Il faut saluer les éditions « Les Belles Lettres » d’avoir accepté de publier un ouvrage consacré aux scholies d’Aristophane : ce livre est en effet le premier à proposer une traduction en français de ces commentaires, conservés en marge des manuscrits du poète et qui nous sont parvenus par le biais des copistes anciens et médiévaux. Il s’agit ici des scholies anciennes – écrites à l’époque des savants alexandrins et de l’empire romain – aux Grenouilles et au Ploutos, qui sont les comédies d’Aristophane pour lesquelles nous avons conservé le plus grand nombre de manuscrits. Nul ne pouvait mieux accomplir cette tâche que M. Chantry, qui a assumé l’édition savante – en latin et sans traduction – de ces mêmes scholies dans la collection monumentale dirigée, depuis les années 1960, par W. J. W. Koster et D. Holwerda. L’auteur présente d’ailleurs le présent ouvrage, comme un complément à l’entreprise néerlandaise. Et c’est bien le cas ! Plutôt que de reprendre l’ensemble des scholies, généralement répétitives ou redondantes, M. Chantry ne retient souvent que l’essentiel. Ceux qui chercheront à retrouver l’intégralité des commentaires pourront toujours se référer à l’édition savante. L’auteur propose également dans les dernières pages des corrections aux erreurs qui s’étaient glissées dans cette même édition. Après une prise en main quelque peu déroutante (le classement thématique s’avère plutôt inhabituel dans ce type de recueil), l’ouvrage se révèle très vite facile à manier et, même, agréable à lire. Les tableaux synthétiques et analytiques (qui proposent les correspondances avec le classement par vers), placés en milieu et en fin d’ouvrage, sont précieux et facilitent grandement la tâche du chercheur comme du simple curieux, à la recherche d’éclaircissements sur les problèmes de mise en scène, sur la société et la religion athénienne, ou encore sur les contemporains du poète. On regrettera cependant, à l’usage des néophytes, un développement plus conséquent (M. Chantry n’y consacre qu’une très brève introduction) sur les nécessaires précautions à l’égard des scholies, d’une fiabilité et d’une valeur très inégales.
Les esprits chagrins verront probablement dans cette édition bilingue un signe supplémentaire du déclin de l’enseignement du grec. Sans doute auront-ils raison ! Mais on ne saurait bouder son plaisir de voir ces citadelles anciennes de l’érudition – on songe également à l’épigraphie avec les ouvrages récents de Jean‑Marie Bertrand ou de Patrice Brun – devenir accessibles au plus grand nombre.
Philippe Lafargue