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La collection des universités de France compte désormais un septième volume de l’Histoire romaine de Dion Cassius, volume qui sera en fait le premier dans la série à rendre compte des livres presqu’intégralement transmis par la tradition manuscrite directe (livres 36 à 60).

En effet le livre 36, mutilé en son début et comportant en outre deux courtes lacunes, a perdu quelques chapitres consacrés sans doute au commencement de la campagne de Lucullus contre Tigrane et peut-être, pour les affaires de Rome, au procès de Verrès (hypothèse défendue p. IX-X). Sa liaison avec le livre 35 reste un peu conjecturale. Cependant les deux livres 36 et 37 rapportent les événements des années 69 à 60, c’est-à-dire la fin de la guerre contre Mithridate et, surtout, la montée au pouvoir de Pompée, ce qui pourrait expliquer que l’abréviateur de Dion, Xiphilin, ait commencé son résumé précisément à ce moment qui marque le début du « règne de Pompée ». Comme l’avait déjà fait U.P. Boissevain, l’éditeur de référence de Dion Cassius, les auteurs donnent le texte et la traduction des passages de Xiphilin qui permettent de compléter utilement les lacunes.

Comme pour les livres suivants, Dion Cassius n’est pas la seule source pour les événements de cette période. Mais, contrairement à d’autres auteurs (notamment Salluste pour la conjuration de Catilina, Cicéron dans les Catilinaires et sa Correspondance, Plutarque dans ses Vies de Pompée, de Lucullus, de Cicéron, de César, Appien dans le livre II des Guerres Civiles, ou sa Guerre de Mithridate), sa vision beaucoup plus large de la fin de la République et l’ampleur de l’économie de l’Histoire romaine dans son ensemble permettent une analyse globale fort intéressante pour le lecteur moderne. Dion est en outre parfois le seul à donner des renseignements précieux sur le fonctionnement ou le dysfonctionnement des institutions républicaines assortis de réflexions personnelles pertinentes, notamment à propos de la corruption (36, 38-41) ou de la conjuration de Catilina (37, 29-30).

Son récit reste annalistique et présente en alternance campagnes militaires et vie civique romaine, ce qui rend plus difficile encore d’en faire apparaître la cohérence. Mais il insiste sur certains points forts comme la proposition de la lex Gabinia (36, 20-37) ou la mort de Mithridate (37, 11-14), parsème sa narration de discours comme les trois discours de 67, celui de Pompée, celui de Gabinius et celui de Catulus (36, 25-36), d’excursus scientifiques comme l’intéressant passage ethnographique sur les Juifs (37, 16-17) et leurs croyances ou encore l’exposé astrologique qui lui succède immédiatement (36, 18-19) sur le calendrier, les jours de la semaine et leur rapport aux planètes, rassemblant sans nul doute dans les deux cas l’essentiel des connaissances de son temps.

Dion centre assurément son récit sur le personnage principal à ses yeux pour l’économie de son récit, Pompée, dont ces deux livres exposent la montée en puissance. Les autres personnages ne sont décrits que dans leurs rapports avec Pompée comme Gabinius et Métellus, ou en fonction de leur rôle futur comme César et Caton (voir notamment 37, 22).

C’est avec talent que les traducteurs nous font entrer dans ce récit foisonnant des années 69 à 60, de la campagne de Lucullus en Arménie à la formation du premier triumvirat, souligné par des présages défavorables annonciateurs de la guerre civile car « la divinité n’ignorait pas leurs actes : bien vite aux hommes capables de comprendre les signes de ce genre, elle révéla tout ce qui résulterait plus tard de leur conduite » (37, 58, 2).

Des notes fournies à la fin de chaque livre éclaircissent certaines données, rapprochent le texte d’autres sources ou justifient à l’occasion le choix d’une variante. Elles complètent utilement la notice liminaire p. VII-CXXV, qui contient deux tableaux de concordance, l’un entre le texte de Dion et celui de Xiphilin (p. CXVIII-CXXV), l’autre entre les événements tels que rapportés par Dion et ceux des autres sources (p. XCIX-CXIV), ainsi qu’une abondante bibliographie (p. LXXXIII-XCVII). Une carte de l’Orient au moment des campagnes de Pompée complète l’ouvrage.

Marie-Laure Freyburger-Galland

mis en ligne le 4 juillet 2016