Avec Africa, quasi Roma, Jean-Marie Lassère nous a laissé un ouvrage d’une grande érudition. En trois parties, il traite d’abord de la « construction de l’Afrique romaine », puis de l’« apogée de l’Afrique romaine » et enfin du « temps des incertitudes ». Dans la première, l’auteur évoque « L’Afrique, ses premiers habitants et leurs traditions », « Les États libyens à l’époque des guerres puniques », « Rome, Carthage et l’Afrique », « L’Afrique sous le gouvernement du Sénat », « César et l’Afrique », « L’Afrique sous Auguste », « La poursuite de la mainmise territoriale » et « L’Afrique sous Néron et les Flaviens ». La deuxième partie s’intéresse à « L’équilibre territorial et institutionnel », « L’essor de l’économie », « Société et vie sociale », aux « grands aspects de la civilisation des Romano‑Africains », aux « religions païennes », à « La christianisation de l’Afrique », aux « villes », « institutions » et « grandes divisions régionales. Dans la troisième partie, ont été rangés « Le IIIe siècle (238-285). Permanences et adaptations», « Le christianisme au IIIe siècle », « L’ouverture du IVesiècle (285-313) », « L’Afrique chrétienne I. La mutation du IVe siècle », « L’Afrique chrétienne II. Les félicités du siècle et leurs limites », « Un siècle de désunion : le donatisme (312‑411) », « Le temps des tumultes (367‑439) », « Le royaume vandale », « Une autre Rome ? La période byzantine ». L’épilogue aborde le passage « De Rome à l’Islam ».
Parce que l’ouvrage de J.-M. Lassère constitue désormais une référence, à vocation pédagogique, dans le champ des études nord‑africaines, ses insuffisances se doivent d’être relevées. Le titre, déjà, surprend : Africa quasi Roma. 256 av. J.-C. -711 apr. J.-C. En 256 av. J.-C., Rome met le pied en Afrique pour éliminer Carthage, sa flamboyante rivale. En 711 apr. J.-C. : Ceuta, dernière sentinelle byzantine, ouvre ses portes aux Arabes. Plutôt que 256 av. J.‑C., date de l’infortunée expédition de Regulus, le sac de Carthage en 146 av. J.‑C. serait un point de départ de l’annexion de l’Afrique par Rome plus acceptable, à condition de restreindre drastiquement l’espace africain. N’a-t-il pas fallu attendre le règne des Sévères et l’établissement du limes en Maurétanie Césarienne pour que Rome pût prétendre à un contrôle, imparfait du reste, des lointaines régions occidentales. La vassalité des royaumes africains ne peut autoriser à affirmer que, dès le IIIe av. J.-C., l’Afrique était devenue Rome ; les révoltes tribales auxquelles l’Empire n’a cessé d’être confronté pendant des siècles apportent un cinglant démenti au titre choisi par J.‑M. Lassère.
Outre la regrettable absence d’index dans un ouvrage qui compte 772 pages, de troublantes omissions caractérisent la bibliographie. Dans la bibliographie générale (p. 15-17), les auteurs tunisiens sont omniprésents, aucun antiquisant algérien n’est mentionné, tandis que dans les références de fin de chapitre, seuls deux auteurs algériens ont trouvé grâce aux yeux de l’auteur : N. Benseddik (ch. IX), S. Chaker (épilogue). Dans l’ensemble de l’ouvrage, les notes infrapaginales ne citent que cinq auteurs algériens: N. Benseddik (ch. IX, n. 133, 164, 204 ; XIII, n. 45, 46, 211, 232 ; XV, n. 72 ; XVII, n. 265, 391, 425, 438 ; XXII, n. 230 ; XXIV, n. 16) ; S. Chaker (ch. I, n. 82 ; XXV, n. 421) ; M. Bouchenaki (ch. XVI n. 214 ; n. 379, 385 et 389) ; A. Guerbabi (ch. XV, n. 125) ; Y. R. Hadji (ch. XVII, n. 464) ; Kh. Mansouri (ch. XVII, n. 437). F. K. Kadra (ch. XXV, n. 424 ; XXVI, n. 252). Un coup d’œil à la Bibliographie de l’Algérie antique, publiée récemment, augmente le trouble[1]. Le remerciement de dernière minute (p. 15), du reste injustifié, à deux spécialistes algériennes de l’antiquité n’a aucune chance de corriger le nostalgique dédain de J.-M. Lassère à l’égard de l’Algérie.
Les images, des documents à part entière, sont souvent de mauvaise qualité (fig. 5, 6, 61, 94, 105 etc. ) ou sans référence bibliographique. Ainsi, celle du relief de Chemtou (p. 36 et fig. 6), déclaré inédit, a été, en fait, publiée en 2001 par H. Slim[2]. Les rares cartes – aucune sur les grandes divisions régionales, ni l’Afrique tardive, ni le monde tribal – sont peu lisibles. On ne peut que déplorer le médiocre traitement de la stèle d’Abizar, une des plus belles et la mieux conservée de la catégorie (p. 34-35) qui représente, plutôt qu’un « chef montant à cru un cheval… », un dieu, probablement libyque, accompagné d’un dédicant ou d’un chef tribal[3]. Quant à la dédicace de la bibliothèque de Timgad (p. 311), seul un fragment en a été reproduit alors que le second est encore actuellement posé à côté.
Des erreurs sont à signaler : « observation » pour « observance » du sabat (p. 273). Iulia Sidonia Felix est morte non pas à l’âge de « dix-huit ans », mais à celui de 19 ans, 4 mois et 14 jours (p. 339). La toponymie a été sujette à des erreurs ou des flottements : « Kabylies » au lieu de Djurdjura et rien pour les Babors, « Catama », « Diarhutus », « El Hodaz », « Macauros », «Mile », « Rusicaoe » (carte n°5). Djudjura pour Djurdjura (p. 471, n. 365), Temendfoust pour Tamentfoust (p. 124), Hammam Rhira pour Righa (p. 124), tantôt Rusazus tantôt Rusazu (n. 119) ; Pas Caesarea, mais tantôt Césarée (francisation coloniale, p. 117, 118, 120, 125, 136, 167, 229, 292, 293, 304, 309-312, 326, 330, 370, 392-394, 473, 492), tantôt, mais rarement, Cherchel (p. 56, 87, 303, 326) ; tantôt Nementchas tantôt Nemencha pour Nememcha (p. 435) ; Tagremaret pour Takhmaret (p. 484, 506 n. 79) ; Saint Arnaud, toponyme colonial, pour l’actuel El Eulma (p. 507) ; Tigisi (p. 724) et Tigisis (p. 726) ; « Contributio » (p. 106), « Confédération cirtéenne » (p. 116), le terme de « contributio » étant plus justifié que celui de « confédération » non attesté dans les sources anciennes ; Vsinaza orthographié Vzinaza (p. 181) par J.-M. Lassère qui reprend la mention « populi noui ex Africa inlati » et la date d’une inscription publiée depuis 20 ans par N. Benseddik en « omettant » les références bibliographiques (p. 178, 181)[4].
Pourquoi le passage relatif au monnayage de Juba II et Ptolémée (p. 120) n’a-t-il pas intégré l’apport significatif de la fouille algéro‑britannique du forum de Caesarea, lacune qui se répètera étrangement plus loin dans le paragraphe relatif à « Césarée » (p. 370) et dans le ch. XXI relatif à l’Afrique chrétienne (p. 551) ? Ce chapitre a fait l’impasse sur l’église paléochrétienne découverte sur le même forum. La publication ne sera mentionnée qu’une seule fois, au ch. XVII, relatif aux « Grandes divisions régionales », en note infrapaginale (391)[5]. La documentation relative au camp de Rapidum et de la cohorte des Sardes est « incomplète » (p. 166)[6] de même que celle portant sur la frontière de la Maurétanie Césarienne (p. 177 et n. 127)[7]. Dans « L’essor de l’économie » (ch. X, p. 229), ne sont pas mentionnés les ateliers de verriers à Caesarea et Tipasa[8].
Le ch. XI consacré à « Société et vie sociale » (p. 245-281) traite des notables, des paysans, des esclaves et des affranchis, des étrangers, des juifs, des nomades, si peu des femmes : une image du musée de Sousse représentant une femme sur un dromadaire (pas un chameau) (fig. 53) ; quelques lignes sur les maitresses de maison (p. 290), une paedagoga (p. 303), deux prêtresses (p. 339), une allusion de Tertullien au port du voile (p.363).
Dans le chapitre consacré aux « grands aspects de la civilisation des Romano‑Africains », l’étonnante absence d’un capitole sur le forum de Timgad, jusqu’à son édification, au milieu du IIe siècle, à l’ouest, l’extérieur de la cité primitive, a été attribuée à des « raisons inconnues » (p. 284) ; en fait, en raison de l’importance de Trajan, fondateur de la cité, et du développement du culte impérial, le temple de la Victoire trajane, édifié sur le côté occidental du forum, à côté de la curie, a fait fonction de capitole[9]. Quant à Cuicul, en l’absence de vestiges pré-romains, son toponyme libyque suffit à semer le doute sur une fondation annoncée par J.-M. Lassère comme « probablement ex nihilo ». Confondant vraisemblablement la wilaya (département) de Khenchela et la ville de Khenchela, l’auteur place la cité antique de Mascula (Khenchela) dans « ces steppes occupées par Rome à l’époque flavienne… » (p. 381) ; en effet, si 49 % de la superficie totale du département, au sud, sont steppiques et à vocation pastorale, 36 %, au centre et à l’ouest, sont occupés par une zone montagneuse (Aurès et Nememchas), 15 % du territoire, au nord, là où se trouve précisément Mascula, sont occupés par les hautes plaines du piémont nord aurasien, à fortes potentialités hydriques et agricoles. L’auteur, qui d’ailleurs signale l’existence d’un domaine impérial (p. 381), invoque, à l’appui de l’inclusion du sud de la Numidie dans la zone steppique, une position d’historien plus nuancée que celle de géographe (p. 434).
Dans le débat sur la fonction des murailles qui ceignent des villes, J.-M. Lassère fut de ceux qui en nièrent le caractère militaire (p. 167, Sala, Tipasa), (187 et 510, castella de la région de Sétif), préférant les qualifier « d’enceintes de prestige » (p. 382) . Le prestige n’a rien à voir dans la série de murailles élevées à l’époque byzantine, autour de cités dont on a réduit considérablement la superficie pour mieux les défendre contre les tribus maures. Dans un même paragraphe, l’auteur évoque une vitalité urbaine marquée par « …des monuments nouveaux qu’une muraille avait pour objet moins de défendre que de mettre en valeur… », puis, trois lignes plus loin, donne l’exemple de Sufetula qui « …exposée aux incursions de Maures, se fortifie dans des murailles… » (p. 719).
L’Hercule de Massicault (p. 300 et 569 et fig. 60) n’est ni Hercule ni un homme, mais une femme, probablement Diane, ainsi que l’a établi R. Hanoune[10]. Pourquoi ranger la Vénus de Cherchel parmi les représentations « regardées comme de simples objets d’art » (p. 326), quand on connaît la grande faveur dont son culte a joui auprès des citoyens de Caesarea, en particulier sous le règne de Tibère[11] ? Parmi les divinités citées au pied du versant nord de l’Aurès (p. 381), Esculape et Hygie, dont les statues et une dédicace ont été trouvées à la fin du XIXe siècle dans la station thermale d’Aquae Flavianae, ont été omis[12], de même que l’important matériel archéologique, relatif au culte de Saturne dans la région, publié ces dernières années[13].
L’auteur signale à Caesarea la transformation du théâtre en amphithéâtre mais n’accorde pas le moindre intérêt à son amphithéâtre dont la superficie (4082 m2) est supérieure à celle du Colisée, la plus grande connue pour un amphithéâtre, et l’arène a une forme unique dans le monde romain (p. 394)[14].
Les Djedars du Dj. Lakhdar sont présentés comme les « mausolées de hauts personnages chrétiens » (p. 690) ; en fait, en dehors des Djedars A, B et F, rien ne permet de conclure que les personnages inhumés dans les dix autres mausolées étaient également chrétiens.
Dans le chapitre dédié au royaume vandale, ces affirmations contradictoires : « Sans postérité institutionnelle…– et encore moins ethnique –, l’Etat vandale n’a été dans l’histoire de l’Afrique qu’une parenthèse ruineuse » (p. 693), mais « Selon Procope, on perdit rapidement jusqu’au souvenir de ceux des Germains qui ne purent quitter l’Afrique…l’historiographe byzantin se demande si beaucoup d’entre les Vandales vaincus ne se sont pas étroitement mêlés aux Maures pour se fondre parmi eux ; » (p. 698). Si 80 000 Vandales – hommes, femmes, enfants –sont arrivés en 430 et que, 100 ans plus tard, seules la cour vandale et les troupes d’élite ont été transférées en Orient, il faudra bien admettre que des milliers de Vandales se sont dissous dans la population maure.
« Nous sommes des historiens, pas des idéologues ! L’historien qui est victime de présupposés est certain de faillir à sa mission… » ! (p. 758). Marqué hélas par une regrettable, manifeste et coupable subjectivité, cet ouvrage devrait susciter l’intérêt des sociologues de la post-colonisation ; ces quelques exemples :
– Les sources archéologiques tunisiennes ont été abondamment exploitées et les données archéologiques algériennes minorées. La première page de l’avant-propos donne le ton : au nombre des auteurs ayant traité de « l’histoire de l’Afrique romaine » dans les « quatre dernières décennies », des Français, bien sûr, et cinq Tunisiens (p. 7). Aucun Algérien.
– Parmi les « écritures traditionnelles » qui « disparaissent assez tôt », l’auteur cite le punique et oublie le libyque (p. 19, n. 3).
– Innocentes la confusion sémantique phénicien-carthaginois–punique, la distinction libyphénicien-libyen-punique quand l’auteur affirme que « les Libyphéniciens sont un peuplement punique mêlé aux Africains » (p. 39‑40, 85-86) ? G. Camps avait, pourtant, depuis longtemps, rappelé que « punique » signifiait la rencontre féconde d’un monde africain (libyque, numide ou berbère) et d’un apport phénicien[15].
– Orientomania. Le « caractère quelque peu féodal du royaume numide » a pu être « un souvenir de l’Orient » (p. 56).
– Innocents ces amalgames qui rappellent l’obsession coloniale de séparer le Sahara du nord de l’Algérie ?, à propos des Gétules «…une ethnie éclatée entre plusieurs États, comme sont aujourd’hui les Touareg ou …les Kurdes » (p. 60) ! Est-ce pour la même raison que l’auteur affirme plus loin que « Les Libyens ont été longtemps épris d’un art non figuratif… » et observe « à propos des stèles à Saturne, des représentations anthropomorphiques progressivement plus évoluées. Peut-être est-ce au contact d’influences romaines » (p. 294) ? L’abondante documentation relative à l’art néolithique saharien est là pour contredire un tel jugement.
– « …de l’actuelle Tunisie méridionale et de la Libye » et à peine une ligne plus loin « les régions centrales du royaume » à savoir l’Algérie centrale et occidentale (p. 122) ; « Algérie » est une occurrence rare dans l’ouvrage.
– Une remarque surprenante à propos d’une belle stèle de Sillègue (Algérie) où le visage du dieu Saturne « pourrait être copié du porche d’une cathédrale gothique » (p. 294) ; si emprunt il y eut, n’aurait-il pas été plutôt, dans le sens inverse, celui de sculpteurs de l’art gothique inspirés par une image reproduite des milliers de fois dans l’Afrique antique ?
– À propos des graves révoltes maures des IIe et IIIe siècles : « une paix relative, qui n’est troublée que par des opérations en Maurétanie… » (p. 159), « …difficultés passagères… » (p. 183) « …quelques mouvements de sédition en fait limités dans le temps et l’espace » (159), « …cinq à dix années de troubles peut-être sporadiques… » (p. 509). « En Afrique, Dioclétien fut le témoin de trois crises militaires. Une première… affecta la Maurétanie Césarienne lors du soulèvement des Bauares en 288 ; elle fut, semble-t-il, assez brève, et probablement terminée dans l’année même » !… « Une seconde insurrection se produisit peu après, en 290, fomentée peut‑être par les Quinquegentanei… dans l’est de la province ; » (p. 527).
– « Augustin de Thagaste, Aurelius Victor ou Lactance, et bien d’autres parvenus de la culture… » (p. 274, 306)
– « Les Nasamons sont pour nous plus préoccupants : nomades et pillards… » (p. 280). À qui le « nous » renvoie-t-il ?
– « …la spécificité « négative » de la Césarienne. Pourquoi est-elle au Haut-Empire une province plus troublée que les autres… La question m’a toujours agité (en partie pour des raisons personnelles)» (p. 492) ; les causes des troubles en Césarienne seraient climatiques et économiques : « N’allons pas pour autant ressusciter le mythe de l’éternel Jugurtha », Jugurtha qui d’ailleurs n’était pas un Maure » ! (p. 493).
– « …un groupe de désespérés qui avaient pris le maquis » (p. 505, n. 66). On croirait lire un journal de l’Algérie française pendant la guerre d’indépendance!
– « Les difficultés de Tingitane…vers 285…à quel autre moment le pouvoir romain aurait été assez faible pour qu’un tel drame soit possible ». (p 528) Un peu plus loin, les Quinquegentanei, grande confédération tribale du Djurdjura, en guerre contre Rome pendant la 2e partie du IIIe siècle sont « toujours turbulents ».
– Pourquoi, à propos des Tablettes Albertini J.-M. Lassère a-t-il repris à son compte l’appréciation sottement méprisante de P. Salama sur « …la dot de la mariée….tout juste digne de la fille d’un chamelier » (p. 672) ?
– À propos d’un royaume vandale « … désormais confronté à des insurrections –ou des incursions—de « Maures » qui ne devaient plus cesser jusqu’à son effondrement en 533, et il devait léguer ce danger aux Byzantins. » (p. 680). « Un autre épisode malheureux eut lieu à la fin du règne…d’Hildiric (523-530)…battu en Byzacène par Antalas… » (p. 684) ; pourquoi donc les défaites vandales face aux Maures sont-elles personnellement mal ressenties par J.‑M. Lassère ? Plus loin « …nous sommes alarmés par le rapport… » de l’évêque Potentius sur l’état de l’Église en Maurétanie Césarienne (p. 691).
– Du côté des Byzantins cette fois, l’auteur qualifie les Maures réfractaires à l’autorité byzantine de « hordes peu organisées » (p. 704).
– Après avoir évoqué une nouvelle fois les « turbulences des Maures », J.-M. Lassère impute la baisse de popularité de Justinien en Afrique en partie à « la résurgence du péril des invasions des Maures ; » (p. 709). Peut-on envahir son propre pays ?
– Avec le titre de l’épilogue, «De Rome à l’Islam», l’auteur assigne comme repères à un millénaire d’histoire africaine une cité – Rome – et une religion – l’Islam – ! (p. 737). Déjà !
– À propos du cadre de vie dans l’Afrique romaine illustré sur les mosaïques :« …tous nos braves Romains d’Afrique ne faisaient pas toujours preuve du meilleur goût. » Toujours ce mépris récurrent ! Suit, comme pour nous rassurer, l’évocation de Trimalcion (p. 756).
Une idéologie coloniale qui n’en finit pas de mourir. L’avant-propos annonçait la couleur : « L’Afrique du Nord a été, il y a un demi-siècle, le théâtre d’un long conflit…. » entendre la guerre d’indépendance de l’Algérie que l’auteur a eu du mal à nommer, de même qu’il n’a pas eu conscience d’avoir, lui aussi, « en quelque sorte continué la guerre d’Algérie sur le terrain de l’Afrique romaine » (p. 10). Plus loin, il assurait (p. 757) s’être « efforcé d’épargner à l’Afrique romaine les dommages que pouvait lui faire subir le choc des idéologies ». On ne peut dire, hélas, que le résultat soit à la mesure de l’effort. Africa quasi Roma, l’ouvrage de J.-M. Lassère, un monument de rancœur.
Nacéra Benseddik
[1]. N. Benseddik, A. Bel Faïda, CNRA, Alger 2015.
[2]. La Tunisie antique, Paris 2001, p. 83.
[3]. J. P. Laporte, « Datation des stèles libyques figurées de Grande Kabylie » dans A. Mastino éd., L’Africa Romana 9, Sassari 1992, p. 419.
[4]. « Vsinaza (Saneg): nouveau témoignage de l’activité de P. Aelius Peregrinus Rogatus sur la praetentura de Césarienne » dans Atti del IX Convegno di Studio sull’Africa Romana, Sassari 1991 [1992], p.425-437. A propos de CIL VIII, 9228, Atti del XI Convegno di Studio sull’Africa Romana, Carthage, 1994 [1996], p. 1369-1370.
[5]. N. Benseddik, T. W. Potter, Fouilles du Forum de Cherchel, 1977-1981, Alger 1993.
[6]. N. Benseddik, « Autour de Rapidum » dans Y. Le Bohec éd., L’Afrique, la Gaule, la Religion à l’époque romaine », Bruxelles 1994, p. 195-203.
[7]. N. Benseddik, « La ferme Romanette, Aïn Benia, Aïn bent Soltane : fortins ou fermes fortifiées » dans Roman Frontier Studies 1979, Oxford 1980, p. 977-99 ; Id., Les Troupes auxiliaires de l’armée romaine en Maurétanie Césarienne sous le Haut‑Empire, Alger 1982 ; Id., « Vsinaza (Saneg). nouveau témoignage de l’activité de P. Aelius Peregrinus Rogatus sur la praetentura de Césarienne », Atti del IX Convegno di Studio sull’Africa Romana, Sassari, 1991 [1992], p.425-437.
[8]. S. Lancel, Verrerie antique de Tipasa, Paris 1967.
[9]. S. Lancel, L’Algérie antique. De Massinissa à saint Augustin, Paris 2014, p. 130.
[10]. « L’ “Hercule de Massicault” (Tunisie) et la femme invisible » dans Les oubliés de l’Histoire, Paris 2012, p. 185-189.
[11]. M. Leglay, « Une dédicace à Vénus » dans Mélanges d’archéologie, d’épigraphie et d’histoire offerts à Jérome Carcopino, Paris 1966, p. 629-639.
[12]. N. Benseddik, Esculape et Hygie en Afrique, Paris 2010, vol. 2, p. 139-143.
[13]. N. Benseddik, « Le piémont nord de l’Aurès et les cultes chthoniens », Aouras 3, 2006, p. 343-364 ; N. Benseddik, C. Lochin, « A propos de quelques reliefs de Hit M’ghat (Aurès) », Aouras 8, 2011 [2014], p. 205-227.
[14]. Ph. Leveau, Caesarea de Maurétanie. Une ville romaine et ses campagnes, Rome 1984, p. 36‑39.
[15]. « Les Numides et la civilisation punique », AntAfr 14, 1979, p. 44.