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Ce petit ouvrage est destiné prioritairement, comme tous ceux de la collection Cursus, aux étudiants en histoire. La réduction à quia de la part laissée à l’histoire romaine dans les études d’histoire rend paradoxalement d’autant plus utile ce type d’ouvrages, où l’étudiant trouve rassemblées de manière claire et lisible les données essentielles sur la période considérée, avec une bonne mise à jour de l’état de la recherche. Mais les préparationnaires aux E.N.S. et les étudiants en Lettres classiques auront également tout intérêt à faire leur le contenu de tels ouvrages.
Celui-ci est à la hauteur des attentes. Après dix pages d’introduction qui montrent bien l’interaction destructrice entre expansion de la conquête, conception et usage de la citoyenneté, et crise de la République, sept chapitres analysent les étapes de cette crise qui conduira à la mort du système qui régissait Rome depuis trois siècles au moins. Un premier chapitre rappelle ce qu’était la vie politique romaine lors du fonctionnement régulier des institutions, en montrant les germes qui allaient amener la dégradation de celle-ci. Le chapitre 2 est consacré à l’examen de l’expérience gracchienne et à son échec, le 3 à la réforme marienne de l’armée et à ses conséquences. Les chapitres suivants décrivent les crises qui ne vont plus cesser de secouer la République : 4. de la guerre sociale à la guerre civile ; 5. l’affrontement des imperatores ; 6. les années 70-62, jusqu’à son agonie, retracée dans le chapitre 7, entre 60 et 44. L’auteur est ainsi fidèle à la vision d’Asinius Pollion, qui datait de l’alliance entre Pompée, César et Lépide le début de la fin de l’ère républicaine. L’événementiel paraît donc constituer le fil directeur de l’ouvrage. Mais ce serait méconnaître les développements consacrés à mesure aux institutions, à l’armée romaine, aux structures administratives de l’Italie, à la « constitution » syllanienne et à son dépècement, aux aménagements de la Ville, aux réformes de César. L’ouvrage comporte en outre six annexes, dont trois sont de remarquables explications de textes historiques (de Salluste, d’Appien et de Florus) ; une autre est une excellente ecphrasis scientifique des bas-reliefs de l’autel de Domitius Ahenobarbus, tandis que les deux dernières rappellent les unités de compte romaines (mesures et monnaies) et le cursus honorum. Le livre s’achève par une chronologie qui remonte jusqu’à la seconde guerre punique et descend jusqu’à Actium. La bibliographie est bien à jour : tout juste sera-t-on surpris de n’y point lire les noms de G. Zecchini, ni d’Y. Roman, ni de Y. Le Bohec et que Fr. Hinard n’y soit cité que pour son Sylla.
Pour l’essentiel on ne peut qu’adhérer aux analyses de l’auteur, mesurées et justes, même quand elles sont originales (par ex. p. 82 ss ; 177 ss ; 184). Le poids de la conquête sur la sociologie romaine semble pourtant parfois quelque peu sous-estimé (p. 68 ; 116) : la plèbe urbaine était en réalité très va-t-en guerre, parce qu’elle y trouvait son intérêt ; et c’est l’afflux des esclaves dû à la conquête qui explique les grandes révoltes serviles de cette époque. C’est l’unique réserve que nous ferions – encore n’est-elle pas générale – sur un ouvrage dont nous recommandons la lecture aux étudiants… et à tous ceux qui ont besoin de se rafraîchir la mémoire sur cette période cruciale de l’histoire romaine, grâce à cette synthèse lumineuse.

Paul M. Martin