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Entre mars et décembre 2021 s’est tenu au musée de Tivoli une belle exposition consacrée au territoire de cette cité du Latium, en Italie centrale, bien connue pour abriter la villa de l’empereur Hadrien dont c’était le 20e anniversaire de l’inscription au patrimoine mondial par l’Unesco. Cette région au climat agréable, à une trentaine de km à l’est de Rome à laquelle elle était reliée par la via Tiburtina, et aux riches possibilités agricoles, fut pendant quatre siècles un lieu de villégiature privilégié pour les membres de la riche aristocratie romaine. Plus d’une centaine de villa plus luxueuses les unes que les autres, souvent bâties sur les pentes des collines pour profiter de vues panoramiques, sortirent du sol dès la fin du IIe siècle av. J.-C. ; leurs ruines aujourd’hui se cachent parmi les oliviers séculaires ou sont intégrées dans des bâtiments ultérieurs, dans le cœur même de la ville de Tivoli, le parc de la « villa Gregoriana » pour la villa du consul Manlius Vospiscus, ou le couvent San Antonio pour celle du poète Horace.

Le catalogue de cette exposition organisée par l’Administration communale, l’Istituto villa Adriana e villa d’Este et la superintendance territoriale, réunit 36 contributions, dont une dizaine consacrée à la villa Adriana. Y sont décrits le paysage et son évolution, les communications routières et fluviales, les cultures et quelques propriétés appartenant, d’après les sources littéraires et épigraphiques, à de grands noms de la vie politique romaine (Brutus, Cassius, Calpurnius Pison, César, Manlius Vopiscus, Antoine, les Quintilii Varii, les Caecili Metelli…) ou de la culture : Horace, Properce, Catule, Mécène, Salluste… À ces villa d’otium était souvent rattachée au Ier siècle av. J.-C. une partie agricole qui fournissait du vin, de l’huile, des légumes et des fruits, selon le modèle catonien. Mais, la plus grande part des richesses provenaient de l’exploitation des carrières de travertin exporté par le cours de l’Aniene.

La construction de la villa Adriana au IIe siècle apr. augmenta le nombre des villae et plusieurs, déjà existantes, subirent des agrandissements et des restaurations dont témoignent de nouveaux modes de construction. L’occupation du territoire se poursuivit au siècle suivant avant qu’il connaisse l’abandon aux IVe et Ve siècles, sans doute en raison des incursions barbares. Seule la zone des Aquae Albulae, célèbre pour ses sources d’eau sulfureuse curative, connut une permanence, il existait encore au VIe siècle un grand domaine proche qui passait pour avoir été la résidence d’exil de Zénobie de Palmyre.

L’inventaire dressé par le catalogue de l’exposition fait le constat d’une grande dégradation de ces villae dont très peu ont été fouillées selon des techniques scientifiques modernes et dont la protection a longtemps été négligée. Beaucoup d’objets censés en provenir n’ont pas été suffisamment répertoriés avec soin, notamment quant à leur provenance exacte, la plupart venant des pillages effectués à l’époque de la Renaissance. Une villa néanmoins, celle des Quintilii Varii, fut explorée dans les années soixante-dix-quatre-vingt. Elle révèle une construction au sommet de la colline du Quintiliolo effectuée en deux temps (d’abord au milieu du IIe siècle av. J.-C. en opus incertum, puis aux Ier et le IIe siècles apr. J.-C. en opus mixtum) sur des terrasses accessibles par des rampes. Sur l’une d’elles, au premier niveau, se trouvait une grande piscine de natation (62,80mx24m) alimentée par un aqueduc. Des nymphées, des cryptoportiques aux parois ornées de stucs, des mosaïques, des décors en « breccia quintilliana » (arrangements de plusieurs marbres et pierres dures polychromes), des statues et des jardins luxueusement aménagés complétaient le décor de ces magnifiques villa de loisirs.

Si de toutes ces constructions il ne reste aujourd’hui que de pauvres vestiges, on peut se faire une idée de ce qu’étaient certaines d’entre elles encore aux XVIIe et XIXe siècles grâce aux dessins effectués par les voyageurs et les peintres. L’exposition offrait notamment à voir un certain nombre de dessins réalisés par Giovanni Battista Piranese qui appréciait particulièrement  Tivoli et sa région, au milieu du XVIIIe siècle. La villa Adriana y tient une grande place à l’instar des nombreux articles qui lui sont consacrés dans le catalogue sur divers sujets : historique du lieu, phases de construction, étude du canope, le catalogue des sculptures et leurs localisations actuelles, les restaurations etc.

Cette magnifique publication est plus qu’un catalogue d’exposition, c’est une véritable synthèse sur la région tiburtine, remarquablement et abondamment illustrée avec de multiples et excellents plans, des photographies anciennes et récentes. Chaque article se conclut par une bibliographie particulière et une longue bibliographie est insérée à la fin du livre. Un répertoire des objets et des sculptures provenant de la zone étudiée avec leur lieu de conservation et un catalogue de 110 villa par époque de construction, reportées sur une carte, complètent ce travail auquel ont collaboré trente-six spécialistes.

Nul doute que cet ouvrage d’excellente qualité avec ses études multiples intelligemment illustrées seront utiles aux archéologues, aux historiens et historiens d’art.

Annie Sartre-Fauriat, émérite Université d’Artois

Publié en ligne le 23 septembre 2022.