce qui est de la Mésopotamie ancienne (P. Butterlin) ; de même, les entrées de ville d’Alexandre le Grand permettent d’appréhender celles des Achéménides (P. Briant). Deux études traitent ensuite des périodes hellénistique et romaine : É. Perrin-Saminadayar rend compte, au-delà de l’enthousiasme de circonstance décrit par les textes officiels, du poids que représentaient pour les cités la venue et le séjour de souverains ; R. Haensch s’intéresse aux entrées par mer. Pour ce qui est plus proprement de l’empire romain, J.M. Højte remet en question le lien qui a été souvent établi entre visites impériales et dédicaces de portraits représentant les princes, H. Halfmann celui qui a été établi avec l’évergétisme des empereurs. Pour cette même période, A. Bérenger examine l’aduentus des gouverneurs de province, tandis que Chr. Badel entreprend de préciser une pratique relevant du code gestuel, la salutatio ; à partir de trois exemples (Galba, Vitellius, Septime Sévère), E. Flaig note le caractère particulier que revêtent les entrées à Rome des princes qui ont été proclamés en dehors de l’Vrbs ; discutant un cas particulier, G. Sauron démontre comment, au retour de sa tournée en Grèce, Néron a systématiquement détourné le déroulement traditionnel de la cérémonie du triomphe. Pour ce qui regarde l’Antiquité tardive, R.W. Mathisen s’attache aux cérémonies d’investiture des consuls, que ceux-ci soient ou non empereurs, B. Puech à un texte particulier, l’Érotikos ou Sur la Beauté royale de Thémistios (376 apr. J.‑C.), dans lequel l’aduentus de l’empereur est détourné en triomphe de la ville de Rome. Deux études concernent l’empire byzantin, l’une sur les VIIe-IXe s. (M. Nichanian), l’autre sur l’époque des Comnènes (1081-1185 ; S. Lerou). Enfin, un contrepoint stimulant est offert par L. Gabbiani qui, à propos de la Chine de la dynastie Qing (1644-1911), présente un mode de représentation du pouvoir basé sur l’invisibilité de celui-ci, l’empereur étant, lors de ses déplacements, caché à la vue du commun.
Certaines préoccupations se dégagent davantage, soulignant la parenté du thème avec d’autres problématiques : les limites territoriales des royaumes (P. Tallet), les liens politiques entre pouvoir central et cités (P. Butterlin), le dialogue entre gouvernant et peuple (Chr. Badel, E. Flaig), entre divers organes du pouvoir (R.W. Mathisen), entre pouvoir et aristocratie (M. Nichanian, S. Lerou, B. Puech), les rivalités entre cités (A. Bérenger), la fonction militaire du souverain (M. Nichanian), sa légitimation (E. Flaig, S. Lerou, L. Gabbiani, M. Corbier), la fiabilité des récits dont nous disposons (É. Perrin‑Saminadayar, R. Haensch, A. Bérenger, B. Puech, G. Sauron, M. Corbier)… ; l’absence d’improvisation de telles manifestations ressort de nombreux textes (cf. M. Corbier) et leurs implications religieuses sont plus d’une fois évoquées (P. Tallet, P. Butterlin, M. Nichanian, S. Lerou, G. Sauron). Peut-être, tant qu’à multiplier les angles d’approche, le thème aurait-il pu recevoir un éclairage de la part d’autres acceptions de l’aduentus, ainsi dans le domaine militaire, où le terme se réfère à l’effet provoqué par l’arrivée sur le théâtre des opérations d’un général auréolé de prestige. Pour le reste, malgré l’incontestable diversité des cérémonies décrites, on ne peut que souligner la remarquable homogénéité des contributions, dans leur forme, leur ton, leurs objectifs, l’exploitation qu’elles font de sources variées ; les états de la question sont toujours établis avec soin et sur la base de la documentation existante (par ex. S. Lerou), sans que soit pour autant exclues les approches nouvelles et les remises en cause d’opinions reçues (par ex. J.M. Højte, Chr. Badel). Un index des noms de lieux aurait été utile pour croiser des informations figurant dans des contributions différentes.
Olivier Devillers