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Contrairement à ce que le titre de l’ouvrage laisse penser, il ne s’agit pas d’une synthèse sur les étrangers à Athènes, mais d’une suite d’études de cas articulées en quatre parties : la manière de nommer les étrangers, les associations vouées à Bendis, les écoles philosophiques, les tombeaux des étrangers. Dans une perspective sociale et microhistorique, en se plaçant au niveau de (relativement) petits groupes et des individus, G. entend analyser la manière dont les étrangers se perçoivent et sont perçus par la cité, leur place dans l’espace public et les liens de sociabilité qu’ils développent entre eux et avec les citoyens. Pour ce faire, il mobilise les textes écrits par les Athéniens sur les étrangers (discours des orateurs, traités philosophiques, décrets honorifiques) et ceux émanant des étrangers eux-mêmes (épitaphes, dédicaces, décrets d’associations). Il fournit en annexe la quinzaine de documents épigraphiques émanant des associations bendidéennes (étudiées dans la partie II), chose louable mais on regrette que les erreurs de traduction et d’interprétation y soient si nombreuses (voir infra).

Dès l’introduction, plusieurs problèmes se posent. L’a. part d’un faux constat historiographique : « Les historiens contemporains n’ont guère porté leur regard sur la place des étrangers dans la société athénienne » (p. 12). Or il existe pléthore d’études sur le sujet, et ce depuis le XIXe s., ainsi qu’en témoigne la bibliographie même de G. Ces études se concentrent il est vrai sur les métèques en premier lieu, car c’est sur eux que les sources sont les plus nombreuses, et avant tout sur l’époque classique, alors que l’époque hellénistique a été moins traitée et dans une perspective essentiellement culturelle. G. a le mérite d’inclure le IIIe s. dans son enquête, mais alors qu’il annonce retenir les étrangers dans toute leur diversité (Grecs et non Grecs, étrangers de passage, étrangers résidents [métèques, isotèles, affranchis], étrangers non libres), et qu’il entend sortir de l’ombre les femmes et les enfants, force est de constater que son étude porte surtout sur les hommes libres aisés (ainsi qu’il l’admet lui-même dans la conclusion). Sa sélection de cas (soldats en garnison, associations bendidéennes, écoles philosophiques, périboles funéraires du Céramique) ne pouvait qu’aboutir à ce résultat.

La justification des bornes chronologiques laisse par ailleurs perplexe : alors que l’a. est sensible aux différentes catégories d’étrangers et affirme ne pas vouloir se limiter aux métèques, il adopte pour critère temporel de son étude précisément l’existence du statut de métèque, qui émerge dans les sources dans la première moitié du Ve s. et en disparaît vers la fin du IIIs. N’aurait-il pas été pertinent d’inclure le IIs., période de changements importants dans la condition des étrangers, notamment avec l’intégration de certains d’entre eux à l’éphébie ? D’autant plus que G. lui-même s’autorise des incursions dans le IIe s., à propos des orgéons de Bendis notamment puisque les documents les concernant descendent jusque vers 100 a.C.

Dans la première partie, G. étudie les dénominations des étrangers libres, qu’elles soient utilisées par les citoyens ou par eux-mêmes (on relève l’absence de bibliographie sur les ethniques, à commencer par P. M. Fraser, Greek Ethnic Terminology). Dans le chapitre sur les dénominations utilisées par la cité, sont analysés les xénoi, les métèques, les paroikoi, les isotèles et, de manière étonnante, les katoikountes. G. considère ces derniers comme une catégorie d’étrangers résidents à différencier des métèques, qui ne posséderait pas de connotation fiscale. En réalité, il ne s’agit pas d’un statut différent mais simplement d’une manière pour la cité de désigner dans ses décrets honorifiques des métèques qu’elle récompense, κατοικοῦντες/κῶν Ἀθήνησιν. Qui plus est, l’a. introduit à tort, parmi les parallèles, des inscriptions dans lesquelles les katoikountes sont en fait des clérouques athéniens (par ex. IG II3 1, 884). Il conclut que les citoyens imposent ou proposent des statuts aux étrangers, lesquels sont libres de les reprendre à leur compte ou non : ainsi, ils ne se qualifient pas eux-mêmes de métèques, préférant utiliser leur ethnique ; en revanche ils s’affichent volontiers comme isotèles, fiers d’avoir obtenu ce statut privilégié.

Dans un deuxième chapitre, G. s’intéresse aux dénominations utilisées par des étrangers pour se désigner lorsqu’ils appartiennent à des groupes plus ou moins structurés : les exilés se dénomment le plus souvent par leur ethnique ; certains étrangers se définissent plutôt par une activité professionnelle. G. fait grand cas de la taille des lettres dans les inscriptions où des soldats garnisaires figurent (p. 68‑70), déduisant ainsi pour la base dédicatoire I. Eleusis 210 une « hiérarchie visuelle » entre activité professionnelle et ethnique avec une « mise en valeur » de la première au détriment de la seconde ; cette interprétation ne tient pas compte des contraintes spatiales du lapicide, bien forcé d’écrire les listes de noms en caractères plus petits que le texte de la dédicace.

Dans le chapitre 3, l’a. étudie les pratiques collectives qui définissent les groupes d’étrangers avec, en guise d’étude de cas, les pratiques délibératives des soldats étrangers en garnison à Rhamnonte. Ces derniers apparaissent sous des appellations qui leur sont propres (métèques, paroikoi) ou qui les mêlent aux soldats citoyens (stratiôtai, phrouroi). La dénomination de ces groupes de soldats est « souple et choisie en commun » selon l’a., mais on ne voit pas comment les étrangers concernés auraient eu leur mot à dire en la matière, d’autant plus que dans son exemple, il s’agit d’un décret voté par les Rhamnousiens et les Athéniens résidant dans la forteresse (I. Rhamnous 407). Dans la démarche d’honorer certains officiers remarquables, les étrangers peuvent agir seuls, mais ils s’associent souvent avec les soldats citoyens (et parfois aussi avec le dème) car ils partagent des intérêts et un lieu de vie communs.

La deuxième partie est la plus substantielle, avec la troisième. L’a. y étudie les associations cultuelles de Bendis. Instauré par des Thraces à Athènes quelque part au Ve s., le culte de Bendis a rapidement bénéficié de son propre sanctuaire au Pirée avec l’autorisation de la cité, laquelle en fait un culte civique dans le 3e quart du Ve s. Dans les sources antiques, les associations cultuelles de Bendis sont désignées comme groupes d’orgéons (un au Pirée, puis un dans l’asty) ou de thiasotes (à Salamine : un groupe sur l’acropole, puis un au port). Après d’autres, G. considère qu’il n’y a qu’un groupe d’orgéons de Bendis au Pirée, composé de citoyens et, majoritairement, d’étrangers, mais il faut bien dire que la composante citoyenne ne figure pas clairement dans les sources. Dans ce contexte, l’a. tente longuement (p. 109‑118 et 171-172) de démontrer que les hiéropes mentionnés dans deux inscriptions des orgéons du Pirée sont des magistrats de la cité, ce qui ne peut être accepté pour la « loi des orgéons du Pirée » (annexe no 2) : les hiéropes y sont chargés de récolter une taxe auprès des orgéons afin de financer le sacrifice que le groupe offrira aux Bendideia et, de concert avec les épimélètes (que l’a. reconnaît être des membres de l’association), ils sont tenus d’organiser les réunions mensuelles du groupe. Cette dernière responsabilité en particulier interdit d’y voir des magistrats civiques, lesquels n’interviennent jamais dans les réunions des groupes subciviques, même dans des cas d’ingérence forte de la cité dans les cultes locaux. Les arguments avancés par G. sont aisés à contrer : « Leur [les hiéropes] absence du règlement des affaires internes de l’association (les amendes et la gravure des débiteurs et des stèles sont du ressort des épimélètes et des trésoriers) va dans ce sens » (p. 172). Mais ces tâches ne sont tout simplement pas du ressort des hiéropes. Quant à son argument (p. 115 et 117) selon lequel une association ne pouvait avoir plusieurs hiéropes car la cité n’en avait que dix, il a de quoi surprendre puisqu’il donne lui-même plusieurs exemples de thiases et de groupes d’éranistes pourvus de plusieurs hiéropes (p. 117-118). Il faut donc bien distinguer les hiéropes des associations et ceux de la cité.

G. aborde ensuite la composition des groupes bendidéens, notamment à travers l’onomastique. Alors qu’ils sont unis sous la dénomination de « thrace », utilisée par eux-mêmes et par la cité, cette identification ne correspond pas toujours à la composition réelle de ces koina, qui comprennent, au moins à partir du IIIes., des citoyens et d’autres étrangers que des Thraces. En revanche, aucune femme ni aucun esclave n’est attesté de manière assurée (la prêtresse mise à part), mais cette absence est peut‑être à imputer à la nature des documents car on ne dispose pas de liste de membres de ces associations.

G. se questionne ensuite sur l’identité thrace des koina de Bendis. Si le caractère thrace de la déesse elle-même est incontestable, les pratiques cultuelles, les modes d’organisation et de prise de décision des communautés bendidéennes, les magistratures et la rhétorique des décrets sont calqués sur les pratiques attiques ou plus largement grecques. En revanche, les Bendideia comportent un élément perçu comme nouveau par les Athéniens : une lampadédromie à cheval, or les Thraces sont connus comme peuple de cavaliers. Enfin, le décret des orgéons de Bendis de 240/239 s’en réfère aux coutumes ancestrales des Thraces et aux lois de la cité (annexe no5, l. 23-25) ; c’est donc que le culte de Bendis devait posséder des spécificités thraces. Il est alors surprenant que G. conclue quelques pages plus loin (constatant que les sources ne qualifient jamais Bendis et ses fidèles de xénos ou barbaros) : « Cette spécificité thrace des groupes n’est ni perçue ni vécue comme étrangère. (…) ni la cité ni les fidèles ne considèrent le culte – et ceux qui l’animent – comme étrangers » (p. 190). Or, en octroyant l’enktèsis aux Thraces pour leur sanctuaire du Pirée, les Athéniens les considéraient bien comme des étrangers ; à cela s’ajoutent les observations de Socrate (Platon, République, I, 327a) sur la première fête civique de Bendis, où il distingue la procession des Thraces de celle des « indigènes » (épichôrioi). L’a. conclut que le culte de Bendis donne l’occasion aux étrangers de participer à la vie de la cité, de développer une activité de sociabilité avec des citoyens et de collaborer avec des magistrats civiques. Les Bendideia sont en effet un bel exemple d’une coopération entre les orgéons du Pirée, les orgéons de l’asty et la cité.

La partie III est consacrée aux communautés philosophiques. L’a. se heurte à un problème de sources : il est difficile d’avoir des informations sur la composition des groupes philosophiques, car les documents parlent presque exclusivement des scholarques. En conséquence, son analyse comporte une grande part de suppositions.

Dans le chapitre 6, l’a. s’intéresse aux modalités d’arrivée des étrangers philosophes à Athènes, à leur insertion dans le tissu social et civique et à leur participation à la vie collective. Ceux qui s’installent durablement à Athènes sont rares et se rencontrent surtout parmi les scholarques. Plusieurs raisons expliquent le choix des disciples de venir à Athènes, parmi lesquelles les affinités doctrinales développées dans leur cité d’origine dans des écoles fondées par des philosophes formés à Athènes ou ayant fondé leur école à Athènes (ce cas pouvant mener par la suite à une forte concentration d’étrangers d’une même cité dans la même école athénienne, ainsi les Héracléotes du Pont à l’Académie), ou encore les réseaux familiaux et amicaux qui facilitent l’intégration des étrangers dans les écoles philosophiques.

Dans le septième chapitre, G. explore le cadre de vie et les modes de fonctionnement des groupes philosophiques à Athènes, où les étrangers côtoient les citoyens. Les origines ethniques ne sont pas un critère discriminant : ce sont l’âge et les qualités intellectuelles qui structurent les communautés. La place des étrangers dans les écoles philosophiques est donc différente de celle que la cité leur attribue : dans ces groupes ils peuvent s’engager facilement dans la vie collective, participer aux décisions communes, et sont égaux aux citoyens.

Dans le chapitre 8, G. se demande si les écoles de philosophie sont ouvertes sur l’extérieur et permettent aux étrangers de rencontrer des habitants de l’Attique en dehors des lieux d’enseignement. Il conclut à un « isolement très relatif » des étrangers qui fréquentent les écoles de philosophie : ils développent des réseaux et des amitiés au contact des Athéniens à l’intérieur même des écoles (avec lesquels ils partagent souvent une même position socio-économique, étant issus comme eux de riches familles) et entre les écoles, et ces liens dépassent ensuite les cercles philosophiques étroits dans le cadre de conférences grand public ou de banquets.

Dans le chapitre 9, G. se demande comment les philosophes étrangers se perçoivent et sont perçus par la cité. Il cherche la réponse à la première question dans quelques sources littéraires et dans des listes de souscripteurs publics. En définitive, les philosophes ne nient pas leur origine, au contraire, ils semblent très attachés à leur patrie d’origine (comme le montrent aussi leurs testaments). Quant à la deuxième question, G. mobilise les décrets civiques honorant des philosophes étrangers. Ces textes ne mettent pas spécialement en avant leur activité de philosophe, et les traitent comme n’importe quel autre étranger bienfaiteur. En raison de leur situation économique, souvent aisée, ils sont régulièrement amenés à aider financièrement la cité, mais en cela ils agissent comme d’autres métèques riches et non en tant que philosophes. Parfois cependant, c’est davantage en tant que philosophes qu’ils se montrent utiles pour la cité : c’est le cas lorsque des scholarques ont été choisis comme ambassadeurs. G. montre par ailleurs que les liens qui se tissent entre Athéniens et étrangers dans une école philosophique peuvent s’avérer utiles dans l’avenir, pour les uns comme pour les autres.

Dans la quatrième et dernière partie, G. s’intéresse aux pratiques funéraires des étrangers, en se concentrant sur le Céramique. Dans le chapitre 10, il étudie la place des étrangers dans la zone nord-est (dèmosion sèma) et dans la zone sud-ouest (tombes privées). Il oppose étrangement « tombes individuelles » et « tombes publiques/civiques », alors qu’il existe des tombes individuelles financées par la cité, ainsi celle de Zénon de Kition. Ce philosophe est le premier étranger enterré dans le dèmosion sèma dans une tombe individuelle (iiie s.), signe d’ouverture de la cité aux étrangers prestigieux selon l’a. La zone sud-ouest, utilisée comme lieu d’inhumation depuis bien plus longtemps que le dèmosion sèma, n’a pas les mêmes valeurs patriotiques et civiques que ce dernier. G. constate une présence nombreuse et continue des étrangers dans cet espace, et ce dès l’époque archaïque, même s’ils n’y sont jamais majoritaires.

Au fil des chapitres, G. ne remarque aucune différence entre les périboles, reliefs funéraires et offrandes des étrangers (grecs et non grecs) et ceux des citoyens ; les étrangers ont adopté les pratiques funéraires attiques et n’ont pas cherché à se distinguer. En définitive, seule semble compter l’affirmation de l’appartenance à une classe sociale aisée, et l’occupation des espaces funéraires au Céramique serait une manifestation claire de l’intégration des étrangers dans la communauté des habitants de l’Attique. G. n’insiste pas suffisamment sur le fait que dans les épitaphes, les étrangers sont en principe immédiatement reconnaissables par la mention de l’ethnique, de même qu’à l’inverse, les citoyens ne manquent que rarement de préciser leur démotique ; les statuts sont donc, le plus souvent, clairement affichés. En outre, on constate là encore un problème de méthode : dans le chapitre 11, G. sélectionne les stèles funéraires ornées d’un relief pour deux groupes d’étrangers : les Thraces et les Héracléotes. Pour ces derniers, on se demande ce qui justifie de les rassembler : en effet, l’ethnique Ἡρακλεώτης peut se rapporter à plusieurs cités différentes. Les regrouper ainsi donne l’illusion d’un ensemble de personnes de même origine. G. ne constate aucune différence dans l’iconographie entre ces images d’étrangers et celles de citoyens athéniens, mais son échantillonnage est bien mince (8 reliefs) ; il aurait fallu prendre en compte d’autres monuments funéraires (pour des Phéniciens par ex.), où l’étranger affiche son origine par l’iconographie ou la langue de l’épitaphe.

La conclusion brosse un portrait optimiste de la situation des étrangers à Athènes : loin d’être exclus, ils ont de nombreuses occasions de développer des liens sociaux, notamment au sein des associations, et ils fréquentent divers espaces au sein de la cité (religieux, intellectuels, funéraires) où ils coexistent et collaborent avec les citoyens. Sans être citoyens, ils sont bel et bien membres de la communauté athénienne. Soulignant que la dénomination de « métèque » est peu mise en avant par les étrangers, G. parle même d’une « déconnexion entre expérience vécue et statut juridique » (p. 376). Il convient de préciser que tout était fait au quotidien pour rappeler au métèque son statut inférieur : taxes spéciales à payer à la cité, interdiction de participer à la vie politique qui se déroule en permanence sous ses yeux, accès impossible aux tribunaux sans l’entremise d’un citoyen, différenciations lors des fêtes civiques (processions, distribution des viandes), interdiction de posséder terrain ou maison, difficulté de contracter un mariage avec un Athénien ou une Athénienne car cela se faisait au prix d’un renoncement pour ces derniers à transmettre le statut de citoyen.

Le cheminement intellectuel de l’a. n’est, bien souvent, pas aisé à suivre. G. se montre quelque peu imprécis dans son usage de la terminologie : ainsi, il a souvent tendance à parler des « étrangers » ou des « étrangers résidents » de manière indifférenciée alors que ces termes ne sont pas synonymes, ou à les utiliser alors qu’il entend en réalité une catégorie d’entre eux. En outre, certains sujets font l’objet d’un développement assez long alors qu’ils sont d’une pertinence toute relative : ainsi p. 174‑184 sur la procession des Bendideia et la reconstitution de son parcours, ou encore p. 184-189 sur l’unité matérielle des stèles portant les décisions des thiases bendidéens de Salamine. Mais surtout, les études de cas ne sont pas suffisamment replacées dans un contexte plus global, alors qu’il s’agit de l’une des règles d’or de la microhistoire : étudier les étrangers au sein des associations vouées à Bendis sans prendre en compte les autres associations religieuses incluant des étrangers ne permet pas d’aboutir à des conclusions objectives ; de même, le choix des philosophes étrangers est surprenant alors que nous en savons si peu sur eux, et le manque de comparaison avec les étrangers dans leur ensemble ne permet pas de réaliser à quel point cette catégorie est tout à fait exceptionnelle ; le cas des soldats étrangers en garnison est pertinent, mais n’aurait-il pas fallu inclure dans l’enquête les mercenaires à Athènes en général ?

Remarques sur l’annexe « Les associations cultuelles de Bendis à Athènes (ive-iie siècles) : corpus épigraphique »

– On regrette que l’a. ne souligne pas toujours les lettres lues par ses prédécesseurs mais les replace dans des crochets ; cela représente une régression par rapport au travail des éditeurs précédents. Par ailleurs, il présente parfois comme des « nouvelles lectures » de son cru des lettres qui en réalité avaient déjà été vues par le passé (par ex. no 1, l. 6 et 17).

– no 1 : rien ne dit que les hiéropes honorés soient sortis de charge à l’époque où le décret a été voté. Il arrive d’honorer les magistrats en charge de fêtes à l’issue de celles-ci, sans attendre la fin de l’année.

– no 2 : sur les hiéropes, voir supra. l. 6 : ce n’est pas une obole et demie à payer pour le sacrifice d’un bovin, mais une drachme, ainsi que l’a correctement lu N. Papazarkadas (SEG 57, 135). Contrairement à ce que pense G. (p. 135‑136), les animaux de lait ou adultes à sacrifier à Bendis ne sont pas des cochons : le texte dit que la peau doit être donnée au prêtre et à la prêtresse, or les porcs ne fournissent jamais de peau dans les sacrifices car elle était grillée à même la bête.

– no 4 : l. 29 : c’est une couronne de chêne, pas d’olivier.

– no 5 : l. 14-16 ([τὴν μὲν] πονπὴ[ν ὡ]ς ἂν [ἕ]λωνται οἱ ἐν τῶι ἄστει συνκαθι[στάνα]ι τὴμ πομπὴν καὶ τήνδε <ο>ὖν ἐκ τοῦ πρυτανείου εἰς Πει[ραιᾶ] πορεύεσσθαι ἐν τῶι αὐτῶι τοῖς ἐκ τοῦ Πειραιέως) : la traduction est incompréhensible (« lorsque ceux de la ville choisiront d’organiser la procession, qu’également cette procession depuis le prytanée jusqu’au Pirée qu’elle soit conduite dans les mêmes conditions par ceux du Pirée »). Le texte dit que si les orgéons de l’asty choisissent d’organiser leur propre procession, ils le feront du prytanée au Pirée aux côtés des orgéons du Pirée. L. 26 : G. date ce texte des orgéons du Pirée de peu après 240/39, année de l’archonte mentionné dans le préambule, « le vote des honneurs se plaçant après la sortie de charge » ; mais il ne s’agit pas d’un décret honorant un magistrat de l’association, mais d’un décret voté lors de l’une des assemblées mensuelles de l’association réglementant les relations avec le nouveau groupe d’orgéons fondé dans l’asty. Même ligne, παντὶ τῶι ἔθν[ει] ne figure pas dans la traduction.

– no 6 : mauvaise traduction des l. 26‑29 (δεδόσθαι δὲ αὐτῶι καὶ ἀναθή̣ματι τόπον ἐν τῶι ἱερῶι οὗ ἂν εὔσχημον εἶναι φαίνηται), « qu’on décide d’accomplir pour lui des offrandes dans le sanctuaire, où cela paraîtra le plus approprié ». En fait il est question d’accorder à l’honorandus un endroit dans le sanctuaire pour qu’il y fasse une dédicace.

– nos 11-15 : G. date systématiquement les décrets des thiasotes de Salamine honorant leurs magistrats peu de temps après l’archonte sous lequel le décret a été voté ; mais le préambule montre que ces décisions ont été prises lors de la dernière assemblée de l’année (Skirophoriôn) et après la reddition de comptes, donc les magistrats sont bel et bien sortis de charge à la toute fin de l’archontat mentionné, à l’exception du no 14, voté en Anthestèriôn ; contrairement à ce que pense G., ce dernier décret récompense a posteriori les épimélètes des années précédentes désignés « annuellement » (κατ’ ἐνιαυτόν), et pas « ceux de l’année écoulée ».

– no 11 : l. 1-2 : à propos du nom lacunaire du proposant ([- – -]σ????), G. pose l?hypoth?se qu?il puisse s?agir de la fin du patronyme. On se demande comment il peut songer ? Lysis et Kt?sis comme ῖνος), G. pose l’hypothèse qu’il puisse s’agir de la fin du patronyme. On se demande comment il peut songer à Lysis et Ktèsis comme onomata pouvant avoir un génitif en -σῖνος ; dans les documents invoqués, Lysis est au nominatif (IG II2 1567, l. 15) et Ktèsinos est un nominatif et non le génitif de Ktèsis (IG II2 1700, l. 87). L. 5 : G. estime que seuls les trois épimélètes cités plus bas sont mentionnés ici, mais on comprend bien dans ce décret que le trésorier, les trois épimélètes et le secrétaire sont tous considérés comme des épimélètes (l. 2 : ⟨ὁ⟩ ταμίας καὶ οἱ συνεπι⟨μ⟩ελητ[αί]). D’ailleurs dans le no 12, on retrouve trois épimélètes (l’un est aussi trésorier), le secrétaire et le prêtre (restitué dans le no 11), là encore tous considérés comme épimélètes ; idem dans le no 13, avec les trois épimélètes, le prêtre qui est aussi trésorier, le secrétaire.

– no 15 : mauvaise traduction des l. 8-9 ([αὐτοὺς δὲ λα]βόντας τὸ ἀργύριον [ἀναθεῖναι εἰς τὸ ἱερὸν τῆς Βενδῖδος]), « qu’il [le trésorier] leur [les personnages honorés] donne l’argent (attribué au sanctuaire de Bendis) ». Il s’agit en fait pour les personnages honorés de faire une dédicace dans le sanctuaire avec l’argent reçu du trésorier.

 

Delphine Ackermann, Université de Poitiers

Publié dans le fascicule 2 tome 125, 2023, p. 515-522.