Dans sa dernière livraison (n°218, 2016), la revue L’Homme consacre notamment deux articles aux analyses fameuses que Jean-Pierre Vernant a naguère consacrées au mythe hésiodique des races. Le premier, « Jean-Pierre Vernant et l’analyse structurale. Le mythe hésiodique des races », rédigé par Aurélien Gros, qui a récemment soutenu une thèse le 7 mars 2015 sous la direction de François Hartog et intitulée L’anthropologie historique de Jean‑Pierre Vernant. Enquête épistémologique, tente d’expliquer comment l’helléniste articulait de manière originale la psychologie historique d’Ignace Meyerson et l’anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss. Cette articulation serait à l’origine de l’anthropologie historique. Le second, « Le mythe hésiodique des races, œuvre de langage. Jean‑Pierre Vernant et après », écrit par Pierre Judet de La Combe, souligne l’intérêt qu’il y a à intégrer une dimension pragmatique à cette analyse structurale du mythe, c’est-à-dire à considérer l’intervention singulière d’Hésiode sur le matériau mythique.
Or, lorsque sont rappelés le contexte intellectuel et académique des années 1950 et 1960 et les principes de l’analyse structurale lévi-straussienne des mythes, le rapport de Jean-Pierre Vernant au structuralisme apparaît comme critique. Derrière son « Essai d’analyse structurale », l’helléniste proposait en réalité une démarche différente de celle de Claude Lévi-Strauss. À l’aune de ce qui apparaît surtout comme une analyse sociologique, le mythe des races, tout autant rapporté que composé par Hésiode, témoigne d’un temps présent conçu comme indéterminé duquel le poète tente de faire surgir un ordre, celui de la justice (dikê), dans un récit mythique rendant compte de la genèse et de la structure de son monde social.
Christophe PÉBARTHE, Université Bordeaux Montaigne, Institut Ausonius ; christophe.pebarthe@u-bordeaux-montaigne.fr