Une production scientifique très abondante, scandée par des colloques périodiques presque exclusivement dévolus à ces questions[1], consacre le rôle éminent des matériaux qui entrent aux yeux des Romains dans la catégorie valorisante – mais imprécise sur le plan géologique puisqu’elle englobe des granites et des calcaires, comme le cipolin et le Jaune de Chemtou – des marmora. L’histoire de leur exploitation, leur diffusion, les modalités de leurs usages depuis l’extraction jusqu’à des remplois plus fréquents que pour les autres matériaux lapidaires : tous ces thèmes font l’objet de travaux précis, qui se penchent de plus en plus fréquemment sur la question des volumes et des coûts[2]. Le renouvellement des méthodes d’analyses y contribue largement, qui offre une gamme toujours plus large de techniques de caractérisation des matériaux et d’identification des provenances[3] et qui permet de mesurer la variété des sources d’approvisionnement et l’importance des marbres qu’on dit parfois « de substitution », en ce qu’ils prennent la place, dans une aire généralement restreinte, des marbres issus des grands gisements contrôlés par le pouvoir impérial.
Yvan Maligorne, CRBC, Université de Brest
REA, T. 126, 2024, n°2, p. 395 à 402
[1] . L’Asssociation for the Study of Marbles & Other Stones in Antiquity (ASMOSIA) a tenu ses XIIIe rencontres à Vienne en septembre 2022. La XIe conférence a été publiée en 2018.
[2]. P. Barresi, Province dell’Asia Minore. Costo dei marmi, architettura pubblica e committenza, Rome 2003, p. 151-204, dont l’approche a été maintes fois reprise depuis ; si la dimension quantitative de ces travaux convainc souvent, la question des prix se heurte à la rareté de sources qui ne peuvent donner que des ordres de grandeur.
[3]. La nouveauté la plus importante de ces dernières décennies (mais elle concerne surtout la sculpture) est l’identification des carrières de marbre blanc de Göktepe, en Carie. La distinction de ce marbre d’excellente qualité et de celui de Carrare a d’abord posé problème, avant que des marqueurs spécifiques soient identifiés (W. Prochaska, D. Attanasio, M. Bruno, « Enraveling the Carrara-Göktepe Entanglement » dans D. Matetić Poljak, K. Marasović dir., Asmosia XI. Interdisciplinary studies on ancient stone, Proceedings of the XIe International Conference of Association for Study of Marble and Other Stones in Antiquity, Split 2015, Split 2018, p. 175-183), qui ont permis de. prendre la pleine mesure de l’importance considérable revêtue par ce marbre dans la production statuaire à partir du début du IIe s. (D. Attanasio, M. Bruno, W. Prochaska, A. Bahadir Yavuz, « The marble of Roman imperial portraits » dans Ibid., p. 185-194). Concernant le décor architectural, il serait sans doute utile de vérifier le rôle éventuel de ce marbre dans la production des chapiteaux dits « asiatiques » : plusieurs exemplaires sculptés dans un marbre blanc identifié à du Carrare ont conduit à postuler l’installation à Rome de tailleurs de pierre voués à ce type de production, hypothèse qui ne fait pas consensus (sur ces problèmes : G. Plattner, « Werkstatt und Muster. Zur Methode der Scheidung von Arbeitsprozessen und Stilelementen » dans J. Lipps, D. Maschek dir., Antike Bauornamentik. Grenzen und Möglichkeiten ihrer Erfoschung, Wiesbaden 2014, p. 60). La proximité des deux marbres est peut-être en cause.