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Cet ouvrage, parfaitement présenté, constitue le Begleitband, le companion, de l’édition Teubner de Grillius, publiée en 2003, dont la pagination et les lignes servent de références ; c’est l’acquisition préalable.
L’auteur, élève de O. Zwierlein, connaît son sujet à merveille et traite magistralement toutes les questions : la place et la méthode de Grillius, sa date (Ve siècle ? à cause de ses clausules quantitatives et, j’ajouterai, de sa profonde connaissance du grec), la doxologie, la théorie de la rhétorique, les manuscrits, l’établissement du texte, l’explication de la doctrine et l’élucidation des nobreuses difficultés.
Grillius a été édité deux fois, d’abord par K. Halm, dans ses Rhetores minores Latini, en 1865, puis par J. Martin en 1927, qui a eu le mérite d’ajouter la page finale du fragment d’après le ms. P de Paris, BnF lat. 15086, et de présenter une savante étude de rhétorique (son Antike Rhetorik date de 1974).
Cicéron a eu tort de qualifier son De inuentione (Grillius comme tout le monde l’intitule Rhetorica) d’oeuvre de jeunesse sans importance (De Or. 1, 5) : assurément l’ouvrage est inachevé, mais il est de grande qualité et profondément pensé. Au reste il a été jugé digne d’être édité, puis recopié et finalement commenté, avec sobriété par Marius Victorin, de façon détaillée par Grillius, pour ne rien dire des commentateurs médiévaux. Avait-il traité les deux livres ? L’ouvrage aurait alors été énorme, 1000 pages (pour Jakobi ! 800 plutôt, je crois) ; le texte est conservé jusqu’à 1, 22 (usus arrogans, soit le 8e du traité) et comporte 97 pages dans l’édition Teubner. Sur les 8 mss, deux sont des copies (F et M) ; Jakobi distingue trois classes. Le texte des lemmes concorde en général avec les integri de Cicéron. Grillius a choisi le titre de commentum, c’est-à-dire un traitement détaillé, sans doute repris d’un enseignement oral.
Où Jakobi triomphe de J. Martin, c’est dans la lecture des mss et leur genèse, dans l’apparat et les conjectures car le texte a beaucoup souffert et nécessite sans cesse des restaurations. L’élève de Zwierlein y excelle et gare à son devancier, plus de cent fois, quand les conjectures sont critiquables ; dans son édition il a vilipendé la crassior Minerva de Josef Martin, qui est pourtant un savant inestimable. Défaut de jeunesse, sans doute. Le cas échéant, il reconnaît honnêtement que Martin a vu juste (p. 140 infra, 158, 185, 249, 269) ; peut-être à regret… Exemples de bonnes corrections : obicis, p. 74, contre le dixeris de son concurrent, pro re publica, p. 140 vient de Zwierlein, remplaçant la leçon pro se, mais p. 147, ajoutant unguenta, il défend abscondens contre abscondensque de son Maître. P. 135 j’hésite à ajouter eloquentia, car cela suppose que l’orator est étranger à la sapientia ; p. 227 le ceruo de Martin est plus vraisemblable, comme géniteur du cheval,
que coruo ; p. 129, Sisyphum de Martin se tire facilement de phisicum, mais la qualification convient parfaitement à Empedoclen (ajouté), ainsi que la mention de sa longévité. Une jolie substitution, p. 232, où l’éloge stupéfiant d’Osiris par Démosthène cède la place à celui de Busiris par Isocrate, plus rassurant.

On apprend beaucoup en lisant les choix doxologiques qui puisent dans toute la bibliographie du sujet, où Hermogène (contemporain de Marc-Aurèle) vient à l’appui d’Hermagoras, modèle de Cicéron, dans l’étude des status causae (Mme Calboli Montefusco est opportunément citée).
Bien sûr il reste encore quelques cruces, mais le bénéfice est important. Les coquilles sont rarissimes (p. 77 lire infunditur, p. 151 artificiosa). On attend avec plaisir d’autres travaux de cet esprit exigeant, à l’information si large.

Pierre Flobert