Dans cet ouvrage issu d’un colloque qui a eu lieu à Oxford le 5-6 avril 2016 en lien avec le projet du Lexicon of Greek Personal Names, Robert Parker, professeur Wykeham émérite d’histoire ancienne (grecque) à l’Université d’Oxford et responsable du projet Lexicon of Greek Personal Names depuis 2009 rassemble 11 contributions relatives aux tendances et aux évolutions des noms propres en grec ancien. L’a. est bien connu pour ses travaux concernant les noms propres attestés dans le monde grec. Cet ouvrage s’inscrit dans la continuité des publications antérieures par la thématique, c’est-à-dire l’anthroponymie grecque[1]. Toutefois, il s’agit du premier ouvrage édité par R. Parker consacré à l’évolution des pratiques anthroponymiques car, si jusqu’à maintenant l’a. a déjà travaillé sur l’onomastique grecque[2], il manquait un ouvrage de synthèse sur l’évolution et les changements dans l’onomastique. En effet, jusqu’à présent les ouvrages étudiaient l’onomastique grecque à une période donnée, et nous ne pouvions que regretter l’absence d’un ouvrage centré autour de la question des évolutions dans l’onomastique grecque à travers les différentes époques. Un des points forts de l’ouvrage est de combler cette lacune et de traiter une vaste zone géographique (Grèce, Macédoine, Thrace, Asie Mineure, etc.) en raison de la diversité des régions étudiées par les différents contributeurs.
Le titre ainsi que le sous-titre sont évocateurs et illustrent le contenu de l’ouvrage. La première partie du titre, à savoir « Changing Names » annonce d’emblée l’aspect étudié dans l’ouvrage. Le premier élément du sous‑titre « Tradition and Innovation » cible les notions étudiées, tandis que la suite du sous-titre précise le domaine dont il est question, à savoir l’onomastique en grec ancien. L’illustration de la couverture est une photographie d’une stèle funéraire d’Odessos conservée au musée de Varna (Bulgarie) représentant un cavalier thrace et renvoie aux travaux de Dan Dana (p. 192‑193). Le rabat à l’avant de l’ouvrage introduit l’ouvrage en y présentant la problématique, tandis que le rabat à l’arrière de l’ouvrage présente l’éditeur du livre. La quatrième de couverture présente les volumes récents également publiés par la British Academy.
L’ouvrage possède une table des matières, où chaque numéro de chapitre correspond à une communication, une table des illustrations, une présentation des contributeurs, ainsi qu’une liste des abréviations. L’ouvrage est composé de 12 chapitres : l’introduction, suivie des 11 contributions. Dix figures en noir et blanc, dont 4 cartes très complètes, agrémentent le texte, de même que 6 tableaux consacrés à un nom ou à un type de nom. Nous apprécions la présence des numéros de pages des figures. À la fin de l’ouvrage, se trouve un index général. Nous regrettons l’absence d’un index des noms de lieux.
L’a. explicite sa volonté de combler une lacune en matière d’ouvrages scientifiques traitant de l’évolution et des tendances des noms. Il distingue 6 catégories de changements onomastiques : les changements individuels, les changements liés à l’évolution d’une population d’une région donnée, les changements structurels, les changements culturels, les conséquences des contacts entre différentes cultures et le degré de compréhension des noms. Après avoir évoqué le cas de la polynomie, R. Parker énonce certains aspects de la limite de la documentation. Concernant les changements individuels, ceux-ci peuvent concerner un maître qui peut changer le nom d’un esclave. Quant aux changements liés à l’évolution d’une population d’une région donnée, l’anthroponymie est un précieux indicateur, car elle peut trahir cette évolution qui n’est peut-être pas attestée ou connue par ailleurs. Pour ce qui est des changements structurels, l’a. revient sur l’usage du patronyme après le nom et signale que cette structure était déjà utilisée en linéaire B. Les seconds noms sont aussi évoqués, cela est attesté en Égypte à l’époque romaine et en Asie Mineure, ce procédé servant à commémorer un ancêtre de la famille. Concernant les contacts culturels, le cas du lycien est évoqué, avec un déclin des noms indigènes, puis au IIe s., un basculement vers une onomastique grecque : avec dans certaines inscriptions, des pères aux noms lyciens et leurs fils avec des noms grecs. Les noms indigènes comme Ermaktybelis ou Erpidarsasis tendent à disparaître et les noms lyciens persistants sont plus discrets. Parmi les 120 prêtres du culte impérial connus, seul 4 portent des noms lyciens. La Thrace est aussi confrontée aux contacts culturels, toutefois les résultats sont différents : les noms thraces persistent, mais on voit apparaître des noms thraces avec suffixe grec.
La confrontation entre la culture grecque et la culture latine induit la confrontation de deux systèmes onomastiques différents, ce qui n’est pas sans poser de problème. Pour certains noms comme Markos ou Gaios, il est difficile de savoir s’il s’agit d’un Romain portant un nom hellénisé ou d’un grec portant un nom latin. Ces contacts aboutissent aussi naturellement à des noms hybrides, comme par exemple des noms grecs avec suffixe latin en –ianus. Quelques siècles plus tard, à l’époque tardive, l’onomastique évolue avec le christianisme, ainsi, nous assistons à l’essor des noms chrétiens (noms des apôtres, des saints, des martyrs). Certains contacts différents ont aussi des répercussions sur l’onomastique, c’est le cas notamment à Éphèse, où des noms spartiates sont attestés, conséquence d’une amitié non réciproque entre les deux cités. Les changements de noms sont aussi liés au degré de compréhension du nom et du référent. Il est difficile de savoir en référence à quoi a été donné tel ou tel nom. Par exemple, il est difficile de savoir, parmi tous ceux qui ont porté le nom de Démétrioi dans l’Antiquité combien l’ont été en référence à Déméter, au monarque Démétrios ou en référence à un de leur ancêtre qui portait ce nom.
Dans le chapitre suivant, Torsten Meissner étudie les habitudes onomastiques en Égée à l’âge du bronze. Après avoir présenté un corpus composé d’environ 2000 noms et évoqué les ambiguïtés existantes en linéaire B, notamment l’absence de distinction entre sonores, sourdes et spirantes, ainsi que l’absence de distinction graphique entre /r/ et /l/, T. Meissner présente la méthodologie pour l’identification d’un anthroponyme en linéaire B, ainsi que les limites de celle-ci. L’a. présente les différents types de noms de la Grèce mycénienne, avec le cas des tablettes o-ka : 5 tablettes de Pylos comportant des anthroponymes suivis par o-ka. Il est possible qu’il s’agisse ici d’un contexte militaire. Dans une tablette de Pylos (PY A 656), pe-re-u-ro-i-jo correspond à l’anthroponyme /Pleuronios/, dérivé du toponyme Pleuron, aussi attesté à Pylos (PY An 1.1). L’existence d’une alliance militaire entre Pleuron et Pylos est plausible. Certains noms sont formés sur des noms de métiers, certains sont identifiables comme forgeron ou encore berger (PY Jn 750). Concernant les noms de la Grèce mycénienne, il existe des cas d’hétéronymie, une seule et même personne est désignée par deux noms différents. Le cas du patronyme en Grèce mycénienne est aussi évoqué. Si quelques noms sont suivis du patronyme, il s’agit d’un phénomène assez rare dans les documents mycéniens.
L’a. se concentre sur le caractère grec des noms mycéniens, qu’il s’agisse de la morphologie ou des lexèmes. L’équivalence entre anthroponyme mycénien et anthroponyme grec n’est possible que pour 12,2% des noms du corpus. Ceci est notamment dû au fait que la structure des noms diffère. En mycénien, les noms simples sont majoritaires, alors qu’en grec, beaucoup de noms sont des noms composés. Les noms composés existent aussi en mycénien, mais ceci est un phénomène qui n’est pas très fréquent. L’a. étudie ensuite les anthroponymes de Cnossos. Les noms grecs et les noms non-grecs sont mêlés dans les tablettes. Une des particularités de l’onomastique de Cnossos, c’est l’abondance de noms de deux syllabes en -i. Il peut s’agir d’hypocoristiques ou de noms plus longs tronqués. À part quelques exceptions, ces noms sont attestés à Cnossos, et leur origine est probablement minoenne. Un autre type de noms que l’on trouve à Cnossos, ce sont les noms rédupliqués, comme en linéaire A. L’a. évoquant des noms des Troyens chez Homère, nous aurions attendu l’ouvrage de P. Wathelet[3], en bibliographie. Enfin, l’auteur souligne que certains noms sont attestés à la fois en Crète et en Asie Mineure.
L’article suivant de Miltiades Hatzopolos traite de deux cités macédoniennes : Aigéai, l’ancienne capitale, et Pella, nouvelle capitale administrative depuis Amyntas III. Pour la cité de Pella, nous disposons d’un corpus des noms de 179 personnes ayant vécu entre le Ve et le IIe s. av. J.-C. L’auteur explique sa méthodologie : il distingue 4 catégories parmi les noms attestés dans ces villes de Macédoine, il explique les différentes catégories, puis classe les noms parmi ces catégories. Il distingue : les noms grecs épichoriques, les noms grecs panhelléniques, les noms étrangers (thraces, illyriens, etc.) et les noms dont l’origine est incertaine. Le classement des noms est présenté dans un tableau de 14 pages en annexe. Ce classement permet de dégager des résultats significatifs, notamment les 80,3% de noms panhelléniques à Aigéai, où l’absence de l’anthroponyme Ἀλέξανδρος à Aigéai est aussi notable. Pella se démarque par la proportion élevée d’anthroponymes théophores. Ces résultats contrastés s’expliquent par les différences entre les 2 villes : Aigéai qui a gardé un caractère rural, et Pella, située dans une région côtière. L’article est bien illustré notamment à l’aide d’une carte globale et de cartes topographiques d’Aigeai et de Pella.
L’article suivant de Denis Knoepfler est consacré aux 4 saisons de l’onomastique béotienne, avec le cas de Thespies. Il étudie l’évolution de l’anthroponymie au fil des époques à l’aide d’un découpage clair en 4 périodes, rapproché des 4 saisons : le printemps, pour l’époque classique, l’été pour la haute époque hellénistique, l’automne, pour la basse époque hellénistique et le début de l’époque impériale, et enfin l’hiver, pour le déclin de l’Empire et la crise du IIIe s. Le choix de Thespies s’est imposé en raison de l’abondance de sources. L’a. précise que la métaphore avec les saisons est artificielle, toutefois, nous trouvons que cette métaphore imagée apporte de la clarté et de la poésie à son exposé.
Concernant le printemps, c’est-à-dire l’époque classique, l’a. se base sur une liste composée de 9 colonnes, comportant une centaine de noms (IG VII 1888). Un tiers des noms sont des hapax legomena : il peut s’agir d’anciens noms qui survivent sous une forme différente. Les noms composés abondent et les noms rares sont des dérivés ou des hypocoristiques.
Concernant l’été (la haute époque hellénistique), le corpus est constitué de plusieurs listes. L’on remarque un changement pour indiquer la filiation : l’adjectif patronymique fait place au génitif de filiation. Il s’agit d’un changement rapide, qui est sans doute dû à une volonté fédérale, mais aussi à l’influence des régions voisines. Dans un peu moins d’un quart des cas, il y a des similitudes entre le nom du père et du fils, d’autres portent un nom contenant un des éléments du nom du père, par ex. Ξενόφαντος et Φιλοξένω. Cette époque voit aussi la création de nouveaux noms par suffixation. La tendance est au renouveau, avec de nouveaux noms hapax legomena, une dizaine vers 250, bien souvent, le père porte un nom très fréquent comme Ἀρίστων. Il faut noter que l’onomastique de Thespies reste ouverte aux influences étrangères et aux modes.
L’a. étudie ensuite la basse époque hellénistique et le début de l’époque impériale. En Béotie, la dissolution du koinon béotien par le sénat vers 170-160 marque la limite entre la haute époque hellénistique et la basse époque hellénistique. On constate la persistance de noms traditionnels, mais aussi des nouveautés, comme des hypocoristiques en -ᾶς, ou encore des noms formés sur des participes. Le plus frappant est sans doute l’absence de noms romains. Dans le dossier éphébique, des noms romains sont présents, même si la proportion est vraiment faible pour le début de l’époque impériale. C’est seulement à l’hiver (déclin de l’Empire et crise du IIIe s.), avec la liste des recrues appelées à rejoindre l’armée impériale pour repousser les invasions barbares sous Marc-Aurèle que l’onomastique thespienne voit apparaître des personnes avec des tria nomina ou 2 éléments de la formule onomastique latine.
Dans l’article suivant, Jaime Curbera étudie la signification des noms des satyres. Le corpus est composé de 120 noms provenant majoritairement de vases attiques. Si ces noms sont déjà connus, leur signification n’avait pas encore fait l’objet d’une analyse. Selon l’a., ces noms ne peuvent pas être compris en dehors de la culture populaire traditionnelle. Dans un premier temps, l’a. discute différents aspects des noms des satyres, comme les liens avec des personnages masqués. Tout d’abord, certains noms renvoient à des noms d’animaux. Ces satyres se retrouvent aussi en tant que personnages dans différents festivals. Le problème des vases « chalcidiens » est évoqué. En effet, sur ces vases, les noms ne semblent pas coïncider avec la représentation attendue : les attributs et les caractéristiques ne sont pas ceux escomptés. Ceci est sans doute dû au fait que les vases représentent le festival et les festivaliers et non pas la tradition culturelle. Concernant les caractéristiques des noms des satyres, ils sont souvent brefs et le suffixe -ος est fréquent. Certains noms sont métonymiques, l’attribut finit par désigner le personnage. Les noms des satyres sont bien différents des noms des Ménades, si les Ménades ont des noms banals, évoquant leur caractéristique physique positive, les noms des satyres sont quant à eux bien plus crus et terre-à-terre. Il faut comprendre que les noms de satyres ne sont pas des noms propres comme nous l’entendons aujourd’hui, mais des noms de types de personnages. Les parades de satyres étaient tellement impressionnantes qu’elles sont devenues une source d’inspiration pour l’onomastique personnelle. Σιλανός (si-ra-no) est d’ailleurs attesté comme anthroponyme déjà à l’époque mycénienne, soit avant la première attestation de σάτυρος. L’anthroponyme Σιλανόδο[το]ς est attesté dans les îles Sporades au VIe s. av. J.-C. Ce nom était perçu comme théophore et attribué à un enfant conçu pendant la période de la parade de la fête masquée / « masquerade ». Dans la seconde partie, 34 noms du corpus, classés par ordre alphabétique, font l’objet d’un commentaire étymologique. Il s’agit des noms représentatifs ou de noms soulevant de nombreuses questions. Il est question de Κισσός, nom théophore, signifiant « lierre ». Le nom Πόσθων est aussi intéressant, car le terme de πόσθων peut avoir trois significations différentes. Il peut s’agir d’un signe de tendresse, ou d’un synonyme de ψώλων, ou encore d’un synonyme de μωρός, pouvant avoir une connotation enfantine. Le cas d’une amphore (ARV2 618, 3) est évoqué, sur cette dernière, Πόσθων est un enfant. C’est donc le troisième sens qui semble convenir. Ce cas prouve l’importance du contexte pour les explications étymologiques.
L’article suivant rédigé par Thomas Corsten traite des changements de noms des individus. Ces changements peuvent être voulus par une autre personne que celle concernée ou par la personne concernée. Les changements de noms de personnes peuvent être en lien avec la religion et ses évolutions. Ainsi, avec le développement du christianisme, le nom Saulus a eu tendance à être remplacé par Paulus. Dans certains cas, le nouveau est adjoint à l’ancien et constitue une sorte de supernomina. À l’acquisition d’un esclave, il est habituel de lui attribuer un nouveau nom, cela peut être un ethnique, un nom fréquent dans sa contrée d’origine, ou encore un nouveau nom choisi par le propriétaire. Ce changement est parfois dû à la difficulté de prononciation du nom d’origine. Au moment de l’affranchissement, la personne change aussi de nom et passe d’un nom imposé par quelqu’un d’autre à un nom choisi.
Les changements de noms concernent aussi les personnes de condition libre. Ces changements sont dus à l’hellénisation et à la romanisation. Les personnes arrivant en pays hellénophone, en particulier pour y occuper une fonction importante, changent parfois de noms. Des personnes avec des noms égyptiens changent pour un nom grec, qui est peut-être la traduction du nom égyptien. Parfois, le nom d’origine est maintenu, mais il est « romanisé » à l’aide de suffixes. Par exemple, à leur entrée dans l’armée, beaucoup ajoutent un suffixe latin à leur nom. D’autres changements sont aussi attestés, notamment le changement de noms de gladiateurs pour indiquer leur victoire. Les changements de noms effectués par des personnes libres sont plus difficiles à observer.
L’article suivant, rédigé par Stephen Lambert porte sur l’anthroponyme Δημοκράτης et la connotation de ce nom. Le mot δημοκράτης n’existe pas en grec. Le mot demokratia est peu attesté dans la littérature avant 430 av. J.-C. en raison de la versification. Cet article se veut une réflexion sur le sens du mot δημοκράτης s’il avait existé. Le nom Δημοκράτης change de connotation en fonction de l’époque, car il reflète les changements politiques, idéologiques et culturels. L’anthroponyme est composé de deux éléments ayant chacun une signification, mais la combinaison des deux éléments n’a pas de signification littérale. L’ a. évoque le cas d’un Demokrates, fils d’Aristokrates et mentionne qu’il existe une version féminine de l’anthroponyme : Demokrateai, dont il existe seulement 7 attestations dans le LGPN online. La distribution chronologique de l’anthroponyme est concentrée entre le IVe et le IIe s. av. J.-C.
Dans l’article suivant, Dan Dana aborde la question des interactions onomastiques entre les noms grecs et les noms thraces. L’a. présente une chronologie des changements et des évolutions du système de l’onomastique personnelle dans les régions du nord des Balkans. Dans la première partie de l’article, il est question de la fréquence et de la diversité des noms en – ζ?????ελμις, mais aussi de certains phénomènes du IIIe s. après J.-C. comme la diminution de noms composés pour l’onomastique thrace et de la baisse des noms d’assonance. L’a. évoque aussi la popularité des Lallnamen à l’époque impériale et souligne la popularité durant l’Antiquité tardive de trois noms thraces : Βουραιδης/ Buraides, Ζιμαρχος/Zimarchus et Ζιπερ/Ziper. Une partie est consacrée aux suffixes grecs. Les anthroponymes féminins contiennent plus de suffixes grecs et ils sont aussi plus touchés par les créations hypocoristiques. L’a. souligne aussi que les noms thraces adjoints d’un suffixe grec sont les noms indigènes les plus fréquents à l’époque impériale. Les noms théophores et les noms hydrides sont aussi traités, comme par exemple Bendis, anthroponyme basé sur le théonyme, ou le nom hybride Δηλόπτιχος ou les noms « potamophoric », contenant le nom d’un cours d’eau. Ainsi, l’a. présente un tableau très clair des anthroponymes basés sur Μανδρο-/ -μανδρος puis fournit plusieurs anthroponymes dont le nom est formé sur celui d’un cours d’eau. Dans une autre partie, les noms mythologiques en lien avec les Thraces sont abordés. L’a. aborde la question de l’étymologie du nom du roi Ῥῆσος/Rhésus, plutôt grecque, du nom d’Orphée (̕Oρφεύς), mais aussi le sujet des anthroponymes formés sur le nom d’un héros et le cas du nom Μέντης, nom d’un chef thrace. Les noms mythologiques sont bien attestés à l’époque impériale. Enfin, une partie est consacrée au nom Ἕλλην ou « le Grec », qui n’en est pas un, avec la distribution de l’ethnique Ἕλλην en tant qu’anthroponyme, notamment 30 occurrences à Odessos, où ce nom est plus porté par des femmes que par des hommes. Cet anthroponyme est porté par des personnes qui sont devenues grecques et il ne s’agit pas d’un marqueur de l’origine ethnique. Enfin l’a. présente une stèle d’Odessos avec un cas intéressant de « bilinguisme iconographique ».
L’article suivant, rédigé par Christof Schuler nous plonge dans l’onomastique de la Lycie. L’a. s’interroge sur les associations d’idées et les préjugés vis-à-vis de quelqu’un portant un nom lycien pour un grec ou un romain. Une carte bien exécutée permet au lecteur de se repérer dans la Lycie. L’a. souligne l’utilité de l’onomastique pour permettre de délimiter la région grâce à l’ère géographique des anthroponymes lyciens. L’article est découpé en trois parties, chacune correspondant à une époque donnée de l’onomastique lycienne.
La première partie présente la première phase (du Ve s. jusqu’à la fin du IIIe s. av. J.- C.) où les noms indigènes dominent. Le cas d’un sarcophage avec des inscriptions grecques et lyciennes est présenté et l’on peut y lire les anthroponymes dans les deux langues : Apollonides pour Pulenjda. Avant le IIIe s. av. J.‑C., les Lyciens portant des noms grecs sont une minorité, puis l’a. signale la diminution des inscriptions en lycien après 300 et l’augmentation de la proportion des noms grecs.
La seconde partie est consacrée à la deuxième phase (environ 200 – 50), où la proportion de noms grecs augmente. Dans beaucoup de familles, il y a alternance entre noms grecs et noms lyciens entre les générations. Plusieurs dynastes lyciens ont des noms perses. Des noms perses comme Artapatès et Pharnakès sont très populaires en Lycie alors qu’ils n’ont pas cette popularité dans les autres régions de l’Asie Mineure. Durant cette phase, la proportion de personnes portant deux noms indigènes diminue. La proportion de noms indigènes est plus importante chez les femmes car ces dernières sont moins actives dans la sphère publique.
La troisième partie de l’article correspond à la troisième et dernière phase. Cette phase commence à la seconde moitié du Ier siècle après J.-C. Les Lyciens avec noms romains sont plus fréquents. Les noms indigènes décroissent, mais continuent à être portés jusqu’au IIIe s. après J.-C. 50% des noms des ἀρχιερεῖς entre 43 et 300 après J.-C. sont connus et seulement 3,5% portent des noms indigènes. C’est seulement au Haut Empire que la majorité des femmes lyciennes portent des noms grecs. À l’époque impériale, les prénoms lyciens compliqués à prononcer sont rares. Une autre caractéristique de la phase 3 est la fréquence des noms doubles avec ὁ καί ou ἡ καί en ajout au nom principal.
L’article suivant de J.-S. Balzat traite de l’adoption de noms romains et des pratiques anthroponymiques après que Rome est devenue un acteur militaire important. Ce phénomène comporte deux étapes. La première est l’adoption de nomina nuda par les citoyens grecs des poleis avant la dictature de César. À Athènes, avant 86 av. J.-C., le nombre de nomina nuda est très faible. Avant César, les personnes qui portent des nomina nuda sont issues de la diaspora romaine ou en lien avec celle-ci. La citoyenneté romaine dans la province est vue par l’a. comme un moteur de changement onomastique. Les Imperial nomina comme Caius Julius, Tiberius Claudius ou Titus Flavius reflètent le privilège impérial. L’adoption des pratiques onomastiques s’étend au cognomen. L’a. souligne une évolution après Claude. Ensuite, l’a. évoque la période qui suit l’édit de Caracalla de 212 après J.-C.
Dans l’article suivant, Athanasios Rizakis aborde la question de l’impact de la domination romaine sur les provinces hellénophones. En effet, il y a confrontation de deux systèmes onomastiques : le système grec met en avant l’identité individuelle alors que la formule latine met en avant l’identité collective. Avant Sylla, seul le praenomen est évoqué, suivi de l’ethnique Ῥομαῖος. Après Sylla, les Grecs se familiarisent avec la formule onomastique romaine et passent aux duo nomina (praenomen + nomen). Pour les nouveaux citoyens, le nom de la tribu n’apparaît pas et se pose le problème de la notation du patronyme à l’aide de la formule latine. La popularité des noms latins varie d’une région à l’autre. En Grèce orientale, les noms les plus en vogue sont Rufus, Maxime et les cognomina indiquant l’ordre de naissance. La diffusion des noms latins est très limitée dans les provinces hellénophones. Dans l’Orient romain, on observe une persistance remarquable d’anciens noms grecs jusqu’à la fin de l’Antiquité. L’acculturation onomastique varie d’une région à l’autre.
Dans l’article suivant, Sylvain Destephen aborde la question de l’évolution onomastique dans l’Antiquité tardive et les conséquences de la christianisation. Selon l’a., l’étude des noms peut apporter une réponse détaillée puisque l’Asie Mineure possède un patrimoine onomastique riche et varié malgré le manque de documentation. L’onomastique permet d’observer comment la conversion de l’empire romain en général, et de l’Asie Mineure en particulier, a provoqué une transformation globale des noms que les gens portaient, même si les modifications se sont produites plus rapidement dans les milieux ecclésiastiques et monastiques que parmi les laïcs ordinaires. L’a. étudie les noms des premiers chrétiens en Asie Mineure. Cette étude des anthroponymes est possible en Asie Mineure, grâce à la vaste documentation épigraphique. Les noms sémitiques ou anatoliens conservateurs sont exceptionnels, et cette découverte inattendue peut confirmer l’hypothèse que la plupart des personnes converties en Asie Mineure sont d’origine grecque et ont été intégrées dans la civilisation romaine. Le corpus est composé de 288 inscriptions, datant pour la plupart du IIIe s. On compte 266 femmes anatoliennes nommées. Trois noms (Ammiai, Tatiai et Domnai) représentent un tiers de toutes les femmes connues par les premières inscriptions chrétiennes. Toutefois, l’a. souligne la présence inattendue d’Auxanon parmi les prénoms masculins les plus fréquents. Bien que d’origine grecque, ce nom est attesté en Asie Mineure, en particulier en Phrygie ainsi qu’en Pisidie, et constitue une preuve supplémentaire que les premiers chrétiens d’Asie Mineure, principalement connus par des inscriptions funéraires, étaient des natifs d’Anatolie plutôt que des étrangers avec un fond sémitique.
L’étude des noms des évêques dans l’Antiquité tardive peut être fructueuse parce que les évêques sont beaucoup plus documentés que tout autre groupe ecclésiastique. La christianisation des évêques et des noms représente un changement à long terme. En adoptant ces nouveaux noms, les évêques peuvent avoir été les pionniers de la christianisation des noms portés dans la fin de l’Antiquité.
La christianisation a induit en Anatolie un double processus de mondialisation et de simplification des noms. Le patrimoine onomastique de l’Asie Mineure a subi un double processus de transformation et de simplification à la fin de l’Antiquité, mais n’a pas disparu. Comme le christianisme est devenu la religion commune du monde méditerranéen, il a favorisé un renouvellement des noms en disséminant les saints anatoliens à l’étranger. L’exemple le plus célèbre est probablement Nicolas, un saint légendaire qui était adoré en Lycie et dont le nom était presque limité à cette province dans l’Antiquité tardive. La diffusion de son culte a ensuite favorisé la diffusion du nom dans toute l’Europe.
Lauriane Locatelli
Publié dans le fascicule 1 tome 122, 2020, p. 269-275
[1]. Personal Names in Ancient Anatolia, R. Parker éd., Oxford 2013.
[2]. « Theophoric Names and the History of Greek Religion », Proceedings of the British Academy 104, 2000, p. 53-79.
[3]. Le dictionnaire des Troyens de l’Iliade, Liège 1988.