La collection « Retour aux grands textes » d’Arléa qui accueille ce livre est destinée à tous les amateurs de culture, non à la recherche scientifique. Ce volume répond à ses exigences. Il contient la traduction française (sans le texte latin) de la Germanie de Tacite, traduction dont l’auteur n’indique pas d’après quelle édition il l’a élaborée. L’ouvrage ne comporte pas de bibliographie. En revanche, pour faciliter la compréhension, il offre une carte des peuples de la Germanie selon Tacite, une chronologie des événements relatifs à la Germanie de Tacite (incluant la date de naissance, la date de la charge de légat, la date de la mort de l’historien, ainsi que celle du séjour de son beau-père en Bretagne — car il n’y a dans ce volume aucun développement sur la biographie de l’écrivain) et un tableau généalogique des Julio – Claudiens (réduit à ses grandes lignes). Les notes, succinctes et sans prétention, éclairent certains points obscurs (parfois même d’une manière très moderne, comme la note 1 de la p. 34, pour le coin : « manoeuvre et unité tactique de l’infanterie romaine bien connue des lecteurs des aventures d’Astérix et d’Obélix ») ; le plus souvent, elles situent géographiquement les peuplades dont il est question. La traduction s’écarte résolument du style traditionnel des « versions » ; elle utilise un français élégant et tout à fait contemporain. Un exemple permettra d’en juger : en 40, 4 pax et quies tunc tantum nota, tunc tantum amata, donec idem sacerdos satiatam conuersatione mortalium deam templo reddat est rendu par « c’est le seul temps où ils connaissent, où ils aiment la paix et le repos, et cela dure jusqu’à ce que le même prêtre ramène à son temple la déesse rassasiée de son bain de foule avec les mortels » (alors que J. Perret, dans Tacite, La Germanie, texte établi et traduit par J.P., Paris, Les Belles Lettres, 1949, écrit : « paix et tranquillité alors seulement sont connues, alors seulement sont chéries, jusqu’à ce que, la déesse étant rassasiée du commerce des mortels, le même prêtre la rende à son temple »). La « présentation », qui occupe une dizaine de pages, est un « essai » qui cible essentiellement les motifs de l’Autre, du Barbare, et le « va – et – vient nécessaire de l’esprit entre Soi et l’Autre, entre Autrui et Soi, dans le dialogue interculturel avec l’étranger », comme l’indique la quatrième de couverture. Cette présentation, elle aussi, est marquée du sceau de notre époque, tant par les expressions (p. 14 « Il y a un effet tsunami à ne pas négliger avec cette Germanie »), que par les allusions (p. 17 « C’est une oeuvre qui permet de comprendre à la fois la politique impériale romaine, mais aussi l’antiquité la plus lointaine, du côté du Caucase (et de l’Ossétie révélée au monde à travers le conflit de 2008 avec la Géorgie) »). Bref, P. Voisin a réussi à donner la preuve que les textes antiques ne sont pas de vieux grimoires poussiéreux au style suranné, réservés à une élite, mais qu’aujourd’hui ils parlent encore à tout un chacun de problèmes actuels.
Lucienne Deschamps