Ce livre est le fruit d’un énorme travail. En témoigne le nombre considérable d’articles préliminaires publiés par A. Grillone alors qu’il était en train de préparer cette édition. L’universitaire italien nous offre l’epyllion de Dracontius intitulé l’Orestis tragoedia. La préface commence par rassembler ce que l’on sait de ce poète de la fin du IVe siècle de notre ère (ou peu après) : elle donne de brèves indications sur son métier, ses oeuvres chrétiennes et profanes, sa formation culturelle, la date de la « Tragédie d’Oreste » et ses usages linguistiques et stylistiques. Après avoir indiqué le schéma du poème, le critique en étudie la structure, y examine l’utilisation des mythes, met en lumière l’habileté d’avocat et le chemin spirituel du poète. C’est ainsi qu’il se justifie de publier cet ouvrage, alors qu’en 1995 est paru celui de J. Bouquet (J. Bouquet et E. Wolff, Dracontius, OEuvres. La tragédie d’Oreste, poèmes profanes, I – V, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1995). Il déclare se distinguer de son prédécesseur dans l’interprétation de ces 974 vers où il voit un exemple indiscutable de virtuosité de plaideur non dénuée de sensibilité poétique, où il décèle l’itinéraire qui conduit l’écrivain, chrétien de formation, à la juste évaluation du mal, dû à la seule méchanceté de l’homme et accepté par les forces divines pour éviter des choses pires dans l’humanité commune. L’Orestis tragoedia n’est donc pas un banal exercice de rhétorique, mais le produit d’un authentique poète, excellent juriste et d’une incontestable spiritualité. En outre, A. Grillone a accordé une extrême attention à la critique textuelle. Il a comparé les deux manuscrits qui conservent ce texte et a mis en évidence l’importance du manuscrit du XVe siècle (A) qui ne dépend pas de celui du XIe (B). La plus grande partie de sa préface est consacrée à cette étude codicologique ainsi qu’à l’examen exhaustif de toutes les éditions jusqu’à la sienne (« Miglioramenti testuali nell’Ottocento », « Miglioramenti testuali nel Novecento », « I miei studi e la presente edizione »). Ainsi, le texte qu’il propose présente de nombreuses modifications par rapport aux éditions précédentes. Et ce n’est pas que dans la préface que sa reconstruction est expliquée au lecteur d’une façon détaillée, mais également dans l’apparat critique, dans l’Index criticus, ainsi que dans la minutieuse Tabula discrepantium. Ses choix sont longuement argumentés. Il propose des émendations personnelles, ou des variantes offertes par les manuscrits et des émendations d’éditeurs antérieurs non accueillies par J. Bouquet. Après le conspectus siglorum et le texte latin, vient un « commento critico-esegetico » juxtalinéaire qui accorde une large place à l’examen des problèmes textuels toujours étroitement liés à ceux d’interprétation. Suit une bibliographie abondante (et les multiples renvois que fait A. Grillone dans sa préface ou dans son commentaire montrent qu’il a lu de près ses prédécesseurs). Le livre se termine par six Indices. J’ai déjà évoqué l’Index criticus. L’Index notabilium signale non seulement les usages linguistiques et stylistiques de l’Antiquité tardive, mais également commente les acceptions spécifiques, les parenthèses, la ponctuation, les modifications des mythes, les critères de l’apparat critique, les mots ou expressions mal interprétés jusque-là, le choix des adjectifs, etc. Dans le premier Index fontium sont enregistrés les passages de l’Orestis tragoedia empruntés à des auteurs ayant vécu à partir du Ier siècle avant notre ère ou inspirés par eux. Dans le second Index fontium les passages de l’epyllion sont mis en correspondance avec leurs sources disposées selon l’ordre chronologique (à l’exception des modèles peu représentés). S’y ajoute une liste de Loci similes in Draconti operibus. On trouve enfin un index de Personae et loca, un index des auteurs antiques et un index des auteurs modernes. Partout les jeux sur la typographie permettent de se retrouver dans cette masse d’informations.
Lucienne Deschamps