On sait peu de choses de Choricios de Gaza, ce rhéteur chétien de l’époque de Justinien, élève de Procope le rhéteur et auteur de nombreuses déclamations « et divers groupes d’écrits ». Photios (codex 160, p. 122 Henry) lui trouvait de la froideur et lui reprochait un usage abusif de la mythologie. On a ici l’édition et la traduction de deux brefs épithalames — les seuls que l’on connaît de Choricios —, le premier « pour Zacharie » (or. V), le second « Pour Procope, Jean et Élie, ses disciples » (or. VI). Il faudrait corriger l’incohérence qui donne, p. 54, à ce second discours le titre d’Op. VI. alors que l’épithalame pour Zacharie, p. de titre non numérotée, avant la p. 1, a pour titre « OR. V » puis op. V p. 1. Ce second épithalame (p. 54) n’a pas droit, contrairement au premier, à une page de titre. On ne sait ni dater ni contextualiser ces deux discours. Tout juste rappelle-t-on dans l’introduction (p. XLI-XLIII) que ce Procope a longtemps été identifié avec l’historien Procope de Césarée ce qui permettait de dater cet épithalame de 524-526. Mais cette identification est rejetée par les éditeurs en raison de la chronologie incertaine des écrits de Choricios. La seule certitude semble être le terminus ante quem que fournit la date de la fermeture de l’école de Beyrouth en 551.
L’introduction, faute de données historiques (une seule allusion, peu exploitable, à la fonction d’astynome du dédicataire au chapitre 34 de l’or. VI, p. 61), se focalise sur le genre de l’épithalame, la conformité des deux discours avec l’enseignement théorique de Ménandre de Laodicée et sur les rites nuptiaux de la Grèce classique à Gaza au VIe siècle. L’annotation tire le maximum d’un texte relativement pauvre et se trouve par le fait condamnée à des exposés parfois à la limite du hors-sujet (par exemple le développement sur la géographie dans l’Antiquité tardive, note 81, p. 100-103).
La traduction est attentive et précise. Elle donne cependant parfois l’impression d’être gourmée. Est-ce pour rendre la spécificité du genre de l’épithalame ? On trouve, p. 2, « régalade » au lieu de « banquet » (euôchia) ; p. 2 et 62 : « lignage » au lieu de « famille » (genos) ; p. 2 : « mon tout bon » pour « mon cher » (beltiste) : p. 5 « gourmandait » ; p. 54 « à ce compte » (ara) etc. P. 54, or. VI, 2, les « prairies » (leimôsi) dans lesquelles ont été nourris les futurs mariés sont évidemment celles de la culture et de la rhétorique (cf. les Prata de Suétone), le doute (« peut-être » p. 71) n’est pas permis (cf. aussi poimnion, or. V, 9, p. 3, qui désigne « le petit troupeau » des élèves du rhéteur). Les amours des palmiers (n. 24, p. 79) sont connues (outre Procope de Gaza) par Ammien Marcellin (24, 3, 12-13). La dimension comique de certains passages aurait pu être mieux mise en évidence. Les chapitres 8 à 10 de l’or. V (p. 2) sont construits comme une parodie de procès ou encore comme une scène de comédie. On songe à l’épigramme 283 de l’Anthologie latine : Hanc tu requiris et libenter inchoas, / uelut iocosa si theatra peruoles (p. 237 Shackleton Bailey) attribué au poète Luxorius. On sait, enfin, que la fiancée n’assistait sans doute pas à la récitation de l’épithalame mais était censée attendre avec passion dans la pièce à côté son futur époux (cf. or. VI, 50 ; or. V, 21 me semble prouver que la fiancée n’entendait pas tout du discours). Les allusions grivoises font ainsi traditionnellement partie intégrante du genre (ce que les notes de ce Budé passent constamment sous silence) : cf. l’épithalame attribué à l’empereur Gallien dans l’Histoire Auguste (Gall. 11, 7). On se demande si cela ne pourrait pas être le cas en or. VI, 4 : « les choses se passent à peu près comme lors du mariage d’un joueur de flûte qui aurait sous la main tous les objets contribuant à faire le plaisir de la noce, sauf sa flûte ». Dans la comédie grecque classique l’instrument de musique peut avoir un sens obscène : cf. Henderson, The Maculate Muse. Obscene Language in Attic Comedy², § 385 p. 183-184, en particulier p. 183, note 129 : « for αὐλός used to refer to bodily parts, see LSJ s.v. 2, 3, 4 ; αὐλίσκος means the penis at Ptol. Tetr. 187, schol. Opp. H. 1.582, Anon. In Ptol Tetr. 157 » ; cf. aussi Adams, The Latin Sexual Vocabulary, p. 25, note 1 : « for musical terminology used with an underlying sexual meaning in Greek, see Pherecr. 146.16AF. Kock (Cheiron), and E. K. Borthwick, Hermes 96 (1968), pp. 60ff, especially 67ff. » Pour le sens grivois de la flûte, voir aussi Martial 14, 63, 1-2 (Ebria nos madidis rumpit tibicina buccis / Saepe duas pariter, saepe monaulon habet et V. Péché, Revue belge de philologie et d’histoire 80 (1), 2002, p. 139. La phrase, enfin, de l’or. V, 11 (« l’époux était tel que toute femme l’aurait souhaité pour enfant ») néglige peut-être le sens que prend souvent le mot paidion, celui d’esclave éduqué sexuellement : cf. R. Vattuone, Il mostro e il sapiente. Studi sull’erotica greca, Bologna, 2005.
On se demande ce que veut dire exactement Choricios : fait-on allusion à la beauté, la force et la jeunesse du fiancé et à ce qu’elles semblent promettre à une femme ? Ou bien suggère-t-on, en contexte chrétien, que toute femme, sans qu’il soit question de passion amoureuse, toujours et partout, aimerait avoir un enfant de cette qualité ?
Stéphane Ratti, Université de Bourgogne Franche-Comté
Publié en ligne le 11 juillet 2019