La préface (p. 7-35), signée Cl. Moatti, qui ouvre cet épais volume consiste essentiellement en un survol des événements qui ont secoué le bassin méditerranéen du déclenchement de la Première Guerre punique (264 av. J.-C.) à la conclusion de la Troisième (146 av. J.-C.). Au‑delà du bagage informatif de base, elle laisse paraître deux préoccupations : d’une part, ne pas négliger le « versant carthaginois », l’histoire et l’archéologie de la métropole punique étant plusieurs fois évoquées ; d’autre part, dégager un thème de réflexion, en l’occurrence l’impérialisme romain, appelé à transcender et à éclairer le récit des faits de guerre. Ce second aspect pèse du reste sur la perception du premier, comme l’indique le fait que la politique extérieure de la Carthage archaïque est, peut-être un peu trop rapidement, présentée sur fond de constitution d’aires d’influence et d’affrontement entre blocs (p. 14 ; pour plus de nuances, V. Krings, Carthage et les Grecs c. 580-480 av. J.-C. Textes et histoire, Leyde‑Boston‑Cologne, 1998).
L’essentiel de l’ouvrage est constitué par trois traductions. Celle du livre I de Polybe (p. 50-157), couvrant la Première Guerre punique, est reprise à D. Roussel (1970, Pléiade), avec insertion d’inter-titres et numérotation des paragraphes (la traduction de 1970 ne signale que les numéros de chapitres). Celle de la troisième décade de Tite-Live (p. 161-474), pour la Deuxième Guerre punique, est une version révisée et corrigée de l’ancienne traduction de M. Gaucher (Histoire romaine de Tite Live : traduction nouvelle avec une introduction, des notes et une table historique et géographique, Paris, Hachette, 1867 [rééd. 1877 ; 1894]) par M. Humm et Ph. Torrens ; seuls les livres XXI, XXII et XXX sont présentés en entier, des résumés sont proposés pour les livres XXIV et XXVIII, tandis que sont retenus des extraits pour les livres XXIII (alliance entre Hannibal et Philippe de Macédoine), XXV (défection de Tarente), XXVI (siège de Capoue ; Scipion en Espagne), XXVII (bataille du Métaure) et XIX (prise de Locres ; Scipion en Afrique) ; la division en paragraphes n’est pas signalée. Enfin, la traduction des chap. 67-135 d’Appien (p. 477-539), correspondant à la Troisième Guerre punique, est le fruit d’un travail original de Ph. Torrens, traducteur par ailleurs reconnu de l’historien d’Alexandrie (La Guerre Civile à Rome I-IV, coll. « La Roue à Livres », Paris 1993-2008). Le volume est complété par divers « outils », qui en traduisent la vocation vulgarisatrice : une chronologie (p. 36-43) établie par M. Humm ; trois annexes (p. 543‑564), présentées par Cl. Moatti, successivement sur Regulus, sur les causes de la Deuxième Guerre punique et sur l’impérialisme romain, dossiers de textes qui permettent d’introduire d’autres auteurs éclairant la période considérée (Diodore de Sicile, Cicéron, Cornelius Nepos, Valère Maxime, Florus, Orose…) ; treize cartes et plans ; une bibliographie succincte (p. 578‑582) ; un glossaire qui reprend les principaux realia (p. 583-599) ; un index des personnages, précédé d’un liste des prénoms romains les plus utilisés avec leur abréviation (p. 600-634) ; un index des noms de lieux et de peuples (p. 635-656). Tout à la fin viennent les notes (p. 657-727) : à la traduction de Polybe (il s’agit de celles de l’édition de la Pléiade avec un texte parfois modifié), de Tite-Live (par M. Humm), d’Appien (par Ph. Torrens).
L’intérêt de l’ouvrage est de présenter les trois Guerres puniques dans leur continuité. C’est une vraie histoire de celles-ci à travers les textes des historiens anciens qui est proposée, comme permet aussi de s’en rendre compte le très utile index des personnages. On regrettera d’autant qu’il ne soit pas porté davantage attention aux pratiques d’investigation et de réélaboration du passé propres aux auteurs anciens, ainsi qu’à leur idéologie ; cela aurait permis de combler en quelque sorte le décalage existant entre le « temps » des événement étudiés (1 siècle de 264 à 146 av. J.-C.) et celui du corpus utilisé pour ce faire (plus de 3 siècles de Polybe à Appien). La préface n’aborde en effet guère cette question, les introductions propres à chaque auteur sont courtes et se bornent à l’essentiel (sur Polybe, p. 47-49 par Cl. Moatti ; sur Tite-Live, p. 159‑160 par M. Humm ; sur Appien, p. 475-476 par Ph. Torrens), les notes s’en tiennent aux éléments indispensables à la compréhension des faits et la bibliographie aurait pu être davantage fournie à cet égard, tant de façon générale (absence par ex. des travaux de A.J. Woodman, T.J. Luce ou J. Marincola) que pour ce qui regarde chaque auteur (absence par ex. de B. Mineo, Tite-Live et l’histoire de Rome, Paris, 2006).
Olivier Devillers