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Ce volume est le septième fascicule de la série Corinth XVIII qui est dévolue à la publication des fouilles de l’American School of Classical Studies at Athens du sanctuaire de Demeter et Koré à Corinthe. Il se compose de deux parties, d’un côté les lampes grecques, de l’autre les « corbeilles » faisant office de dépôt votif, qui sont différentes des offrandes de type liknon déjà publiées par A. Brumfield en 1997. Elles auraient une fonction plus symbolique que pratique dans les rituels du sanctuaire. La publication commence par une bibliographie comme toujours très complète ainsi que par la liste des abréviations utilisées. Elle s’achève par cinquante planches de grande qualité regroupant photos et dessins des lampes ainsi que des plateaux à offrandes.

La première partie vient compléter le volume sur les lampes romaines publié par Kathleen Slane en 1990 et ne concerne donc que les lampes s’étalant entre la seconde moitié du VIIe siècle au milieu du IIe siècle a.C.. Au cours de la fouille du sanctuaire, 4391 lampes grecques ont été découvertes dont 57,3% ont pu être rattachées à un type précis. La majeure partie des lampes ont été produites à Corinthe, 10,4% sont attiques et 1,2% viennent du monde méditerranéen.

Les lampes grecques corinthiennes sont déjà bien connues puisqu’elles ont fait l’objet d’une classification par O. Broneer en 1930 dans le volume Corinth IV.2. Il créa ainsi quinze types ou classes de lampes pré-romaines auxquelles il donna les numéros I-XV, dix-neuf de lampes romaines numérotées XVI à XXXIV et trois de byzantines. Bien qu’il y ait eu depuis de nombreuses autres publications sur les lampes dans le monde grec, la classification de Broneer est toujours en vigueur et n’a été que peu remise en question. C’est pourquoi, il est plus question dans ce volume de discuter de l’utilisation des lampes dans un sanctuaire et, en particulier, celui de Démeter et Koré que de remettre en question les datations et les identifications des types de lampes. Par ailleurs, les contextes de découvertes fiables étant quasiment absent, il n’aurait pas été possible d’affiner la chronologie. Ici c’est donc la classification de Broneer qui a été la plus largement suivie, en rajoutant parfois des subdivisions. En revanche, l’auteure a pris le parti de classer les lampes en prenant également en compte les lieux de production et pas seulement leur type.

En introduction de cette première partie et comme c’est la règle aujourd’hui dans les publications de matériel, N. Bookidis nous explique sa méthode de travail, les contextes de découvertes dans et hors Corinthe, l’utilisation de ces lampes dans le sanctuaire ainsi que les ateliers dans lesquels elles ont été produites.

La plupart des lampes traitées dans cet ouvrage appartiennent aux VIIe et VIe siècles a.C. Elles ont des formes beaucoup plus variées que celles des autres époques, probablement dû au fait que les fabricants n’avaient pas encore adopté une production standardisée qui réduit automatiquement la diversité des formes au profit du rendement. Les modèles corinthiens divergent alors totalement de leurs modèles attiques. La tendance s’inverse à l’époque classique pour se différencier à nouveau lors de la période hellénistique. La destruction de Corinthe en 146 a.C. apparaît avoir sonné le glas de la dédicace de lampes dans le sanctuaire jusqu’à son retour sous les romains. Il y a beaucoup de parallèles entre les lampes corinthiennes présentées ici et celles du quartier des potiers ce qui semble confirmer que les lampes archaïques et classiques y auraient été produites. Après la destruction de ces ateliers vers la fin du IVe siècle a.C., la production de lampes aurait été délocalisée ailleurs dans la cité.

La majeure partie des lampes ont été découvertes dans des couches d’abandon contenant du matériel d’un large pan chronologique et offrant donc peu de précision sur la date et le temps de circulation de ces artefacts. C’est pourquoi, les dates doivent être manipulées avec précaution car le contexte et les parallèles indiquent quand une lampe est attestée mais ça ne signifie pas nécessairement qu’elle était utilisée seulement à cette époque. Deux dates sont ainsi données dans le catalogue : une date estimée de quand la lampe était en utilisation et la date du contexte dans lequel elle a été trouvée.

Le catalogue des lampes est très bien construit et nous donne une vue d’ensemble bien détaillée des lampes découvertes dans le sanctuaire. Ce sont pour la plupart des lampes corinthiennes (88,4% des découvertes) de type Broneer I et IV (16,6 et 54,1%) allant de l’époque archaïque à 146 a.C. 10,4% des lampes du sanctuaire sont attiques ou tout du moins de la région et s’étalent entre la fin du VIIe et le début du IIIe a.C. Enfin 1,2% viennent de sites en dehors de Corinthe ou de l’Attique. La plus ancienne serait de la fin VIIe ou début VIe siècle a.C. ce qui nous donne une indication sur le marché archaïque corinthien mais la majorité appartient au second ou troisième quart du VIe et au début Ve a.C. Celles qui ont pu être identifiées viennent de Grèce Orientale ainsi que de l’île d’Egine.

Parmi ces lampes, une attention particulière est portée aux lampes à becs multiples qui se composent de deux types différents : les lampes avec multiples becs ou les lampes multiples consistant en des lampes miniatures assemblées sur une plaque d’argile. Elles peuvent avoir 2 à 108 becs. Elles sont toutes d’origine corinthienne et sont à dater du VIe ou de la première moitié du Ve siècle a.C. Ces lampes sont traitées séparément parce que leur utilisation est différente. La plupart sont placées sur des piédestaux et seraient destinées à rester en place là où une plus grande lumière était nécessaire.

Enfin le catalogue fait aussi état des supports de lampes, des lanternes ainsi que de vaisselles spécifiques que l’on peut relier aux lampes.

En ce qui concerne leur utilisation, les lampes peuvent avoir de multiples fonctions dans les sanctuaires, en particulier lors des sacrifices. Ceci est prouvé par la découverte de nombreuses lampes dans une couche de résidus de sacrifice dans le sanctuaire de Déméter et Korè à Corinthe mais aussi ailleurs dans le monde grec. Cependant, leur rôle n’est pas clair et beaucoup de questions se posent encore. D’abord, sont-elles également associées au sacrifice dans les autres sanctuaires ? Secundo, si oui, pourquoi semblent-elles plus nombreuses dans les sanctuaires de Déméter que dans ceux des autres déités ? L’auteure semble penser que l’explication la plus logique serait qu’elles sont plus utiles lorsqu’il s’agit d’un rite nocturne ce qui est le cas pour Déméter et Korè. Elles fourniraient donc de la lumière lorsque l’encens est brûlé sur l’autel et que les questions sont posées aux déesses et elles serviraient à attirer l’attention des divinités.

Manifestement elles étaient aussi utilisées pour illuminer des espaces. Ainsi un grand nombre de lampes ont été découvertes dans les salles de dîner. Bien que nous ne sachions pas si les repas communautaires se tenaient le jour ou la nuit, les pièces auraient sans aucun doute eu besoin d’une lumière artificielle en supplément des fenêtres, lorsqu’elles existent. Enfin les lampes apparaissent également dans les inventaires des sanctuaires comme dédicaces, plus particulièrement les exemples les plus élaborés en bronze ou en métal.

La deuxième partie porte sur les plateaux à offrandes découverts dans le sanctuaire. Elle est très instructive car elle traite d’un matériel rare, très peu traité s’il est reconnu lors des fouilles. Ils sont souvent associés aux likna, sorte d’adaptations miniatures en céramique grossière du panier vanné qui est habituellement associé à Déméter mais aussi à Dionysos. La plupart sont remplis avec des représentations de nourriture, en particulier des gâteaux. Mais les plateaux qui nous intéressent ici portent des versions miniatures de vases mais pas de nourriture.

1014 corbeilles ont été découvertes dans le sanctuaire. Elles apparaîtraient après le milieu du VIIe siècle a.C. mais la variante la plus populaire serait plutôt à dater du IVe siècle a.C.

En dehors du sanctuaire de Déméter et Korè et même en dehors de Corinthe, peu de ces plateaux ont été découverts mis à part dans le quartier des potiers où ils ont probablement été produits. Il est peu probable que quelques substances que ce soit aient pu être placées dans les vaisselles attachées sur les corbeilles bien que certains des exemples les plus anciens pourraient avoir contenus des graines ou des gouttes d’huile ou de vin. Cependant, il y a une simplification graduelle au fil du temps des coupes et phiales, de sorte qu’il n’est plus possible qu’elles contiennent des produits. Comme les likna, elles servaient d’offrandes commémoratives ce qui serait corroboré par un grand nombre de vases corinthiens de la fin du VIIe et du début du VIe siècle a.C. qui montre des processions de femmes portant des corbeilles semblables à celles découvertes dans le sanctuaire. Le grand nombre de ces petites vaisselles dans le sanctuaire de Déméter et Korè témoigne de l’importance de ces plateaux comme offrande. De fait, la plupart ont été fabriquées sur le tour ce qui leur permettait d’être produites rapidement et d’être des offrandes peu chères pour les corinthiens.

Malheureusement, la rareté de ce matériel dans les autres publications ne permet pas à l’auteure d’aller plus loin dans ces réflexions mais nous offre tout de même une première étude extrêmement utile aux fouilleurs de sanctuaire et, en particulier, ceux de Déméter et Korè.

Cécile Rocheron