Publié par la Casa de Velásquez, cet ouvrage de 350 pages (dont une bibliographie de 45 pages) témoigne du renouveau de l’intérêt des archéologues pour les questions de stockage, d’approvisionnement et de distribution des marchandises dans l’Antiquité. Il se compose de quatre parties. La première comprend des contributions synthétiques axées respectivement sur la typologie des édifices, les réseaux de distribution, le commerce d’exportation des métaux. Des études de cas hors péninsule ibérique (Italie, Afrique proconsulaire, Égypte) constituent la deuxième partie alors que la troisième regroupe six contributions concernant des horrea d’Hispanie. Deux études sur l’approvisionnement à l’époque tardive et une synthèse des communications concluent le livre.
À la suite des travaux du réseau d’excellence européen RAMSÈS2 et dans le cadre du programme ANR « Entrepôts et structures de stockage dans l’Antiquité gréco-romaine », C. Virlouvet revient sur les « limites des typologies planimétriques » des entrepôts pour aller vers une « typologie fonctionnelle » de ces derniers. Au-delà des fonctions de conservation, voire de vente, se posent aussi des questions concernant la gestion des locaux, leur éventuelle location, la valeur des biens stockés. On distinguera aussi les bâtiments ou complexes destinés à l’entreposage seul de ceux qui abritent des locaux à usage administratif ou commercial. En prolongement de cette introduction, M.-B. Carre présente des entrepôts d’Afrique, d’Asie Mineure et d’Italie du Nord et s’attache à déterminer leur place dans le commerce local, régional et inter-régional, sans omettre de souligner le rôle de représentation de la puissance publique que détiennent souvent ces grands bâtiments. Le commerce d’exportation de métaux fait l’objet d’un intéressant article de C. Rico qui montre notamment l’importance du port de Narbonne dans le stockage et la distribution du fer et, peut-être, aussi de l’étain en Méditerranée nord-occidentale.
La deuxième partie de l’ouvrage s’ouvre par une présentation des fouilles récentes (2005) menées dans le Testaccio. Les auteurs insistent sur des techniques de construction propres aux horrea romains, en particulier les enclos composés de « murs d’amphores » qui permettaient de recycler les contenants en épargnant sur des matériaux de construction forcément plus onéreux. À la suite de l’abandon de ces enclos, vers le milieu du IIe siècle sont construits les horrea impériaux présentés en détail dans la seconde partie de cette présentation. B. Goffaux revient sur l’interprétation que fit G. Picard d’une inscription découverte à Mactar, en Afrique Proconsulaire et qui mentionnait la construction d’une basilica et de deux horrea. L’auteur propose de façon convaincante que, dans ce cas précis, les horrea – terme que l’on trouve chez Apulée pour désigner une pièce, avec parfois la connotation de chambre-forte – puissent constituer les annexes d’un édifice collégial, la basilica de l’inscription. L. Capponi dresse un parallèle intéressant entre l’agora tétragone d’Éphèse, mise en place à l’époque hellénistique et restaurée par Auguste ou Tibère sous la forme d’un espace mixte dévolu au stockage et à la vente du blé et la tetragonos stoa d’Alexandrie, connue par les textes mais non localisée et qui aurait pu, elle aussi, être réorganisée de façon similaire par Auguste.
La troisième partie, intitulée « Horrea, ports et territoires dans l’Hispanie romaine », regroupe 6 contributions dont 5 sont des études de cas. J. Salido Domínguez présente une synthèse sur les équipements ruraux de stockage en Hispanie (silos, horrea) en les classant chronologiquement. R. Erice donne une étude très détaillée des aménagements du port fluvial sur l’Èbre de Caesaraugusta (Saragosse) alors que S. Ordoñez Agulla et D. gonzález Acuña analysent les équipements commerciaux du port d’Hispalis (Séville), notamment trois édifices identifiés comme édifices de stockage, ainsi que l’évolution au cours du temps de l’activité portuaire de la ville. L’article de J. M. Macias répertorie et étudie les différents types de structures de stockage repérées sur le territoire de Tarraco et dans le port de la ville. La contribution de A. Richard i Lacomba s’intéresse aux horrea de Valentia (Valence), notamment à l’horreum républicain (étude comparative), alors que S. F. Ramallo Asencio et J. Vizcaíno Sánchez présentent les structures de stockage de la ville et du territoire de Carthago Nova (Carthagène) dans une étude d’ensemble allant jusqu’au VIIe siècle p.C.
Les deux dernières communications traitent du rapport entre la fortification des villes du Nord-Ouest de l’Hispanie et l’approvisionnement de Rome sous le Bas-Empire. En dépit de l’absence de vestiges d’horrea, C. Fernández Ochoa, A. Morillo et J. Salido Domínguez proposent de mettre l’édification de remparts, sous la Tétrarchie, dans plusieurs villes du Nord-Ouest, en rapport avec le transport du blé annonaire. La position contraire est défendue par J. Arce qui, argumentant à partir des textes et de cette même absence de vestiges, postule que, à cette époque, l’Hispanie ne fournit en général pas de blé annonaire. La fortification des villes en question doit être plutôt attribuée à des initiatives locales.
De ces contributions qui, par leur diversité, illustrent parfaitement l’étendue du champ possible d’investigation lié à ces édifices, P. Le Roux tire une conclusion à la fois dense et stimulante qui reconnaît aux horrea une valeur d’ « objet d’étude » à part entière. Les nouvelles données de terrain conjuguées à l’intérêt croissant des historiens et archéologues pour ce domaine montre bien que le thème est loin d’être épuisé. Cet ouvrage constitue un apport indispensable à son étude.
Laurence Cavalier