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En 408, lors du premier siège de Rome par Alaric, le Sénat romain réunit à la demande du roi goth un tribut d’un fort montant : 5000 livres d’or, 30 000 livres d’argent, 4000 vêtements de soie et « une quantité de poivre pesant 4000 livres » (Zosime, HN V, 41, 4). Si les données de Zosime sont exactes, elles montrent assez la persistance en ce début de Ve siècle du commerce romain avec l’Inde pour se procurer cette denrée de luxe, le poivre, qui poussait à l’état naturel dans les forêts des Ghats occidentales et dont les Romains semblent avoir fait grand usage à leurs tables.

C’est l’histoire de ce commerce romano‑indien que le livre de Federico De Romanis (ci‑après FDR), professeur à l’Université de Roma Tre, cherche à retracer selon des perspectives renouvelées. L’auteur est un grand spécialiste de l’histoire du commerce et des échanges entre les différentes régions bordant Mer Rouge et Océan Indien : il avait en 1996 déjà publié un livre passionnant explorant sur la longue durée, de l’époque pharaonique à l’Empire romain, le commerce des aromates et écorces odorantes entre la Méditerranée et l’Océan indien[1].

L’histoire des échanges commerciaux dans cette région est en effet documentée par des sources variées, connues pour certaines depuis longtemps ; déjà au XVIIIe s. Edward Gibbon revenait sur les débats qui avaient agité l’époque moderne au sujet des échanges de l’Empire romain avec l’Inde (chapitre II de The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, London 1776)[2]. Ces échanges étaient alors connus entre autres par des traités géographiques, comme celui de Strabon, qui lui‑même résumait des traités précédents, ou encore par l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien ; enfin, par l’opuscule à usage commercial appelé le Périple de la Mer d’Érythrée (milieu Ier s. ap. J.-C.). À cette littérature connue depuis longtemps se sont ajoutées dans les années 1950 les découvertes archéologiques de monnaies et de céramiques romaines sur les côtes du Kerala et du Sri Lanka ; enfin, les fouilles récentes sur les côtes d’Arabie et d’Égypte sont encore venues parfaire notre connaissance de leurs infrastructures portuaires.

L’histoire de ce commerce a cependant connu une seconde jeunesse avec la publication en 1985 d’un document crucial datant du milieu du IIer s., le P.Vindob.G 40822, appelé depuis « le papyrus de Muziris » du nom du port indien de la côte de Malabar qui se trouvait mentionné dans le contrat du recto. On savait depuis longtemps que c’était de Muziris que s’effectuaient au Haut‑Empire les chargements de poivre, ivoire, malabathron, nard et autres produits indiens (comme les perles et les pierres) ; la publication du papyrus a donc relancé l’histoire de ces échanges. Le papyrus contient au recto un contrat de prêt précisant les conditions de remise des marchandises à la douane de Coptos et à celle d’Alexandrie, ainsi que la nature de l’hypothèque (la cargaison) à verser en cas de non-remboursement. Le verso détaille le poids et la valeur des marchandises importées (nard et ivoire apparaissant clairement au verso, col. III(II), poivre et malabathron étant restitués dans les lacunes de la col. II(I)) et transportées sur le bateau l’Hermapollôn (dont le nom apparaît à l’avant-dernière ligne du verso). L’analyse et le réexamen du papyrus, étudié par FDR depuis près de trente ans, constituent le cœur du livre sous recension.

Le livre se compose de quatorze chapitres distribués en quatre parties : les cinq premiers (p. 31-155) donnent des éléments de contexte très intéressants sur le commerce du poivre entre les royaumes indiens et la Méditerranée romaine. Par un examen critique des sources géographiques anciennes sont abordés les problèmes logistiques de navigation en Mer Rouge et Océan Indien, ainsi que la géographie de la production du poivre et l’étude de ses producteurs (mentionnés de façon romancée dans Philostrate, Vie d’Apollonios III, 4, dans la poésie tamoule et les récits des voyageurs d’époque médiévale et moderne, étudiés p. 107‑124). Les trois chapitres de la partie II examinent ensuite le contenu du texte au recto du papyrus, considéré comme un contrat de prêt à la grosse aventure : on y reviendra en détail infra. Les trois chapitres de la partie III usent quant à eux de la méthode comparatiste pour évaluer le commerce romano-indien. La cargaison romaine, telle qu’elle est estimée aux chapitres 10 et 11 (les trois denrées « mineures », nard, ivoire « sain » – ἐλέφαντος ὑγιοῦς, tel qu’il apparaît au génitif au verso col. III (II), l. 4 –, ivoire en morceaux – σχιδῶν, ibid., l. 16 – et le poivre, traité à part car représentant les deux tiers de la cargaison), est ainsi comparée aux tonnages des navires de la Carreira da Índia (p. 211-274). Enfin la partie IV examine la taxe du quart pesant sur le commerce du poivre sur la longue durée de l’histoire romaine et la hiérarchie des fermiers de l’impôt, évoquant tour à tour les fameux arabarques que FDR compare, pour les sommes en jeu et l’affermage de l’impôt, aux publicains italiens, ainsi que le paralemptès du district de la Mer d’Érythrée (qu’il assimile au magister d’une société de publicains) et les secrétaires (grammateis) locaux (p. 277-320).

L’originalité et la puissance du livre résident en partie dans l’apport de sources que les spécialistes de l’Antiquité classique ne citent jamais, comme les textes des géographes arabes, les récits ou poèmes en sanskrit ou en tamoul ancien (que FDR maîtrise) ; ces récits inscrivent ainsi le moment romain dans une histoire de longue durée du commerce et des échanges dans l’Océan Indien (voir p. 3 et 89 notamment). Dans cette histoire, la place qu’a occupée l’Empire romain est particulière (chap. 1, p. 31 et suivantes), puisqu’ayant réussi, aux trois premiers siècles, à dépasser les défis logistiques posés par le voyage maritime direct en Inde, il a de fait permis que se développe un embryon d’« économie-monde », en se connectant non seulement à l’Inde occidentale, mais à travers elle, à la vallée du Gange (d’où était tiré le nard), aux contreforts de l’Himalaya d’où provenaient les feuilles de malabathron, utilisées comme épice, et peut-être à l’Asie du Sud-Est. FDR montre ensuite que les changements progressifs de routes (après l’ouverture du canal de Trajan en 112) et de modes de transport doivent surtout être compris comme des adaptations à d’autres pratiques commerciales.

Le cœur du livre de FDR porte cependant sur l’examen précis du papyrus de Muziris, sa longueur, sa nature et les problèmes philologiques qu’il pose, et donc sur la période des échanges maritimes directs avec l’Inde. Vu l’intérêt du texte, il a été depuis sa première édition l’objet d’un intérêt constant. Son état fragmentaire – il en reste seulement un feuillet écrit au recto et au verso – laisse cependant une forte place aux interprétations et aux lectures variées[3] ; les colonnes subsistantes ne sont qu’une partie du contrat originel et elles sont de plus lacunaires. Du progrès a ainsi été fait, ce qui n’empêche pas les discussions de se poursuivre sur des points importants : l’apparat critique donné en page 16, après la réédition proposée par FDR et sa traduction du texte, témoigne fidèlement des différentes propositions de lecture antérieures ; il permet de mesurer les divergences entre les auteurs et de voir que certaines demeurent, malgré des acquis qui font désormais consensus.

Une partie de l’ouvrage de FDR dépend donc de sa lecture du papyrus. Pour l’auteur, le texte actuel n’est qu’une partie (entre un tiers et un quart) d’un long contrat de prêt maritime dont ne subsisteraient que les clauses concernant le transport sur le Nil (cf. sa reconstitution, p. 24, des colonnes qui subsistent au sein de l’ensemble restitué, où la col. I du recto devient II (I) et ainsi de suite). Il estime ainsi peu probable l’idée, avancée par F. Morelli en 2011, d’un deuxième prêt concernant uniquement le voyage sur le Nil et signé à Béréniké à l’arrivée du bateau maritime. Morelli avait en effet démontré en 2011 que tout, dans le texte conservé au recto, renvoyait à des réalités égyptiennes, la traversée du désert et le trajet sur le Nil, le nom du bateau (donné au verso) et les acteurs (chamelier, douaniers à Coptos et à Alexandrie, agents du créancier). Pour Morelli, le syntagme πρὸς τὸ ἐνστάντος τοῦ ἐν ταῖς κατὰ Μουζεῖριν τοῦ δα|[νείου σ]υνγραφαῖς τῆς ἀποδόσεως ὡ̣ρισμένου χρόνου (« au moment du temps du remboursement, fixé dans les clauses du prêt (concernant le transport) vers Muziris », recto, l. 12-13) renvoyait donc à un contrat qui n’était pas le papyrus découvert, tandis que pour FDR, il s’agit bien du papyrus[4]. L’Hermapollôn était enfin, pour Morelli, un navire fluvial de contenance moyenne (précisément le ποτάμι̣ον πλοῖον évoqué au recto, l. 7).

FDR répond à l’interprétation de Morelli aux chapitres 6 à10 principalement. D’abord il note au chapitre 6 (p. 159-172) que ni le créancier ni ses agents ne semblent être sur place à Béréniké pour signer un deuxième contrat ; il estime donc qu’il n’y a qu’un seul et même contrat signé à Alexandrie pour un retour à Alexandrie, après une année de voyage dont les temps de départ et d’arrivée étaient strictement encadrés par la période des vents de mousson (cf. Pline, HN VI, 104-106, avec le commentaire précis de FDR, ch. 5, p. 143-149).

Ensuite, comparant, comme Lionel Casson, les clauses du papyrus à celles conservées dans le Contre Lacritos de Demosthène (35, 10‑12), il estime que le texte du papyrus partage certaines des caractéristiques des contrats de prêt maritime : le remboursement au retour, une fois les taxes payées et les marchandises vendues ; la précision donnée aux lignes 13-24 du recto que les biens transportés serviront d’hypothèque du prêt en cas de non remboursement (p. 163‑168). Le fait que les délais de remboursement ne soient pas mentionnés s’expliquerait par les spécificités du voyage vers l’Inde (cf. plus haut).

Selon l’interprétation de FDR, l’Hermapollôn cité au verso représente donc le navire maritime à fort tonnage ayant convoyé les denrées indiennes en Égypte (dès les pages 2-5, il parle à son propos d’« Indiaman », et, p. 206, ajoute : « The Hermapollon is a very large vessel that stopped at a southern Red Sea port, most likely Berenice »).

Enfin, par l’examen du compte du verso, il en estime la cargaison quatre fois plus importante que ne le pensait F. Morelli. Les deux savants demeurent certes d’accord sur la compréhension générale de l’organisation des deux colonnes restantes du verso : item par item, le poids global de chaque marchandise est donné, suivi de la part de la taxe du quart prélevée par les arabarques et de la part prélevée en plus par ceux-ci pour leurs frais. La valeur « nette » correspondant à peu près aux ¾ de la valeur totale, est ensuite évaluée en termes monétaires.

Si FDR rend hommage aux améliorations apportées par F. Morelli dans la compréhension de l’organisation des entrées du compte du verso (p. 231) et à la lecture de Dominic Rathbone du μερῶν γ à la ligne 27, col. III (II), pour désigner les trois parts (sur quatre) restant au marchand (cf. chap. 9, p. 212 et suivantes), il est loin d’adopter toutes les propositions de Morelli comme en témoigne l’apparat critique. Outre leur interprétation divergente du sens général du texte, leur désaccord porte également sur des points à restituer dans le compte au verso. Si FDR s’accorde avec Morelli pour restituer à la col. II (I), l. 20, le poivre comme principale marchandise de la cargaison, c’est sur le prix de la mine de poivre à restituer à la col. II (I), l. 24‑26 que les deux savants divergent, et, partant, sur le poids de la cargaison que transportait le navire. FDR, comme Morelli, lit au verso, col. II (I), l. 25, 771 talents d’ἀργυρίον – soit 4 626 000 drachmes – comme prix du poivre. Mais que représente ce prix ? S’agit-il du prix des 3215 talents de poivre lus par Morelli à la ligne 21 ou du prix d’une part de ce poids ? Morelli faisait correspondre les données des lignes 21 et 25, en reconnaissant toutefois ne pas bien pouvoir restituer le contenu des lignes intermédiaires, et trouvait un prix du poivre à 24 dr. par mine (soit 3,7 deniers romains la livre), prix qui lui semblait confirmé par celui de la livre de poivre donné par Pline, HN XII, 14, 28/29 – quatre deniers la livre[5].

Pour sa part, FDR divise par quatre le prix de la mine de poivre qui serait exprimé l. 25 avant le prix total (voir ses tableaux des prix p. 102-103) : il ramène ce prix à 6 dr. par mine, en avançant plusieurs arguments. D’abord, on ne peut, selon lui, s’appuyer sur le chiffre de Pline, qui transmettait dans son Histoire naturelle le prix à Rome et non à son arrivée en Égypte (pour Morelli, il s’agissait d’un prix de gros évalué par les marchands). Sur les prix donnés par Pline, il a parfaitement raison, le « naturaliste » ayant lui-même précisé qu’il donnait dans son ouvrage les prix de la capitale[6]. Ensuite, il estime (cf. sa discussion au chapitre 10, p. 237‑240) que les chiffres intermédiaires du prix du poivre, qui sont en lacune, ne peuvent conduire qu’à reconnaître au poivre un prix établi par l’administration fiscale de 6 dr. par mine, tandis que le prix de marché serait trois fois supérieur à Alexandrie et quatre fois à Rome (cf. sa discussion aux chap. 10, p. 236-245 et chap. 12, p. 288-297, de la part prélevée par le fisc à l’import et à l’export, selon les tarifs ad ualorem appliqués, les prix fixés par l’administration et les mesures pondérales retenues)[7]. On notera que l’hypothèse de FDR, qu’il estime « the only option », repose, d’une part, sur des chiffres restitués en lacune[8], et, d’autre part, sur l’idée qu’il s’agit de prix évalués par l’administration et non établis par le marché. Rien cependant dans le texte ne prouve que l’administration ait établi des prix aussi bas pour l’évaluation de la taxe d’import.

Reconnaître au poivre un prix fixé par l’administration à 6 dr. par mine conduit alors à porter le poids du poivre au quadruple de celui auquel parvenait F. Morelli. FDR ajoute donc le symbole de la myriade avant les chiffres en talents donnant le poids du poivre des lignes 20-21 et restitue [Πιπέρεως ὁλκ(ῆς) τ(αλάντων) μ(υριάδος) α] ̕ Γφ [?? μν(ῶν) μδ δ’], « 13223 talents » de poivre[9]. Pour lui, l’Hermapollôn transportait ainsi une cargaison de poivre de 552 tonnes, pour un bateau de 635 tonnes, tandis que Morelli estimait la cargaison de poivre à 139 tonnes et évaluait le navire à 180 tonnes (soit 8000/9000 artabes en tonnage égyptien).

FDR postule ensuite que la cargaison entière du navire maritime, transportée à dos de chameaux entre Béréniké et Coptos a été chargée sur un seul bateau fluvial (chapitre 8, p. 190) ; pour cela il était nécessaire de mettre sur pied une caravane de 3000 bêtes et d’affréter un très gros bateau fluvial. On connaissait certes à l’époque hellénistique les kerkouroi de 18 000 artabes (env. 540 tonnes), mais on n’en a plus trace à l’époque romaine où les navires à blé de l’annone impériale font en moyenne 5000 artabes sur le Nil[10]. Pour FDR, c’est tout simplement qu’on manque de sources pour le transport des denrées indiennes et que les stratégies de convoi de blé et d’épices devaient être différentes (p. 203-206) : les épices arrivant d’Inde ne venaient qu’en quelques cargaisons à des moments précis de l’année ; on devait donc, selon lui, les charger sur quelques gros navires sur le trajet Coptos-Alexandrie, qui auraient pu être plus gros même que ceux de l’époque ptolémaïque. Il n’en demeure pas moins qu’on n’en a pas d’autre source.

L’Hermapollôn, navire maritime, aurait ainsi atteint le niveau de tonnage des navires portugais du xvie s. et aurait eu une capacité bien plus grande que celle des bateaux des flottilles médiévales (sur la comparaison, voir ch. 8, p. 206-208, et ch. 11, « Contrasts »).

Qui était enfin le créancier d’une telle aventure commerciale ? La plupart des auteurs qui se sont penchés sur la question l’ont présenté comme un marchand ou un financier ; FDR estime pour sa part qu’il pourrait être le paralemptès lui-même. Un détail du texte, non remarqué jusqu’alors, le lui fait penser : il s’agit du verbe à l’actif τεταρτολογεῖν du contrat au recto, l. 18 (chap. 13, p. 308 et suivantes), qui ne peut avoir qu’un sens à cette voix, celui de « lever la taxe du quart » et non, comme beaucoup l’avaient compris précédemment, « payer la taxe du quart ». Puisque c’est le créancier qui est le sujet de τεταρτολογεῖν, le créancier serait aussi l’agent des impôts. L’hypothèse est assez séduisante et n’a rien d’impossible.

On espère ici avoir montré toute la richesse et la complexité du livre. L’auteur y développe un propos très cohérent, fort argumenté et informé. On a tenu ici à souligner aussi l’importance des lacunes du papyrus et la part des interprétations et hypothèses qu’il soulève de ce fait. Ces hypothèses et essais de reconstitution sont loin d’être des exercices vains, en ce qu’ils permettent au lecteur de réfléchir à bien des détails de ces échanges et au poids économique qu’ils représentaient pour les acteurs privés comme pour l’État romain. Des sources secondaires, parfois de grande valeur (comme l’Histoire naturelle Pline l’Ancien ou le Périple de la Mer d’Érythrée), viennent d’ailleurs conforter certains éléments restitués : la part du poivre dans les importations indiennes ; certains des prix de marché. Papyrus et inscriptions viennent aussi aider à comprendre le statut socio-économique des paralemptai et des arabarques et leur rôle dans la levée en Égypte. Il n’en demeure pas moins que, pour le lecteur intéressé par ces questions, il reste nécessaire de porter un regard attentif – et toujours critique – à tous les détails du dossier.

 

Christel Freu, Université de Rouen

Publié dans le fascicule 1 tome 124, 2022, p. 248-253.

[1]. Cassia, Cinnamomo, Ossidiana: uomini e merci tra Oceano Indiano e Mediterraneo, Rome 1996.

[2]. À ce sujet voir l’intéressante introduction que FDR et Marco Maiuro ont consacrée en 2015 à l’historiographie de l’époque moderne (notamment la perspective mercantiliste de R. Cantillon et la réponse de Montesquieu) concernant les passages de Pline, HN VI, 101 et XII, 84, sur les échanges déficitaires entre Rome et l’Inde : « Introduction » dans F. De Romanis, M. Maiuro éds., Across the Ocean: Nine Essays on Indo-Mediterranean Trade, Leyde‑Boston 2015, p. 1-9.

[3]. De nombreuses corrections et interprétations nouvelles ont été proposées tour à tour par Gerhard Thür, Lionel Casson, FDR lui-même, Dominic Rathbone et Federico Morelli : cf. G. Thür, « Hypotheken-Urkunde eines Seedarlehens für eine Reise nach Muziris und Apographe für die Tetarte in Alexandreia », Tyche 2, 1987, p. 229-246 ; L. Casson, « P.Vindob.G 40822 and the Shipping of Goods from India », BASP 23, 1986, p. 73-79, et Id., « New Light on Maritime Loans: P.Vindob.G 40822 », ZPE 84, 1990, p. 195-206 ; D. Rathbone, « The Muziris Papyrus (SB XVIII 13167): Financing Roman Trade with India », Bulletin de la Société d’Archéologie d’Alexandrie 46, 2000. p. 39-50 ; F. Morelli, « Dal Mar Rosso ad Alessandria. Il verso (ma anchè il recto) del ‘papiro di Muziris’ (SB XVIII 13167) », Tychè 26, 2011, p. 199-233 (ci-après Morelli).

[4]. Plusieurs points du syntagme ont été débattus : κατὰ Μουζεῖριν étant rendu tantôt par « à Muziris », pour désigner le lieu de signature du contrat (L. Casson, 1986, p. 77-78 et 1990), tantôt par « vers Muziris » pour désigner le lieu de destination, le pluriel σ]υνγραφαῖς désignant soit plusieurs copies du contrat (les premiers éditeurs), soit un contrat type de ce genre de prêt (G. Thür, FDR, p. 169) soit les clauses du contrat de prêt maritime qui avait précédé le présent contrat pour le voyage égyptien (Morelli).

[5]. Notons que Morelli comme FDR, p. 240 et 291-292, ont retenu comme prix de référence celui de la livre de poivre noir donné par Pline, tandis que le poivre blanc se vendait selon Pline à 7 deniers la livre. La conversion est ensuite obtenue à partir des chiffres donnés par le papyrus lui-même selon lequel un talent équivaudrait à 95 livres, cf. col. III, l. 35.

[6]. NH. XXXIII, 164 « Les prix que nous avons indiqués à l’occasion, nous le savons, varient selon les endroits et changent presque chaque année, selon les coûts de la navigation, les achats ou encore si un acquéreur en position dominante accapare la récolte de l’année (…). Cependant, il était nécessaire d’indiquer les prix habituellement pratiqués à Rome, pour donner une idée de la valeur normale des choses (poni tamen necessarium fuit quae plerumque erant Romae, ut exprimeretur auctoritas rerum) ».

[7]. Sur la tetartè, il estime, p. 293, que « the Red Sea tax was only in theory a combination of the 25 per cent import duties and the 18.75 per cent export duties », l’État ayant en réalité moyen de rendre la taxe « flexible » selon le prix moyen fixé par lui.

[8]. Son idée, importante, est qu’il faut nécessairement restituer une somme se terminant par trois oboles, pour que le total de la col. III soit un chiffre rond ; une telle somme empêcherait ensuite de trouver pour le prix recherché de poivre un multiple de quatre et éliminerait donc l’hypothèse de 24 dr. par mine proposée par Morelli – toutefois, vu les lacunes de la colonne II (I), une somme se terminant par 3 ob. pourrait aussi se trouver au début de la colonne.

[9]. Morelli proposait sur le modèle des lignes moins fragmentaires listant les autres denrées [πιπέρεως ὁλκ(ῆς) τ(αλάντων) ὁλκ(ῆς) τ(αλάντων)] ̕̕̕ Γτη [ μν(ῶν) ].

[10]. Les navires maritimes voguant sur la Méditerranée pouvaient certes transporter davantage, mais les fort tonnages restaient rares et réservés au blé à l’époque romaine : voir E. Nantet, Phortia. Le tonnage des navires de commerce en Méditerranée du VIIIe s. av. l’ère chrétienne au VIIe s. de l’ère chrétienne, Rennes 2016, not. p. 139-142, où il discute le P.Bingen 77 (registre portuaire où le 4e navire transporte 22 500 artabes, soit 511 tonnes) et, pour les bateaux marchands sur le Nil, voir P. Arnaud, « La batellerie de fret nilotique d’après la documentation papyrologique (300 av.-400 ap. J.‑C.) » dans P. Pomey dir., La batellerie égyptienne. Archéologie, histoire, ethnographie (Études alexandrines 34), Alexandrie 2015, p. 99-150, part. p. 119-123 et 137‑141.