Dans la collection : Dieux, Mythes et Héros, dirigée par Jean-Maurice de Montremy chez Larousse, Pierre Ellinger (PE) en collaboration avec Myriam Dennehy, présente un ouvrage de 255 pages consacré à Artémis, déesse complexe, douce et cruelle à la fois. Dans ce livre élégant qui s’ouvre sur un extrait des Illuminations de Rimbaud et s’achève par un passage des Chimères de Nerval, le lecteur est invité à suivre cette divinité sur les marges réputées sauvages de la cité, paysages redoutés et redoutables – de ces caps rocheux aux montagnes hostiles, que les Grecs puis les Romains savaient identifier comme ses territoires, parfois aux extrémités du monde connu.
Par cet essai, P.E. cherche autant à séduire son lectorat qu’à l’informer des résultats de ses recherches, en illustrant son propos par des extraits littéraires et par des références iconographiques présentées avec soin. Chemin faisant, c’est moins la diversité des cultes rendus à la déesse qui intéresse l’auteur que la cohérence de sa figure mythologique et la raison de ses interventions dans la vie des mortels et des communautés. Les six chapitres qui composent ce livre, présentent en effet Artémis sous tous ses aspects. Déesse de la danse et de la chasse, son activité privilégiée (chapitre I, p. 39-70), elle est aussi la déesse à l’arc, présente dans le temps de l’adolescence (Chapitre II, p. 71‑104), puis elle menace la mère et l’enfant lors de l’accouchement (Chapitre III : « Un lion pour les femmes », p. 105‑134). À ces trois premiers chapitres succède l’analyse des rapports qu’Artémis entretient avec la guerre (Chapitre IV, p. 135‑190), avec la politique (Chapitre V, p. 191‑206), pour clore sur « les retours de l’Artémis Taurique », titre énigmatique – de l’exception éphésienne à la redoutable déesse des « Taures » (Chapitre VI, p. 207-240).
Certaines formules sont peu explicites. On pourrait croire que l’auteur maintient la traduction fautive d’aulos par flûte (p. 61) et fait de la tyrannie qu’Athènes a fait peser sur ses alliés de la Ligue de Délos, « une domination impériale » (p. 145). Quant à l’épilogue arménien, il est moins une conclusion (p. 241-248) qu’une ouverture sur un nouveau « bricolage mythologique », dans lequel on retrouverait Artémis et ses troupes de vierges aux marges de la romanité. Deux cartes sont présentées au début de l’ouvrage tandis qu’en annexe sont fournis quelques repères chronologiques. C’est peu pour aider le lecteur à se situer dans la complexité de l’espace et du temps artémisiaques. Quant aux sources des textes, elles sont placées curieusement après la table des matières. Dépourvu de notes, cet ouvrage laisse peu de place aux débats historiographiques présentés avec désinvolture comme résultant de « l’humeur interprétative » des Modernes (p. 65).
Dans la logique de sa thèse, P. E. entend prouver l’indéniable cohérence d’Artémis à travers toutes ses manifestations. Quelles que soient les conditions de son surgissement, la déesse apparaît comme postée sur la frontière au moment précis de la prise de risque (p. 248). La leçon donnée par cet essai est que la déesse permet de penser l’émergence d’un nouvel état du monde par ses interventions.
Geneviève Hoffmann